EVENEMENT/ Comment les nouvelles sociétés de gestion et la crise

31/03/2008 - 17:37 - Option Finance

Malgré la crise boursière de 2007, le marché français de la gestion à continué d'accueillir de nouveaux acteurs. Si le développement de certaines petites sociétés de gestion a été freiné, d'autres ont réussi à séduire des investisseurs pourtant frileux. Comme lors des années précédentes, le métier de gestion d'actifs a attiré, en 2007, de nombreux candidats à la création d'entreprises : 37 sociétés de gestion entrepreneriales ont vu le jour l'année dernière, au lieu de 24 en 2006. Positionnées sur toutes sortes de classes d'actifs, "ces sociétés ont pour point commun d'être très spécialisées, soit de par leur processus de gestion original, soit de par les produits qu'elles proposent, indique Muriel Faure, présidente de la commission des sociétés de gestion entrepreunariales (SGE) de l'Association française de la gestion financière (AFG). Certaines ont opté pour la gestion classique, tout en misant sur des classes d'actifs ou des zones géographiques spécifiques, par exemple." Ces jeunes sociétés sont principalement tournées vers la zone euro et souhaitent développer, en majorité, de la gestion alternative. Pourtant, les obstacles à leur création et à leur développement ont été particulièrement nombreux en 2007. "Il faut aimer entreprendre et faire preuve de courage pour se lancer dans une telle aventure !", reconnaît Irène d'Orgeval, directeur général de l'incubateur AmLab. La mise en application de la MIF, en novembre 2007, a constitué pour ces jeunes sociétés de gestion un premier obstacle de taille à surmonter. "Il a fallu gérer des demandes d'agrément alors que la réglementation connaissait de profondes évolutions, commente Muriel Faure. Néanmoins, la plupart de ces petites sociétés ont anticipé ces modifications et ont bénéficié d'un accompagnement de l'AMF." Avec une réglementation alourdie, les standards des clients en matière de transparence se sont élevés. "Le renforcement de la réglementation, conjugué à un relèvement des exigences de la clientèle, a nécessité des investissements induisant une hausse des coûts. Il est donc devenu plus cher de se lancer dans la gestion d'actifs aujourd'hui, en raison de ces évolutions", note Irène d'Orgeval. Ces SGE doivent mettre en place des contrôles réguliers de leurs risques et font parfois appel à des prestataires extérieurs spécialisés en la matière. Certaines sociétés de gestion utilisent cependant la thématique de maîtrise du risque comme un argument marketing. "Suite à de nombreux entretiens avec les investisseurs, nous nous sommes rendu compte que leur principale attente reposait sur la maîtrise du risque et la transparence, affirme Gérald Leudière, associé chez Seven Capital Management, une société spécialisée dans les fonds "long only" employant une technique de maîtrise du risque appelée "global risk asset allocation". Pour répondre à cette demande forte, nos fonds ont été assortis d'un dispositif de contrôle pointu et régulier des risques." La société, qui comptait lors du lancement des fonds, en décembre 2006, quatre investisseurs, en recense une trentaine aujourd'hui. Déjà confrontées à la MIF, les sociétés de gestion nouvellement créées ont également dû faire face en 2007 au ralentissement des marchés actions qui a brutalement freiné leur développement. Un cap moins difficile à passer pour les sociétés qui avaient choisi de se faire épauler par une plus grande société de gestion ou par un incubateur afin de bénéficier d'un soutien financier, d'un savoir-faire et d'une crédibilité vis-à-vis des investisseurs. "L'apport de "seed money", à hauteur de 20 millions d'euros, par notre actionnaire de référence, le groupe CNCE, lors du lancement de la société, nous a donné une réelle assise financière", confie André Marini, président et fondateur de Ceres AM. Avoir un partenaire n'est néanmoins pas suffisant : la crise des subprimes a amplifié la frilosité des investisseurs, réticents à confier leur argent à de toutes nouvelles sociétés