EADS : mauvaise passe...

19/06/2008 - 09:52 - Boursier.com

Les Etats-Unis finiront-ils par remplacer leur flotte d'avions-ravitailleurs dont certains sont en service depuis plus de 50 ans ? Le dossier n'en...

Les Etats-Unis finiront-ils par remplacer leur flotte d'avions-ravitailleurs dont certains sont en service depuis plus de 50 ans ? Le dossier n'en finit plus de s'enliser, au grand dam d'EADS et de son partenaire américain Northrop Grumman, qui avaient remporté cet appel d'offres géant de 35 Milliards de Dollars il y a quelques mois, provoquant l'ire du concurrent Boeing et la montée au créneau de plusieurs représentants conservateurs jugeant inadmissible d'octroyer un tel contrat à une entreprise étrangère. L'affaire n'en n'est pas à un rebondissement près : après tout, Boeing avait décroché le contrat quatre ans auparavant avant d'en être dépossédé pour une sombre affaire de corruption qui avait envoyé deux des négociateurs derrière les barreaux. Cette fois, c'est le Government Accountability Office (GAO), un organisme politiquement indépendant qui pourrait être assimilé à notre Cour des Comptes, qui a semé le trouble. "Le GAO soutient la plainte de la compagnie Boeing contre l'octroi par le Département de l'Air Force d'un contrat à Northrop Grumman Systems Corporation pour les ravitailleurs en vol KC-X", peut on lire en introduction du communiqué du GAO, qui précise que son enquête a démontré "que l'Air Force a fait un certain nombre d'erreurs significatives qui pourraient avoir affecté l'issue de ce qui était une compétition serrée entre Boeing et Northrop Grumman". L'Agence préconise donc la réouverture du processus d'offre, non sans avoir ajouté qu'un grand nombre de griefs de Boeing dans cette affaire ont été repoussés. Son avis n'est pas contraignant mais dans ce genre de cas, il est rarement mis de côté. L'Air Force a 60 jours pour indiquer à la GAO ses intentions, soit environ jusqu'à la fin du mois d'août. Cette annonce constitue un vrai coup dur pour EADS, allié à Northrop Grumman dans cette affaire et qui tenait là sa première véritable brèche dans le bunker édifié par les entreprises américaines autour des contrats de la défense nationale. Pour Louis Gallois, le président du groupe Européen d'aéronautique et de défense, l'heure n'est pas à la panique. "Nous sommes très confiants dans la qualité de notre offre", a-t-il déclaré hier après l'annonce du GAO, estimant que l'A330 MRTT (Multi Role Transport Tanker) "est le meilleur produit disponible actuellement". EADS se relancera donc dans la bataille, mais sa visibilité s'est considérablement réduite dans ce dossier, pour de multiples raisons. Hier soir, des rumeurs couraient déjà sur une éventuelle alliance entre Boeing et Northrop Grumman pour se partager le gâteau sur le dos d'EADS. Une paix des braves mais une paix de dupes pour le groupe Européen, en somme. Plus vraisemblable serait une division en deux du contrat, dont profiteraient à la fois le duo Northrop / EADS et Boeing, dans des modalités qui resteraient à définir. Une chose est sûre, le processus prendra du temps, d'autant que le politique a son mot à dire à l'approche de l'élection présidentielle. Barrack Obama, fort probable candidat démocrate à l'élection présidentielle de novembre, s'est d'ores et déjà félicité de la réouverture de l'appel d'offres, car le marché a "d'énormes implications pour notre sécurité nationale et notre économie". Obama n'a pas oublié qu'il est sénateur de l'Illinois, l'un des deux Etats de base du géant de l'aéronautique. Son opposant républicain John McCain connaît très bien le dossier pour avoir été à l'origine de l'annulation du premier contrat octroyé à Boeing sans passer par la case appel d'offres. "Je reste fier d'avoir à cette occasion permis aux contribuables d'économiser 6,2 Milliards de Dollars", a-t-il indiqué hier, rappelant que son souci principal "a toujours été que l'Air Force se procure les avions de ravitaillement en vol les plus efficaces au prix le plus raisonnable". Boeing avait concouru avec une version adaptée de son B767, un appareil loin de sa première jeunesse, alors que l'A330 MRTT d'EADS est a priori plus compétitif et de conception plus récente. "C'est une année d'élection, je doute qu'une décision soit prise rapidement", estime Rob Stallard, du cabinet d'études Macquarie Research. Le processus pourrait d'autant plus traîner que l'Air Force a renouvelé ses cadres après que le Secrétaire Américain à la défense eut démis de leurs fonctions le 5 juin deux de ses plus hauts dirigeants, qui avaient justement milité en faveur du lancement d'un appel d'offres pour disposer d'une solution alternative à Boeing. "Nous considérons que, dans le contexte électoral américain, l'US Air Force n'a pas d'autre solution que d'annuler ce contrat", estime pour sa part l'analyste Yan Derocles, d'Oddo Securities, qui réduit sa valorisation du dossier au regard de la taille du contrat et du fait qu'il aurait été réalisé en "zone Dollar", un point positif pour EADS alors que l'Euro reste haut perché. La mauvaise passe se poursuit donc pour le groupe Européen, entre enquête financière, retards en cascade sur les programmes industriels, contretemps sur le programme de restructuration et faiblesse du Dollar. Pour remédier à cette spirale, Louis Gallois s'emploie à réorganiser l'outil de travail du groupe. Des mesures additionnelles au plan "Power 8" devraient être annoncées, mais la série de mauvaises nouvelles récentes en a sans doute retardé la présentation. Lors d'une conférence tenue hier, le patron d'EADS a refusé de donner une date, se contentant d'un "ce sera prêt quand ce sera prêt". Le quotidien 'La Tribune' estime pour sa part que les nouvelles mesures seront annoncées soit fin juillet soit début septembre, ce qui correspond respectivement à la présentation des résultats semestriels du groupe et à la conférence de rentrée. Alors que le ralentissement économique et le prix du pétrole commencent à peser lourdement sur l'industrie aéronautique dans son ensemble, les syndicats craignent un fort durcissement de la restructuration, d'autant que l'Euro reste à haut niveau contre le billet vert, pénalisant la compétitivité et la rentabilité d'Airbus qui évolue dans un secteur entièrement basé sur le Dollar. A Paris en séance, le titre EADS est sanctionné et perd 3,2% à 13,20 Euros.



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