Banque : le système bancaire français est-il immunisé ?

30/09/2008 - 13:18 - Boursier.com

La crise financière américaine provoque de plus en plus de remous en Europe...

La crise financière américaine provoque de plus en plus de remous en Europe. Jusque-là, plusieurs banques Européennes avaient éprouvé des difficultés, surmontées par le recours aux levées de fonds (Natixis, Crédit Agricole notamment en France). Quelques établissements de taille secondaire avaient il est vrai dû appeler à l'aide leurs consorts ou la puissance publique, à l'image du britannique Northern Rock ou de l'allemande IKB, mais rien de comparable avec ce qui s'est passé depuis le week-end dernier. D'abord, la crise a rattrapé Fortis, la grande banque du Benelux, forçant les Etats luxembourgeois, néerlandais et belge à remettre en fonds l'établissement à hauteur de 11,2 Milliards d'Euros en échange d'une grosse part de capital. Ensuite, le britannique Bradford & Bingley, faute d'avoir pu trouver un partenaire solide à qui s'adosser, a été sauvé de la noyade par Londres. En outre, le gouvernement finlandais a volé au secours de la banque Glitnir, vieille d'un siècle, en la nationalisant. Enfin, l'Allemagne a garanti les 35 Milliards d'Euros de crédits dispensés par Hypo Real Estate Holding, un spécialiste du crédit immobilier. Notons également que pour tenter de rassurer les marchés financiers du pays, l'Irlande a annoncé qu'elle garantissait pour deux ans les dépôts et les dettes de ses banques, à l'instar de la mesure décidée par la Banque d'Angleterre il y a plusieurs mois quand il avait fallu sauver le soldat Northern Rock. Avec la déconfiture de la finance américaine, accentuée hier soir par l'annonce du rejet du "Plan Paulson" amendé par les parlementaires, la spirale négative se poursuit. Ce matin, on apprenait que la France, la Belgique et le Luxembourg se lançaient dans une opération d'injection de fonds au profit de Dexia. La situation actuelle, au-delà de son impact inévitable sur la vigueur de l'économie mondiale, soulève de nombreuses interrogations dans l'hexagone... Quelle visibilité a-t-on sur les conséquences de l'effondrement d'une partie du système financier américain en Europe ? A vrai dire, la visibilité est extrêmement faible. D'abord parce que l'économie n'est pas une science exacte, ensuite parce que les spécialistes eux-mêmes n'ont toujours pas réussi, près d'un an et demi après les premiers signes de gangrène dans le système, à en appréhender toutes les conséquences. Ces derniers mois, d'éminents stratèges financiers pronostiquaient la fin de la débâcle boursière et la remontée des indices, ou tout au moins leur stabilisation, pour la fin d'année. L'effet "boule-de-neige" et les comportements économiquement irrationnels des acteurs en présence ont également contribué à aggraver les tendances. La mauvaise appréciation du risque au sein des grandes banques, à de rares exceptions près, a conduit à des évaluations tronquées des difficultés. Le montant des dépréciations d'actifs financiers approche désormais les 600 Milliards de dollars (590,7 Milliards de dollars exactement) et le secteur a licencié 130.000 personnes en quelques mois. L'annonce hier soir du refus par les parlementaires américains du plan de sauvetage proposé en dit long également sur le décalage entre la volonté de remise à plat des autorités et les aspirations de la population, plutôt encline à sanctionner les promoteurs de cette "usine à gaz". Les banques Européennes auraient-elles pu éviter d'être rattrapées en anticipant davantage ? La question rejoint celle concernant la visibilité. La semaine dernière, Fortis clamait encore à qui voulait l'entendre que sa situation était solide et qu'elle n'avait pas besoin de liquidités. Résultats ? Trois jours après, le Benelux annoncer la nationalisation de la banque et l'injection de 11,2 Milliards d'Euros. Dexia, qui va être recapitalisée à hauteur de 6,4 Milliards d'Euros par la France, la Belgique et le Luxembourg, tenait un discours identique jusqu'à ce matin. L'une des conséquences les plus perverses de l'effet "boule-de-neige" réside dans la dégradation à très grande vitesse de la situation de colosses bancaires. A la moindre rumeur de difficultés, les investisseurs et les clients retirent leurs capitaux. Plus la rumeur enfle, plus la fuite des capitaux est importante. Au final, même si la banque était solide, elle se retrouve isolée, affaiblie et proche de la rupture. Au-delà d'erreurs de gestion malheureuses (le rachat d'actifs d'ABN Amro au prix fort il y a quelques mois notamment), Fortis a vu sa