QUESTION DU JOUR/A quand la prochaine alerte inflationniste ?

19/09/2006 - 12:52 - Option Finance

(AOF) - Le comportement salarial va devenir l'élément clé de l'inflation future. L'inflation, qui avait disparu du paysage économique en 2003, est redevenue une possibilité parmi d'autres en 2004 puis un risque en 2005 et enfin une réelle menace en 2006. Les marchés s'en sont inquiétés, au point de faire basculer en mai-juin les certitudes des investisseurs en actions. Depuis lors, ceux-ci ont adopté un profil prudent. Les gérants obligataires ne se sont guère mieux comportés durant l'été : leurs positions à la vente les ont en effet empêché de bénéficier du rallye des titres d'Etat occasionné par les anticipations de ralentissement de l'activité américaine. L'apparent consensus de modération des rendements futurs recouvre deux thèses opposées : le tassement de la croissance fragilisant l'emploi amènera la Réserve fédérale à baisser ses taux, l'an prochain ; le ralentissement demeurera insuffisant pour ramener l'inflation dans la zone de confort et des hausses de taux supplémentaires s'avèreront nécessaires. La première thèse a la préférence des marchés à en juger par le comportement des obligations indexées. Aux Etats-Unis, l'inflation révélée par ces obligations est pratiquement retombée à son plancher de fin décembre pour les échéances courtes et intermédiaires (2 à 6 ans). L'inflation attendue à long terme a toutefois moins reculé tandis que les planchers successifs de l'inflation de moyen terme dévoilent une tendance légèrement ascendante. Il subsiste donc une certaine nervosité au niveau actuel des taux longs, nervosité que les banquiers centraux prennent un malin plaisir à entretenir par leurs déclarations. Le degré de tensions existantes ne laisse il est vrai guère de marges de manœuvre aux politiques monétaires. Selon l'OCDE, le potentiel de production a été quasiment atteint dans l'ensemble de la zone au deuxième trimestre 2006 ; le taux de croissance du Pib doit donc très vite perdre plus d'un demi-point par rapport aux 3,2% de glissement annuel réalisés récemment si l'on veut éviter que l'inflation ne s'installe. Les Etats-Unis, en avance sur leurs partenaires, sont déjà dans la zone de surchauffe et devront l'avoir quittée dès l'automne, faute de quoi la politique monétaire devra se durcir. L'UEM, en retard dans la reprise, est dans la position symétrique encore favorable à la détente des prix, mais le creux conjoncturel s'y efface à présent plus vite qu'ailleurs. Le Japon est entre-deux, confirmant la fin de la déflation. Dans les trois zones, les capacités de production industrielles sont sollicitées au-delà de la normale, en dépit de tout ce qui peut être dit sur le déploiement de l'offre des pays émergents. La situation des marchés du travail est plus délicate à évaluer : le plein emploi est vraisemblable aux Etats-Unis, et à portée de main au Japon, confronté au vieillissement accéléré de la population. Il est a priori encore loin d'être atteint en zone euro ; cependant, le taux de chômage est retombé au plus bas des cycles antérieurs, niveau auquel les revendications salariales se renforçaient. Le comportement salarial va devenir l'élément clé de l'inflation future. La question est d'actualité aux Etats-Unis, où la hausse des coûts unitaires de main-d'œuvre est estimée à 4,9% du deuxième trimestre 2005 au deuxième trimestre 2006 en dépit de gains de productivité de 2,8%. Elle ne l'est pas encore en zone euro, où elle est d'environ 1% l'an, ni au Japon. La BCE s'inquiète toutefois des effets de second tour que peuvent entraîner des prix pétroliers durablement élevés. Sur ce plan, la rechute du baril de Brent vers 65 dollars, soit approximativement le niveau de l'an passé, arrive à point pour calmer les anticipations inflationnistes des particuliers. Si la baisse du pétrole se trouve confortée dans les prochains mois par la concrétisation du ralentissement de la demande, le glissement annuel des prix à la consommation va sensiblement refluer dès septembre : il oscillerait d'ici au printemps prochain entre 1,5% et 2,0% dans la zone euro et autour de 2,5% aux Etats-Unis, où le phénomène est amplifié par la chute des prix de l'essence (près de 20% en un mois). Les tenants de la détente des prix ont de fortes chances de voir leur position confortée au cours des six mois à venir. Mais leur victoire pourrait bien s'avérer temporaire. L'accalmie redonnera d'abord confiance aux marchés puis aux entreprises et enfin aux particuliers. Dans un environnement financier resté accommodant, les projets de dépenses refleuriront au printemps 2007. Il serait bien surprenant qu'ils ne déclenchent pas une nouvelle alerte inflationniste d'ici un an, contraignant alors les politiques monétaires à devenir globalement restrictives, mettant fin à près de sept années de vaches grasses.