Interview- Pauline Leclerc-Glorieux, (AMF)

19/03/2008 - 18:19 - Option Finance

Pauline Leclerc-Glorieux, chef de service des prestataires et des produits d'épargne de l'AMF. "Les nouvelles conditions d'agrément des OPCVM permettent de gagner du temps" Dans un souci de "meilleure régulation", l'Autorité des marchés financiers vient de réformer les conditions d'agrément et de contrôle des OPCVM. Les fonds sont aujourd'hui agréés plus rapidement grâce notamment à un dépôt de dossiers sous format électronique auquel s'ajoute, pour certains, une procédure d'agrément allégée.

Comment s'est déroulée la mise en place du nouveau dispositif pour l'agrément et le contrôle des OPCVM ?

Après l'avoir préparée tout au long de l'année 2007, en concertation avec les professionnels, la réforme est entrée en vigueur en trois étapes, dont la dernière vient tout juste d'être franchie. La première modification majeure a été mise en place à partir du 7 janvier et permet une procédure d'agrément accéléré pour tout OPCVM similaire à un OPCVM agréé depuis moins de dix-huit mois. Les sociétés de gestion nous présentent les principaux points de différenciation par rapport au fonds déjà agréé et, en contrepartie, nous agréons le nouveau fonds en moins de huit jours ouvrés, soit un délai deux fois plus rapide qu'auparavant. Depuis début février, nous observons qu'un dossier OPCVM à vocation générale sur cinq est agréé par le biais de cette procédure. Ces résultats sont très encourageants et prouvent que la réforme répond bien à un besoin. La deuxième étape, qui est entrée en vigueur le 1er février, a concerné la procédure d'agrément classique. Il s'agit là plus d'une clarification que d'une modification de la procédure. Nous avons voulu rendre plus lisible le fait que, dans un dossier d'agrément, la responsabilité première de la conformité du produit repose sur la société de gestion. L'AMF intervient sur la base d'un contrôle préalablement effectué par la société de gestion. Pour cela, nous avons souhaité que la société de gestion s'engage par écrit sur le fait qu'elle a bien effectué un certain nombre de diligences et qu'elle nous identifie les particularités du dossier. Nous lui demandons de nous indiquer que, au vu des contrôles effectués, elle considère le dossier conforme à la réglementation. Si notre contrôle révèle finalement que ce n'est pas le cas, nous en parlons avec elle pour analyser l'origine de l'erreur. Cette nouvelle procédure va inciter les sociétés à être particulièrement vigilantes sur la qualité des dossiers déposés. Par ailleurs, cette réforme n'exige pas de moyens supplémentaires puisque les sociétés doivent de toute façon disposer en interne d'une organisation en matière de conformité. Nous leur demandons simplement de formaliser l'existence de cette organisation et son bon fonctionnement. Entrée en vigueur le 1er mars, la refonte de l'agrément des mutations d'OPCVM représente le troisième point majeur de la réforme. Lorsqu'un OPCVM subit des changements, ceux-ci, en fonction de leur nature, vont relever de la responsabilité de la société de gestion ou nécessiter un agrément de l'AMF. Or, le périmètre de ce qui procédait de la responsabilité de la société de gestion ou de ce qui était agréé par l'AMF ne correspondait pas toujours à ce que l'on considérait comme représentant un enjeu pour l'investisseur. Par exemple, un fonds de classification actions françaises qui baissait son investissement minimum en actions de 60 à 50 %, changeait immédiatement de classification pour devenir un fonds diversifié et, du coup, cette modification devait obtenir l'agrément de l'AMF, alors qu'en soi, passer de 60 à 50 % en actions ne nécessite pas forcément une réécriture complète du prospectus. Inversement, certains fonds pouvaient changer complètement leur objectif de gestion sans avoir besoin de l'agrément de l'AMF. Le nouveau règlement prévoit qu'en cas d'évolution significative du profil rendement/risque d'un fonds, ce dernier doit obtenir l'agrément de l'AMF. Une des mesures qui intéressent particulièrement les sociétés de gestion concerne les catégories de parts. Jusqu'à présent, dès qu'une société créait une nouvelle catégorie de parts dans un OPCVM, il fallait l'agrément de l'AMF. Par exemple, lorsqu'une société de gestion souhaitait créer, à l'intérieur d'un OPCVM grand public, une catégorie de part à destination des institutionnels, avec des frais moindres, l'agrément de l'AMF était nécessaire. Or, cela n'avait pas vraiment d'intérêt en termes de protection de l'investisseur. Nous avons changé la règle : désormais, quand la société de gestion crée une nouvelle part, si celle-ci s'adresse au même public ou à un public plus expérimenté, l'agrément de l'AMF n'est pas nécessaire, le changement s'opérant alors sous la responsabilité de la société de gestion. En revanche, si elle s'adresse à un public moins expérimenté, l'agrément de l'AMF est obligatoire. Il est intéressant de voir que, dès l'entrée en vigueur de cette mesure, soit dès la première semaine de mars, nous avons reçu un nombre important de dossiers de création de catégories de parts. Ainsi, de nombreuses sociétés de gestion ont pu créer une catégorie de parts en vingt-quatre heures avec des formalités allégées, sans altérer le niveau de protection des épargnants, étant précisé que les porteurs du fonds doivent être informés de cette création de catégorie de part et se voir offrir la possibilité de sortir sans frais de l'OPCVM en cas de désaccord.

