L'investissement socialement responsable revient en force

08/04/2009 - 17:19 - Option Finance

(AOF / Funds) - Dans ce contexte de crise, l'investissement socialement responsable (ISR) revient en force au coeur de l'actualité. La crise a en effet révélé les dangers d'une approche financière exclusivement tournée vers le court terme. Par conséquent, les gérants mettent en avant la nécessité de développer une approche orientée vers le long terme qui combine performance et responsabilité sociétale. Dans cette perspective, plusieurs sociétés de gestion ont développé leurs offres et insistent sur l'importance de l'ISR dans leur démarche globale. Récemment, deux grands groupes de gestion - Allianz Global Managers et le Crédit Agricole Asset Management (CAAM) - ont dans cette perspective annoncé une réorganisation de leur pôle ISR avec pour objectif de développer cette stratégie d'investissement, voire d'étendre l'analyse extra-financière à l'ensemble de la gestion. Dans les deux cas, si les organisations mises en place sont assez différentes, les méthodes de travail sont assez proches. Allianz Global Managers a créé un pôle ISR avec des missions transversales qui vont du développement de nouveaux produits à la promotion de l'ISR, en passant par la représentation de la société de gestion auprès des instances de Place, et travaille en étroite collaboration avec les gérants et analystes spécialisés. Chez CAAM, la recherche pour l'ensemble du groupe sera dorénavant centralisée au niveau de la filiale dédiée IDEAM, dont la plupart des gérants rejoindront le groupe afin de développer les pratiques ISR au sein de l'ensemble de la gestion. IDEAM conservera, outre la recherche, la gestion des fonds de partage. Dans les deux cas, les travaux des agences de notation servent de support aux analystes et aux gérants. Chez Allianz Global Investors, l'univers d'investissement est délimité grâce aux travaux des agences de notation. Les analystes et les gérants interviennent ensuite dans le cadre d'une approche plus qualitative en cas d'écarts de notes trop importants entre les agences. "Nous avons retenu quatre agences de notation extra-financières avec des points forts différents : pour les corporates Innovest possède une approche très spécifique de l'environnement, Vigeo se distingue par le très grand détail de son approche sociale, Oekom est spécialisée dans les émetteurs non cotés et Eiris dans les Etats", relate Chloé Pruvot, gérante obligataire spécialiste de l'ISR chez Allianz Global Investors France. Les critères retenus sont pondérés selon les secteurs d'activité. Cette méthode se décline dans toutes les classes d'actifs. A l'identique, les six spécialistes que comptent IDEAM s'appuient sur les travaux des agences extra-financières, mais aussi des brokers. Les analystes mènent ensuite une analyse qualitative sur certaines valeurs qui présentent des notes trop divergentes selon les agences de notation. La sélection des titres s'effectue selon une procédure "Best in class" qui s'applique à l'ensemble des classes d'actifs : dans ce cadre, le gérant ne retient que les meilleures valeurs d'un univers d'investissement préalablement défini.

L'ISR s'applique à toutes les classes d'actifs

On retrouve des méthodes voisines chez la plupart des gérants. Les méthodes "Best in class" se sont en effet imposées parmi les sociétés de gestion. Toutefois, certaines se refusent à les utiliser pour l'ensemble des classes d'actifs. Elles optent alors soit pour ne les appliquer qu'à certaines classes d'actifs, soit pour adapter les critères selon les classes d'actifs. La Banque Sarasin - qui vient de s'unir à l'UFG, filiale du Crédit Mutuel Nord Europe - a fait le choix de ne pas étendre l'ISR à toutes les obligations. Pour le gestionnaire suisse, le filtre ISR ne peut en effet s'appliquer à toutes les valeurs mobilières et notamment pas aux obligations souveraines. Pour les fonds de droit français, le gérant se refuse en effet à noter les émissions des Etats de la zone euro, les seuls détenus en portefeuille, car les engagements liés aux différents traités de l'Union européenne lui semblent suffisamment contraignants. Par ailleurs, le gérant souligne la difficulté à appliquer un filtre ISR à l'ensemble des obligations souveraines. "Aux Etats-Unis et au Japon : si on applique les critères des droits de l'homme, il faudrait dans le cadre d'un portefeuille international exclure ces deux pays qui pratiquent la peine de mort, ce qui aurait peu de sens d'un point de vue financier", explique Bertrand Fournier, président du directoire de Sarasin Asset Management France. Pour les autres classes d'actifs, à savoir les actions, et pour les obligations émises par les entreprises quelle que soit leur maturité, ainsi que les titres à très court terme une centaine de paramètres sont appliqués avec des pondérations différentes selon les secteurs d'activité. Enfin, l'UFG-Sarasin vient d'adapter sa méthodologie à l'immobilier en définissant des critères environnementaux, sociaux et sociétaux spécifiques. La coentreprise a dans ce cadre lancé le premier OPCI ISR. En revanche, Dexia Asset Management (Dexia AM) étend l'ISR à toutes les classes d'actifs tout en utilisant des critères différents selon la catégorie d'investissement. Le gérant utilise en référence les travaux produits par des agences spécialisées comme Vigeo, Innovest ou encore GMI et établit grâce à eux une sélection "Best in class". Par contre, il utilise des critères allégés pour le monétaire : les émetteurs peuvent être éligibles s'ils respectent le pacte mondial des Nations unies.

La recherche doit être encore affinée

BNP Paribas Asset Management (BNPP AM) a, quant à lui, choisi de trancher en s'appuyant exclusivement, pour les obligations souveraines et pour le monétaire, sur le travail des agences de notation. Il planche actuellement sur une méthodologie qui lui soit propre pour ces deux catégories d'investissement. Par ailleurs, la plupart des sociétés de gestion utilisent d'une façon ou d'une autre des critères d'exclusion. La Financière de Champlain va très loin dans ce domaine. La société de gestion a choisi en effet d'exclure un grand nombre de secteurs comme le tabac, l'alcool, l'armement, la pétrochimie ou encore l'industrie pharmaceutique sauf pour les entreprises qui se sont engagées à ne pas pratiquer de tests sur les animaux. Allianz Global Investors exclut certaines sociétés si elles ne respectent pas les critères des droits de l'homme définis selon l'indice Freedom House qui intègre le respect des libertés publiques mais autorise en revanche la peine de mort. BNPP AM pratique également l'exclusion en cas de corruption majeure ou de non-respect de l'environnement. Si les critères utilisés peuvent varier, c'est le cas également des effectifs. Les équipes les mieux dotées ne sont pas présentes en France. La Banque Sarasin possède l'un des centres de recherche ISR les plus importants en Europe, à Bâle, où elle emploie une trentaine de spécialistes. Dexia AM possède également une équipe importante d'analystes spécialistes dans l'ISR, une dizaine au total. En revanche, BNPP AM ou encore CAAM ne possèdent que six analystes, tandis qu'Allianz Global Investors s'est doté de seulement deux spécialistes dans les actions car les gérants taux oeuvrent également comme analystes. Si les gestionnaires français confirment leur intention de faire de l'ISR un axe stratégique, il est probable que, dans ce domaine au moins, ils devront augmenter leurs équipes. Sandra Sebag