situation se dégrader en en temps record. Les nombreuses interconnexions dans la finance mondiale rendent extrêmement complexe la protection d'une région spécifique de la planète. Jusque-là, la meilleure garantie semble être venue d'une gestion des risques très serrée de la part des banques. BNP Paribas, parfois raillée pour son conservatisme dans le secteur, semble ainsi s'en sortir beaucoup mieux que ses rivales internationales depuis plusieurs mois. La banque de Baudoin Prot, qui pointe au 8ème rang des établissements mondiaux par la capitalisation (hors banques chinoises), ne figure qu'au 44ème rang en terme de dépréciations d'actifs depuis le début de la crise (3,8 Milliards d'Euros) et n'a toujours pas levé de capitaux sur le marché, à l'inverse de la totalité de ses rivales hexagonales. La France a-t-elle déjà fait quelque chose ? Le gouvernement français a réalisé ce matin sa première opération de sauvetage, en injectant 3 Milliards d'Euros (1 par l'Etat, 2 par la Caisse des Dépôts) dans Dexia. La CDC avait refusé cet été de fournir des fonds à Natixis, renflouée par ses deux actionnaires (Caisse d'Epargne et Banque Populaire). Le président de la République Nicolas Sarkozy a, dans le discours qu'il a prononcé à Toulon la semaine dernière, promis que l'Etat garantirait "la sécurité et la continuité du système bancaire et financier français". Il a réuni ce matin les représentants des principaux groupes financiers français à l'Elysée pour évoquer les remous actuels. Le Premier Ministre François Fillon et la Ministre de l'Economie Christine Lagarde seront également présents, comme le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. La Fédération Bancaire Française (FBF) juge plus globalement que "la situation américaine ne peut se produire en France", car "la situation des banques françaises est bien différente de celle de leurs consoeurs américaines". D'abord, les banques hexagonales sont étroitement contrôlées, ensuite elles ont un modèle d'octroi du crédit différent, fondé sur l'analyse de la capacité de remboursement des emprunteurs. Enfin, "le modèle de banque universelle avec des activités diversifiées permet une meilleure résistance", alors que l'on a vu aux Etats-Unis que les banques généralistes ont tenu alors que les banques d'affaires et les banques spécialisées dans l'immobilier ont sombré. Faut-il envisager le pire dans l'hexagone, alors que le vernis se craquèle chez nos voisins ? "Il faut qu'on arrête de se faire peur collectivement, qu'on regarde les choses. Il y a des difficultés que chacun connaît, mais il n'y a pas de raisons du tout d'avoir peur et de céder à la panique", a assuré Christian Noyer ce matin au micro de RTL. "Le système financier français est un des plus sûrs du monde, le modèle de banque universelle qui est fondée principalement la réception des dépôts", a ajouté celui qui a pris la succession de Jean-Claude Trichet désormais aux commandes de la Banque Centrale Européenne. "Personne ne doit craindre pour son épargne et ses dépôts. Personne n'a à fuir les banques. Elles sont solides. Je m'en porte garant. Ce message est fondamental", selon le Gouverneur de la Banque de France. Des propos soutenus au sortir de la réunion du jour à l'Elysée par le patron du Crédit Agricole, Georges Pauget, ou celui d'AXA, Henri de Castries, qui ont évoqué un système bancaire "stable", "solide", qui bénéficie du soutien de l'Etat en cas de coup dur. L'Elysée, après cette réunion, a prévu d'annoncer de nouvelles mesures favorisant le financement de l'économie par le système bancaire "d'ici la fin de la semaine". Et si malgré cela un établissement bancaire français était placé en faillite, que deviendraient mes économies ? Depuis 1999, existe un Fonds de Garantie des Dépôts, destiné à couvrir les dépôts et titres en cas de défaillance de la banque. Les banques françaises et les filiales d'établissements étrangers adhèrent à ce fonds de garantie (source : FBF). "Si votre banque adhère au Fonds de Garantie des Dépôts en France, en cas de défaillance de sa part, vos dépôts seront remboursés à hauteur de 70.000 Euros maximum quels que soient votre nationalité et le lieu de votre résidence. Ce montant s'applique globalement pour chaque déposant, sur l'ensemble de ses comptes dans la banque", selon la brochure dédiée à la sécurité des dépôts éditée par la FBF. Les comptes titres sont couverts également dans la même limite de 70.000 Euros. Un scenario de faillite que n'envisagent ni la Banque de France, ni les principaux acteurs concernés.



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