INTERVIEW/ Jeanne de France (dir.financier Groupe Apri)

31/03/2008 - 17:37 - Option Finance

Le groupe APRI qui délègue l'ensemble de sa gestion financière à 6 sociétés de gestion, investit 70 % à 80 % de ses encours dans des produits de taux. Il a créé en janvier un portefeuille de couverture contre l'inflation.

Comment gérez-vous les encours de long terme du Groupe APRI ?

Les encours de long terme du Groupe APRI s'élèvent à près d'1,5 milliard d'euros dont environ 1,3 milliard d'euros gérés pour la retraite et 200 millions d'euros pour la prévoyance où nous sommes surtout présents en prévoyance et santé. De plus, nous gérons en trésorerie près de 250 millions d'euros pour l'activité retraite et 60 millions pour l'activité prévoyance. L'ensemble de notre gestion est délégué à 6 sociétés de gestion externes choisies par nos administrateurs. Ces derniers fixent également l'allocation d'actifs cible des portefeuilles et les marges de manœuvre qui sont laissées au gérant tant en matière d'allocation d'actifs que de choix de titres. La direction financière du groupe APRI, qui comprend 3 personnes basées à Blois et 5 à Paris, a en charge le pilotage et le contrôle des finances du groupe. Ses missions principales sont d'établir les bilans, les rapports de solvabilité et les budgets et de piloter la gestion financière.

Comment suivez-vous la performance des gérants ?

Nous réalisons au sein de la direction financière une analyse de la performance de nos différents fonds dédiés et mandats de gestion. Nous avons en effet créé en interne, il y a plus de 7 ans, une application permettant de réaliser une analyse très poussée des portefeuilles et ainsi de suivre et de comprendre les résultats dégagés par les gestionnaires tant en ce qui concerne la performance que la formation de celle-ci. Grâce à cette analyse, nous savons exactement comment se comporte chaque gérant. Toutes les opérations effectuées sur les portefeuilles, ainsi que les inventaires de chaque fin de mois sont ressaisis. Puis, ces données sont exploitées et permettent de calculer pour l'ensemble du portefeuille et par classe d'actifs, par rapport à un indice de référence donné, l'apport des choix du gérant en matière d'allocation d'actifs et de sélection des titres. Pour les obligations, nous distinguons la contribution du positionnement sur la courbe des taux de celle du choix des signatures. De plus, une analyse titre par titre permet de comparer la performance de chaque titre par rapport à son marché de référence pendant la période de détention du titre. Ce suivi est effectué mensuellement. Ainsi, lorsque nous rencontrons les gérants en commission financière (trois fois par an), nous connaissons déjà précisément la façon dont ils ont géré nos fonds depuis le début de l'exercice. Enfin, notre application nous renseigne sur des éléments auxquels nous attachons de l'importance comme les frais de transactions et le turn-over des titres. Ce dernier a un coût financier non négligeable et des implications comptables fortes dans le domaine de la prévoyance puisque chaque vente de titre a un impact direct sur la réserve de capitalisation. Grâce à un historique de plusieurs années, nous arrivons à bien connaître les qualités et les défauts de chaque processus de gestion. Savoir quel est le meilleur gérant en allocation, en sélection d'actions, pendant les périodes de hausse ou de baisse, etc., nous permet d'aider nos administrateurs à définir, tout en tenant compte des besoins de l'institution, l'allocation cible et les marges de manœuvre à confier à chaque gérant en fonction de ses atouts. Avec tous ces éléments nous pouvons mieux guider les gérants afin d'obtenir la gestion que nous souhaitons plutôt que de procéder à des appels d'offres réguliers.

Quelle est votre allocation d'actifs ?

L'allocation cible de nos portefeuilles de retraite est de 30 % d'actions et 70 % de produits de taux. Nous laissons la possibilité à certains gérants de s'écarter plus ou moins de cette allocation. Dans nos portefeuilles prévoyance, nous détenons en moyenne 20 % d'actions et 80 % de produits de taux avec de grandes disparités entre les portefeuilles, toujours pour profiter des spécificités des gérants. Nos investissements dans l'obligataire se composent majoritairement d'emprunts d'Etat. En ce qui concerne les actions, la plupart de nos portefeuilles sont principalement présents sur les grandes capitalisations. Les administrateurs de l'une de nos institutions de retraite ont souhaité qu'environ 10 % de leurs actifs soient placés dans un fonds dédié socialement responsable. Afin de privilégier la performance, nous avons choisi une société de gestion non spécialisée dans l'investissement socialement responsable mais un gérant capable de contribuer à la performance par son allocation d'actifs. Il s'agit donc d'un fonds diversifié assez classique (comprenant des actions, des emprunts d'Etat et du monétaire) où la partie actions est un panier de valeurs socialement responsables dans lequel le gérant sélectionne celles qui ont le meilleur profil financier. Si la plupart de nos fonds sont essentiellement investis dans les grandes capitalisations, un de nos gérants est particulièrement spécialisé dans les petites et moyennes capitalisations, ce qui apporte une diversification intéressante à notre portefeuille et nous permet de comparer la performance réalisée par les uns et les autres. Nous couvrons principalement la zone euro, mais il peut arriver que nos gérants investissent dans les proportions autorisées par la réglementation sur d'autres zones géographiques. Nous investissons toujours dans des produits que nous maîtrisons parfaitement et qui demeurent lisibles pour nos administrateurs qui ne viennent pas tous du monde financier. Nous organisons d'ailleurs régulièrement des formations qui leur permettent de suivre notre gestion et notre analyse. La crise ne nous a pas amenés à modifier nos allocations. Nos gérants ont quant à eux réalisé des arbitrages de manière tactique. Pour notre pôle prévoyance mutualité, nous avons créé au mois de janvier un portefeuille de couverture contre l'inflation car nous pensons que dans les années à venir l'inflation sera un élément qu'il faudra davantage prendre en compte.

Que pensez-vous des évolutions réglementaires récentes ? Est-ce que la fusion avec le groupe Ionis (plus de 7 milliards d'euros d'actifs sous gestion) qui débutera en 2009, changera quelque chose ?

La modification du règlement financier de l'Agirc-Arrco au printemps 2007 n'a pas eu d'impact sur l'évolution de nos portefeuilles. Nous souhaitons que notre gestion continue à être transparente et totalement analysable par nos soins. C'est la raison pour laquelle nous n'investissons pas dans la gestion alternative. Quant aux marchés émergents, leur caractère spéculatif ne correspond pas à notre type de gestion. Concernant la directive Solvency II, nous nous préparons depuis un certain temps déjà à sa future mise en application avec notre service actuariat puisque cette directive entraînera une interaction croissante entre le technique et le financier. La fusion avec Ionis changera forcément quelque chose : nos deux groupes paritaires ont choisi de s'effacer pour n'en former plus qu'un. Pour moi, une fusion réussie est un rapprochement où l'on choisit avant tout de s'appuyer sur les points forts de chacun pour bâtir l'avenir. Les échanges que nous avons eus avec l'équipe en charge des investissements chez Ionis vont tout à fait dans ce sens-là. Propos recueillis par Ludivine Garnaud