Quelles autres modifications avez-vous effectuées dans le cadre de cette réforme ?

Nous avons également instauré la systématisation des échanges électroniques. Jusqu'à présent, les sociétés de gestion étaient toujours obligées de nous déposer les dossiers sous format papier, ce courrier représentait une charge administrative et prenait du temps. Aujourd'hui, elles peuvent désormais nous déposer leur dossier sous format électronique. Ainsi, un dossier déposé avant 10 heures est enregistré le même jour. Nous avons l'intention d'enrichir l'interface Internet dans les mois à venir pour offrir aux sociétés de gestion encore plus de fonctionnalités. Ce dépôt électronique est valable pour les dossiers, mais aussi pour un certain nombre de documents justificatifs. Enfin, pour aider les sociétés de gestion à mettre en œuvre cette réforme, nous venons de publier un guide dédié à la rédaction du prospectus des OPCVM.

Ces améliorations de la procédure représentent notamment un gain de temps pour l'AMF. Comment comptez-vous l'utiliser ?

L'idée de notre démarche, qui vise à une "meilleure régulation", est de dégager du temps pour pouvoir concentrer nos moyens là où il existe un réel enjeu en termes de protection des investisseurs. Dans la gestion d'actifs, cette démarche concerne deux domaines identifiés comme devant faire l'objet d'un investissement accru de notre part : le contrôle des documents commerciaux et le suivi des OPCVM. Jusqu'à présent, nous contrôlions essentiellement les documents commerciaux concernant les fonds à formule, c'est-à-dire des fonds qui ont des fenêtres de commercialisation. Nous avons souhaité être plus présent sur les gestions actives. En juillet dernier, après avoir analysé des documents commerciaux à l'aune des futures règles MIF, nous avons publié une première synthèse pour attirer l'attention des sociétés de gestion sur les changements à venir. Nous allons publier d'ici quelques semaines une deuxième synthèse d'observations consacrée aux bonnes et aux mauvaises pratiques à la suite de l'entrée en vigueur de la directive MIF, le 1er novembre dernier. Nous n'avons pas voulu prendre position jusqu'à présent concernant l'interprétation des obligations issues de la MIF dans ce domaine des documents commerciaux, car nous sommes dans une phase d'observation des pratiques des professionnels en France mais aussi chez nos voisins européens.

Quelles mauvaises pratiques avez-vous d'ores et déjà observées en matière d'application de la directive MIF ?

Il y a trois sujets sur lesquels l'AMF va devoir faire de la pédagogie. Nous allons tout d'abord devoir répondre à la question suivante : à partir de quel moment, doit-on considérer que la mise en avant des performances passées constitue l'"axe central" de la communication ? De la même façon, à partir de quel moment une publicité est-elle déséquilibrée, au sens où elle met en avant les avantages du produit et gomme les risques associés ? Enfin, la présentation des performances inférieures à un an demandera également une réflexion.

Comment allez-vous améliorer le suivi des OPCVM ?

Nous avons le devoir de vérifier que, en cours de vie de l'OPCVM, son comportement est bien conforme avec ce qui a été annoncé dans le prospectus. Pour cela, nous utilisons plusieurs sources d'informations. Nous avons notamment développé, l'année dernière, un outil permettant de réaliser l'analyse statistique des valeurs liquidatives de tous les fonds. Cela va nous permettre de signaler aux professionnels les anomalies que nous détectons de façon récurrente. Par exemple, nous avons constaté récemment que certains gérants considéraient que, lorsque la situation de marché le justifiait, ils pouvaient s'écarter du prospectus de leur OPCVM. L'exemple typique est le fonds actions : le gérant qui voit les actions baisser veut sécuriser son fonds. Cependant, il n'a le droit de réduire son investissement en actions qu'à partir du moment où il a indiqué cette possibilité dans le prospectus. Propos recueillis par Ludivine Garnaud