Stratégie : les marchés pensent déjà à l'après-Bush

05/11/2008 - 12:41 - Boursier.com

Cette fois, c'est fait...

Cette fois, c'est fait. Donné largement gagnant ces dernières semaines par les sondages et les médias, Barack Obama a été confortablement élu à la présidence américaine, mettant fin à la période de flottement naturelle qui précède le vote. Sur les marchés financiers, qui avaient anticipé la victoire démocrate, l'intronisation du Sénateur de l'Illinois correspond à une période de stabilisation après un mois d'octobre qui restera dans l'histoire comme l'un des pires qu'ait connu le capitalisme financier. Les commentateurs ont déjà commencé à spéculer sur l'impact économique de la politique du nouvel arrivant, et le constat est plutôt positif. "La large victoire d'Obama ouvre un nouveau chapitre de l'histoire américaine", explique ce matin le chef économiste d'Unicredit et visiblement "Obama-niaque", Marco Annunziata. "L'impact de ce puissant vent de changement ne doit pas être sous-estimé", selon le spécialiste qui pense que le changement, leitmotiv de la campagne du candidat Obama, est conforme à ce que la population attend en cette période de crise. Pour Annunziata, cette élection va donner aux américains un surcroît de confiance et d'optimisme, au moment où ils en manquent le plus, mais devrait aussi améliorer les relations internationales, en particulier pour apporter une réponse concertée à la crise actuelle. L'économiste ajoute que Barack Obama s'est entouré d'une équipe économique très expérimentée, qui devrait faciliter la mise en place de son copieux programme et limiter la "tentation protectionniste", péché mignon des démocrates, en période de crise. Le bureau d'études GaveKal est sur la même longueur d'onde. "La bonne nouvelle, c'est que les années Bush sont terminées", explique-t-il dans un commentaire diffusé ce matin. "L'autre bonne nouvelle est que l'élection d'un président noir est en soi un triomphe pour l'Amérique", juge GaveKal, qui voit dans cet événement "historique" un bienfait intangible, en l'occurrence une restauration de l'esprit collectif du pays, qui pourrait constituer un puissant moteur économique. Les obstacles restent cependant nombreux, selon le bureau d'études, qui rappelle qu'une domination sans partage d'un parti, même si le cap décisif des 60 Sénateurs ne devrait pas être atteint, n'est jamais complètement positive pour un pays, et qui ajoute que la période qui s'annonce sera marquée par un exécutif renforcé, parfois omniprésent, ce que la population américaine n'a jamais très bien accepté, à l'inverse de la tolérance européenne en la matière. En dehors du fort impact psychologique induit par l'avènement de Barack Obama, les marchés financiers sont prudemment optimistes sur la politique du candidat. Après la débâcle des institutions financières américaines, les intervenants savent que la tendance ira nécessairement à davantage de régulation. Le nouveau président avait évoqué durant sa campagne une imposition accrue des plus-values et des dividendes, mais également prévu de sanctionner les entreprises ne disposant pas de protection pour la santé de leurs employés. Tout cela va vers davantage de fiscalité sur les revenus du capital et les entreprises en particulier. Son programme peut être qualifié de "moderne", avec des mesures fortes dans les énergies renouvelables, la santé mais aussi dans l'éducation et la réduction de la fracture politique et sociale dans le pays. Pour sortir de la crise, Obama a proposé des solutions plus ciblées, comme le soutien aux ménages mis en difficultés dans l'immobilier, l'aide à l'industrie automobile et un paquet de mesures d'incitation fiscales. En clair, l'Etat Federal va prendre du poids et ses besoins de financement aussi, alors que les finances publiques sont déjà considérablement grevées. Mais historiquement, et contrairement aux idées reçues, il est difficile d'affirmer qu'une mandature démocrate est moins favorable aux marchés financiers qu'une mandature républicaine. Depuis 1945, la performance des marchés actions est meilleure quand un démocrate est au pouvoir. Une constatation "statistiquement" vérifiée, mais due "avant tout au hasard", commente ce matin l'économiste Jean-Pierre Petit, d'Exane BNP Paribas, qui rappelle que la contre-performance statistique républicaine s'explique avant tout par le fait que de nombreuses crises majeures ont éclaté alors qu'un républicain était au pouvoir. Cela était le cas par deux fois avec GW Bush (éclatement de la "bulle" internet, crise des "subprimes") ou pour Nixon pendant le premier choc pétrolier, alors que l'administration Clinton a profité de la plus grande bulle boursière de l'histoire avant qu'elle n'explose. En outre, comme le rappelle l'économiste Jean Danjou, d'Oddo Securities, "il n'y a pas d'impact positif statistiquement significatif sur le marché boursier dans la période qui suit l'élection présidentielle américaine au-delà des quelques semaines postérieures à l'élection. Au contraire, nous avons plutôt mis en évidence un biais négatif sur les 6 mois qui suivent l'élection". En termes de secteurs boursiers, Jean-Pierre Petit pense que l'élection d'Obama est "un facteur plutôt négatif" pour l'industrie pétrolière, le compartiment financier, le nucléaire, les services collectifs, les biens d'équipement et le tabac. Elle devrait en revanche favoriser les énergies renouvelables, les biens de consommation de base et les secteurs sévèrement touchés par la crise, comme l'immobilier, la construction et l'automobile. Mais attention à ne pas "surjouer" l'effet Obama, prévient Jean Danjou, qui rappelle qu'une fois passé le moment historique que constitue l'élection du sénateur Obama, "les marchés boursiers vont devoir continuer à affronter le choc du réel : la crise économique mondiale a pris de l'ampleur ces derniers mois et il reste encore beaucoup à découvrir concernant la chute à venir des résultats des entreprises". Et cette réalité, "Obamania" ou pas, fait déjà de gros dégâts dans le tissu économique des pays occidentaux.



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