Point de vue - A quelles conditions le marché actions peut-il remonter

18/02/2009 - 09:59 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis

Les investisseurs ont l'habitude d'arbitrer le marché des actions et le marché du crédit (des obligations corporate) pour les mêmes émetteurs. Mais, en réalité, ces deux marchés présentent une asymétrie fondamentale : le rendement des actions vient en plus grande partie de plus-values, en capital, le rendement du crédit en plus grande partie des coupons (revenus). Cette asymétrie est aujourd'hui importante. Même si on a une vue très pessimiste des perspectives économiques, on conclut que le marché des actions et le marché du crédit sont sous-évalués tous les deux : la valorisation des actions suppose implicitement que les profits des sociétés vont être en réalité inférieurs de 50 % au consensus ; la taille des spreads de crédit suppose que les taux de défaut des entreprises vont énormément augmenter (de 1 % à plus de 12 % par exemple pour les sociétés high-yield de la zone euro, de 3,5 % à plus de 12 % pour les mêmes sociétés aux Etats-Unis). Il serait donc normal qu'il y ait une correction à la hausse à la fois du marché du crédit et du marché des actions, d'autant plus que la liquidité est extrêmement abondante et que son rendement devient très faible. Mais c'est ici que l'asymétrie entre les deux marchés intervient. Tant que les spreads de crédit sont aussi larges, un investisseur peut constituer un portefeuille d'obligations d'entreprises de grande qualité, en les achetant à l'émission en raison de l'absence de liquidité sur le marché secondaire, et obtenir un rendement absolu quasiment sans risque de 7 à 7,5 % (le risque de défaut des entreprises émettrices est quasiment nul). Même avec un taux de dividendes de 3,5 %, il faut une plus-value en capital ajustée du risque d'au moins 4 % pour obtenir le même rendement en actions. Le risque sur les actions (la volatilité actions) était très grand, pour qu'un portefeuille d'actions ait aujourd'hui le même rendement corrigé du risque qu'un portefeuille de crédit, il faut qu'il ait un rendement anticipé de l'ordre de 15 %, donc 11 à 12 % de hausse anticipée des cours boursiers sur un an. Si les investisseurs ont une aversion élevée pour le risque, ou sont pessimistes, on comprend qu'ils doutent de la possibilité d'obtenir cette hausse, et préfèrent investir en crédit avec un rendement quasi certain. C'est pour cette raison que nous pensons qu'une vraie remontée du marché des actions nécessiterait d'abord un resserrement des spreads de crédit rendant les portefeuilles de crédit moins attractifs par rapport aux actions.