Les obligations restent actuellement la classe d'actifs la plus attractive

16/02/2009 - 16:02 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Malgré les rumeurs de krach sur les marchés obligataires, les gérants restent confiants et profitent des rendements offerts.

En fin d'année dernière, la plupart des gestionnaires d'actifs misaient sur les obligations d'Etat et considéraient qu'en 2009 il conviendrait d'investir assez rapidement dans le segment des obligations d'entreprises. En début d'année, une certaine euphorie était même perceptible sur cette classe d'actifs. "Les fondamentaux sont favorables aux marchés obligataires, explique Philippe Henri-Burlisson, responsable de la gestion taux chez Groupama Asset Management. Une croissance en berne est en général positive pour les produits de taux, une inflation basse est également positive. Enfin l'aversion pour le risque favorise cette classe d'actifs." Les politiques menées ont également accentué cette tendance. "La relance et le soutien octroyé aux banques sont favorables aux détenteurs d'obligations et défavorables aux détenteurs d'actions, explique Matthieu Louanges, membre du comité de gestion de Pimco. Pourtant fin janvier, les investisseurs ont commencé à être plus prudents. Ils craignaient le retour de l'inflation lié à l'accroissement de la dette souveraine pour financer les plans de relance. Relayant leurs inquiétudes, l'agence de notation Standard and Poor's a dégradé les notes de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce, tout en mettant sous surveillance négative l'Irlande. Après cette annonce, les marchés ont été jusqu'à redouter l'éclatement de la zone euro compte tenu des écarts de taux entre les différents pays membres. Cette crainte n'est toutefois pas justifiée selon l'agence de notation, il n'y a même pas véritablement de risque de défaut d'un pays de la zone. Standard and Poor's justifie cette dégradation par l'apparition et l'accroissement de déficits jumeaux (déficit public cumulé à un déficit extérieur). Ces changements de notes ont toutefois accentué la propagation de la crise à l'ensemble de la classe d'actifs. "Les banques ont été touchées en premier lieu par la crise de liquidité, qui s'est ensuite propagée aux entreprises, puis à partir du mois de décembre aux titres les mieux notés (AAA) et garantis par les Etats et enfin aux titres émis par les Etats, relate Patrick Barbe, responsable de la gestion obligataire chez BNP Paribas Asset Management (PAM)". Les Etats européens ont en effet annoncé en fin d'année un fort accroissement du volume d'émissions. Mais, tous les émetteurs souverains ne disposent pas de marchés de futures dynamiques qui rendent ces émissions liquides. Par conséquent, ces annonces ont entraîné un écartement des rendements selon la quantité offerte. Toutefois, cette situation ne devrait pas perdurer. "Il n'y a ni bulle ni krach sur les marchés de la dette en zone euro, assure Philippe-Henri Burlisson. Les marchés ont surréagi à une détérioration de la situation économique de certains pays de la zone euro." Ainsi, d'après le gérant, le rally, c'est-à-dire l'achat massif de titres souverains, devrait reprendre. Si Groupama Asset Management préconise toujours d'investir dans cette catégorie d'investissements, le gérant établit une sélection en fonction des signatures et des durations. "On se concentre pour l'instant sur les principaux pays de la zone euro à savoir l'Allemagne, la France et l'Italie, avance Philippe-Henri Burlisson. Mais, il faudra savoir être réactif et revenir dès que les écarts de taux commenceront à se resserrer sur les pays périphériques. Par ailleurs, on considère qu'il y a encore un potentiel de baisse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) ; nous privilégions en conséquence les maturités courtes." Il estime ainsi que la pentification de la courbe devrait se poursuivre.

La fuite des fonds souverains

Outre, les risques liés à l'accroissement des émissions, l'évolution des marchés obligataires s'explique également par les changements de comportements des fonds souverains. Ces derniers qui investissent massivement dans cette classe d'actifs utilisent la notation des agences pour la sélection de titres et se focalisent sur leur modèle économique. "Il y a très peu de fonds souverains à travers le monde qui achètent de la dette italienne compte tenu des notes attribuées par les agences de notation, avance Patrick Barbe. A l'identique, l'Espagne du fait de l'explosion de la bulle immobilière et l'Irlande en raison de la crise financière, ont été rétrogradés et intéressent beaucoup moins depuis cette catégorie d'investisseurs publics." A contrario, les gérants voient plutôt dans les mouvements actuels des marchés de la dette souveraine des opportunités. Rien ne justifie en effet pour la plupart d'entre eux l'apparition en zone euro d'un risque systémique. "Tous les investisseurs ont pris comme référence la dette obligataire allemande et considère donc ces actifs comme chers compte tenu de ses faibles rendements, avance Patrick Barbe. Toutefois, il y a eu plus de 100 milliards d'euros de sorties sur les obligations souveraines de la zone euro, ce marché n'est donc pas suracheté." BNP PAM préconise donc au contraire d'être surinvesti sur les obligations souveraines de maturité moyenne de la zone euro et sur les titres garantis par les Etats. En ce qui concerne les obligations d'entreprises, la plupart des gérants opèrent une distinction entre les titres émis par les institutions financières qui bénéficient d'une garantie des Etats et les titres des entreprises. Les premiers leur paraissent nettement plus attractifs, même si là encore une sélection s'impose. "Il est nécessaire d'acheter des obligations qui soient explicitement protégées par l'Etat ou de très grande qualité", selon Matthieu Louanges. A l'identique, BNP PAM se veut sélectif dans sa sélection de titres. "La France ou l'Italie possèdent des banques qui disposent d'un marché domestique important, les problèmes que rencontrent ces banques peuvent être dès lors gérés plus facilement dans ces pays qu'au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis d'où est partie la crise par exemple", indique Patrick Barbe. En revanche, en ce qui concerne les entreprises, les gérants sont à quelques exceptions près plus réservés. Il y a un consensus pour considérer que les titres émis par les émetteurs industriels qui ne trouvent plus de financement auprès des banques sont très risqués. Standard and Poor's vient d'ailleurs d'accroître fortement le taux de défaut attendu sur le high yield, celui-ci passant de 2 % à 18 %. En conséquence, même si les rendements sont attractifs, les risques refroidissent les gérants. BNP PAM ne retient que les titres des entreprises qui disposent d'un bilan solide et n'ont pas besoin de recourir à des financements externes à court terme. Dans une note Axa Investment Managers indique que "les marchés du crédit sont incontestablement bon marché. Mais comme les fondamentaux se détériorent et que les taux de défaut devraient augmenter très rapidement en 2009, nous sommes peu enclins à recommander les paris directionnels sur le crédit sauf dans une optique d'achat et de conservation jusqu'à maturité". Pour BNP PAM également, pour bénéficier des opportunités sur ce segment de marché, il faut pouvoir rester investi durablement et n'avoir pas besoin de liquidité. A contrario, Groupama Asset Management veut tirer profit des rendements proposés et investit sur ce segment de façon tactique. "Depuis le début de l'année, on enregistre un record en termes d'émissions primaires, explique Philippe-Henri Burlisson. Le marché a bien digéré ces émissions qui proposent des rendements très attractifs. Nous voulons en profiter tactiquement, c'est-à-dire que nous ne resterons pas longtemps investis." Il considère ainsi qu'il n'y a pas de problème de liquidité sur ce marché. Face à autant de divergences, les prochaines semaines seront déterminantes et afin de déceler les tendances de ces marchés. Sandra Sebag