Une directive sur la gestion alternative en préparation

17/04/2009 - 10:43 - Option Finance

(AOF / Funds) - Si cette directive est adoptée, elle permettra aux sociétés de gestion spécialisées de bénéficier d'un passeport européen. Elles pourront à ce titre librement commercialiser des fonds off-shore. Souhaitant réformer la finance mondiale à la suite de la crise, le G20 s'est emparé de la délicate question des fonds alternatifs, dont beaucoup fonctionnent comme des boîtes noires et sont domiciliés dans des paradis fiscaux. Le G20 propose donc dans sa déclaration finale que l'activité des gérants qui présentent un risque systémique soit soumise à la régulation. Un reporting devra être remis au régulateur du pays où est enregistré le gérant. Qui plus est, les régulateurs s'engagent à une coopération en la matière afin d'avoir une vue d'ensemble des risques systémiques. Le but étant de ne pas se trouver désemparé face à l'émergence d'une crise, voire même, de la prévoir.

Une directive pour les fonds non UCITS

Après le G20, c'est maintenant au tour de la Commission européenne de s'emparer du dossier. Le Commissaire en charge du marché intérieur et des services, Charly Mc Creevy, a préparé une directive sur les fonds non coordonnés qu'il présentera le 21 avril. Elle concerne l'ensemble des fonds d'investissement qui ne relèvent pas de la directive UCITS, à savoir la gestion alternative, mais aussi les fonds immobiliers ou encore les fonds de capital-investissement. Une fois publiée, elle doit être ensuite analysée par le Parlement européen et par le Conseil européen. Son adoption ne devrait ainsi pas être effective avant la fin de l'année. Elle rencontre déjà une vive opposition, plusieurs pays dont la France, l'Allemagne et l'Italie comptent peser sur les débats et empêcher l'adoption du texte en l'état. En effet, si elle s'inspire des recommandations du G20, elle facilitera par ailleurs la diffusion dans toute l'Europe des fonds domiciliés off-shore et va ainsi à l'encontre de la stigmatisation actuelle des paradis fiscaux.

Une ferme opposition de la France

Pour la France, le principal point de discorde porte en effet sur la possibilité permise par la directive aux fonds off-shore d'être commercialisés dans toute l'Europe en bénéficiant du passeport européen. Cette crainte est relayée par les représentants des gestionnaires français. "La directive va dans le sens de ce que l'on souhaite, indique Stéphane Janin, directeur des Affaires internationales à l'Association française de la gestion financière (AFG). Toutefois, nous avons des interrogations quant au champ d'application. En particulier, faut-il inclure les fonds off-shore dans la directive, ce qui n'est pas le cas pour la directive UCITS ? Il faut aussi résoudre la question de la sécurité juridique pour les investisseurs, comment garantir l'effectivité d'une action en justice contre des véhicules domiciliés en dehors de l'Europe ? Nous regrettons que la Commission européenne ne soumette pas sa proposition de directive à consultation publique et agisse finalement dans la précipitation alors que nous demandions un passeport pour les fonds 'non-UCITS' depuis plusieurs années." Selon le projet de directive qui a commencé à circuler la semaine dernière en France, le texte intègre deux volets principaux : le premier concerne les obligations imposées aux sociétés de gestion qui gèrent des fonds non coordonnés et la seconde le passeport européen. En matière d'obligations, les sociétés de gestion, dont les encours dépassent 250 millions d'euros soit les trois quarts des actifs sous gestion des fonds non coordonnés, devront faire un reporting régulier au régulateur sur tout ce qui peut présenter un risque systémique : des informations devront être données sur les grosses positions des fonds, sur leurs interventions sur des marchés peu liquides, sur leurs effets de levier ou encore sur les contreparties utilisées. Ces informations seront centralisées au niveau de chaque régulateur et transmises à leurs homologues européens. Par ce biais, les régulateurs estiment pouvoir posséder une bonne image du risque à un moment donné. Cette obligation serait déclarative et n'entraînerait pas de contraintes spécifiques en matière de gestion. Les gérants seront par ailleurs soumis en la matière aux contraintes déjà définies par leurs régulateurs. Le projet de directive prévoit également des obligations en termes d'organisation des sociétés de gestion, de gestion des risques, de traitement des conflits d'intérêt s'il y en a, ou encore en matière d'utilisation des droits de vote. Enfin, les sociétés de gestion devront faire appel à un dépositaire ou à des règles équivalentes alors que la gestion appelle plutôt de ses voeux une harmonisation des responsabilités des dépositaires en Europe. Cette disposition va ainsi également à l'encontre des débats actuels sur le métier de dépositaire. Si toutes ces contraintes sont respectées, alors les sociétés de gestion pourront disposer du passeport européen et commercialiser leurs produits dans toute l'Europe à des investisseurs qualifiés. Mais si les sociétés de gestion doivent être domiciliées en Europe, ce n'est pas le cas des fonds qu'elles gèrent, puisqu'elles peuvent proposer des fonds qu'elles ont domicilié dans des paradis fiscaux. Une grande partie des fonds gérés seraient ainsi domiciliés dans les places off-shore, en revanche, les gérants sont au Royaume-Uni, en Europe ou aux Etats-Unis. Cette domiciliation permet aux gérants de bénéficier de moindres contraintes en matière de gestion d'actifs. Les places off-shore proposent par ailleurs des services aux fonds et surtout un régime fiscal attractif. Un sujet que ne traite pas a priori la directive. S.S.

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

Gestion alternative : La gestion alternative se définit fréquemment comme une gestion décorrélée des indices de marchés. Ce type de gestion repose sur des stratégies et des outils à la fois diversifiés et complexes c'est donc une gestion qui, par nature, reste réservée aux investisseurs avertis (investisseurs institutionnels, comme les banques, par exemple).