QUESTION DU JOUR/Quelles sont les pro babilités d'une récession aux USA

29/09/2006 - 12:28 - Option Finance

(AOF) - Interviewé par le journal Le Monde à la fin du mois d'août, l'économiste américain Nouriel Roubini annonçait que la probabilité d'avoir, l'an prochain, une récession aux Etats-Unis s'était encore accrue et était désormais de 70%. Le chiffre ne peut bien sûr manquer d'inquiéter par son importance. et d'étonner par sa précision. Si l'on se fie au reste de l'entretien, il semble s'appuyer sur l'analyse des évolutions d'une série de variables supposées pouvoir annoncer les récessions. Pour certaines - le nombre de fois où le mot "récession" a été, en un mois, donné, cité dans les actualités économiques américaines de Google ! -, cette capacité prédictive tient largement de l'acte de foi. Pour d'autres, elle semble confirmée par de nombreux tests effectués sur le passé. La pente de la courbe des taux fait partie de ces dernières et une abondante littérature lui a été consacrée. Nouriel Roubini n'est donc pas le seul à voir dans l'inversion récente de celle-ci l'un des signes les plus sérieux d'une récession prochaine. Les interprétations de ce mystérieux pouvoir de la courbe des taux à prévoir les récessions sont variées. Elles mettent souvent en avant l'information des opérateurs de marchés - ceux des marchés obligataires en particulier - sur l'évolution de la conjoncture. Voyant arriver le retournement de l'activité, ces derniers anticipent le changement de politique monétaire qui ne manquera pas de suivre. Du coup, les taux à long terme baissent et, pour peu que les taux courts aient auparavant un tant soit peu monté, la courbe s'inverse. Ce signal, observé aux Etats-Unis depuis que la Réserve fédérale a porté ses taux directeurs à 5,25%, mérite sûrement d'être pris au sérieux. Encore faut-il, avant d'en conclure quoi que ce soit sur la probabilité d'une éventuelle récession, s'interroger sur sa véritable signification. Or, à côté de l'interprétation précédente qui prête aux marchés un certain talent divinatoire, une autre, plus terre à terre, peut également être proposée1. Si les taux obligataires fluctuent avec les anticipations des marchés sur la politique monétaire, le niveau autour duquel ils fluctuent est fonction des anticipations de ces mêmes marchés sur l'inflation à venir. En soustrayant les taux obligataires des taux courts, on soustrait donc aussi des derniers ces anticipations d'inflations. Par conséquent, calculer la pente de la courbe donne aussi - à une constante, un signe et un peu de bruit près - un taux court réel. Plus la courbe est pentue et plus ce taux court réel est faible, plus la courbe est plate - a fortiori, plus elle est inversée - et plus ce taux court réel est élevé. Si tel est le cas, l'interprétation du pouvoir prédictif de la pente n'a plus grand-chose de mystérieux. Son inversion indique que la politique monétaire a poussé les taux courts réels vers des niveaux relativement élevés et l'observation du passé montre que, lorsque de tels niveaux ont été atteints. une récession a souvent suivi. La pente de la courbe amène donc des éléments d'information sur les risques de récession, essentiellement parce qu'elle donne une mesure correcte du degré de rigueur de la politique menée par la banque centrale. Une expérience simple permet de s'en convaincre. Elle consiste à soustraire du taux des Fed funds d'une période donnée l'inflation moyenne des dix années précédentes. Cette moyenne donne, en effet, une bonne idée des anticipations sous-jacentes à la formation des taux à long terme. On obtient ainsi un taux court réel dont on constate facilement qu'il évolue, au signe près, comme. la pente de la courbe des taux. Et l'indicateur obtenu, qui, lui, ne repose en rien sur des taux de marché, permet, sur le passé au moins, de "prévoir" mieux encore les récessions ! Quitte à décevoir certains, l'information pertinente contenue dans les taux à long terme est sans doute moins celle qui a trait à l'avenir - les vues sur la conjoncture prochaine - que celle relative au passé - la mémoire gardée de l'inflation observée au cours des dernières années. Une bonne nouvelle devrait toutefois rendre cette déception moins amère. Si l'on utilise la variable ainsi définie pour estimer la probabilité d'une récession américaine en 2007, le résultat est beaucoup moins inquiétant : cette probabilité reste très inférieure à 50% ! Anton Brender, chef économiste, Dexia AM