de gestion positionnées sur des classes d'actifs jugés, à priori, risquées. C'est le cas, par exemple, de Cogitam, spécialisée dans la gestion alternative, qui gère pour le compte d'Ecofi des fonds de 86 millions d'euros d'encours et 10 millions d'euros sur un fonds spécifiquement créé par la société "Nous avons lancé notre premier produit de gestion alternative destiné aux multigérants le 5 septembre 2007, à un mauvais moment, reconnaît Eric Marcombes, fondateur de la SGE Cogitam. Nous avons attendu septembre pour rassembler des souscriptions, mais en vain. Les fonds de fonds étaient frileux et particulièrement préoccupés par la réduction de leur exposition aux marchés pour assurer la liquidité de leurs investissements." Résultat : bien que reconnu par la profession, Cogitam n'est, jusque-là, pas parvenue à collecter d'encours auprès de tiers. Malgré cet environnement difficile, certaines petites sociétés lancées il y a un an à peine ont su tirer leur épingle du jeu. Plusieurs, d'abord, se sont se positionnées sur les créneaux porteurs. C'est le cas de la société Ceres, créée en février 2007 et spécialisée sur les marchés actions asiatiques, qui revendique une collecte de 15 millions d'euros en un an. "Notre société a été créée pour répondre à une demande forte des investisseurs et combler les lacunes du marché parisien ; les grandes banques et companies d'assurances ont délocalisé leur gestion asiatique sur d'autres places financières, comme Tokyo, Shanghai, Singapour et Hong Kong", affirme André Marini. Les sociétés qui ont enregistré en 2007 une collecte positive ont également souvent pris soin de nouer des contacts étroits avec des investisseurs en amont de la création de leur société pour pouvoir s'assurer d'un montant minimum d'encours de départs Pour passer le cap de la crise, les petites sociétés peuvent aussi compter sur leur flexibilité, qui leur permet de se repositionner rapidement sur des classes d'actifs et de faire ainsi preuve de réactivité, "comparativement aux grandes maisons de la gestion, où la chaîne de prise de décision est souvent plus longue", estime Irène d'Orgeval. Souvent encore en phase de développement, les SGE continuent d'affiner leurs processus de gestion ou d'en créer de nouveaux. "L'année 2008 ne commence pas très bien, mais nous profitons de cette période pour perfectionner nos modèles statistiques, explique Eric Marcombes. Il s'agit d'un baptême du feu sur des marchés indécis et chaotiques. Il est très intéressant de travailler dans une telle configuration boursière, c'est une période de grande créativité permettant d'améliorer nos outils et de développer d'autres systèmes." Pour perdurer sur ce marché difficile, les sociétés de gestion doivent verrouiller leur modèle de développement. "Il nous est déjà arrivé de refuser des dossiers de sociétés de gestion qui n'avaient pas défini de façon convaincante leur développement à long terme", reconnaît Irène d'Orgeval. Il est impératif que les SGE aient prévu de diversifier leur gamme à moyen terme. "Lancées avec un savoir-faire très spécialisé, les SGE ont développé leurs encours avec une concentration excessive sur certaines classes d'actifs ou styles de gestion, met en garde Irène d'Orgeval, qui a reçu une quarantaine de dossiers de petites sociétés de gestion désireuses de voir le jour lors des six derniers mois. En cas de crise des marchés, la SGE peut être très affaiblie par cette spécialisation exclusive. Ces sociétés doivent diversifier leurs gammes pour être moins vulnérables." Les SGE doivent non seulement diversifier leur offre, mais aussi le profil des investisseurs. "En 2007, on a pu observer que certains types d'investisseurs, tels que les CGPI, constituaient une clientèle très volatile qui pouvait entraîner des décollectes en série", poursuit Irène d'Orgeval. De nombreuses SGE multiplient ainsi les contacts avec de nouveaux investisseurs. Certaines d'entre elles, déçues par le marché français, songent déjà à se tourner vers l'étranger afin d'élargir leur cercle d'investisseurs. Anna Casal Flottes