Placements : où trouver de la performance ?

23/04/2009 - 16:12 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les fonds monétaires sur lesquels s'effectue l'essentiel de la collecte voyant leur rendement diminuer, les gérants proposent des alternatives, comme notamment les fonds de performance absolue et les obligations corporate. Mais les investisseurs demeurent encore frileux. La crise financière a conduit les investisseurs institutionnels et les trésoriers d'entreprise à se replier massivement sur les produits les plus sécuritaires du marché, à savoir les fonds de trésorerie régulière. "Pendant la crise, les investisseurs institutionnels ont cherché à éviter le moindre risque, relate Charles Mélanie, responsable coordination marketing au Crédit Agricole Asset Management. Dans cette perspective, même les fonds monétaires réguliers sur lesquels s'est porté l'essentiel de la collecte étaient étudiés en détail". En 2008, ils étaient les seuls d'ailleurs à enregistrer une collecte positive. Les encours des fonds de trésorerie régulière ont progressé de 15,3 % en 2008, selon les statistiques d'Europerformance Six Telekurs et s'élevaient au 31 décembre 2008 à 397,37 milliards d'euros. Leur succès ne s'est pas démenti depuis le début de l'année. Au 31 mars, les encours se sont accrus de 9,3 % depuis le début d'année pour atteindre 428,83 milliards d'euros. Cette progression ne devrait toutefois pas se poursuivre tout au long de l'année. En effet, face à la crise, la Banque centrale européenne, emboîtant le pas à ses homologues, a réduit drastiquement les taux d'intérêt. Il existe un consensus actuellement sur les marchés considérant que les taux d'intérêt des Banques centrales devraient osciller durablement autour des 0 %. Une situation qui affecte les rendements des titres à très court terme.

Des performances inférieures à 1 %, voire négatives

Si au second semestre 2008, la détention de liquidité ou de titres à très court terme constituaient les meilleurs investissements à la fois en termes de performances et de liquidité, cela n'est plus le cas actuellement. Les performances des fonds de trésorerie régulières affichent maintenant des performances inférieures à 1 %, voire négatives pour certains, compte tenu des frais de gestion prélevés. Cette situation n'a pas conduit pour l'instant les investisseurs institutionnels ni les entreprises à revoir drastiquement leurs allocations d'actifs et leurs sélections de produits. Cependant, des réflexions sont en cours sur le sujet et des décisions devront prochainement être prises. "Les investisseurs commencent à analyser quelles pourraient être les alternatives aux fonds monétaires", explique Charles Mélanie. Du côté des entreprises, l'heure est toujours à la prudence. "La priorité est toujours à la liquidité et à la sécurité, précise Christophe Point, directeur commercial de Natixis Asset Management. Les trésoriers recherchent essentiellement des OPCVM de trésorerie de taille importante afin d'éviter de saturer leur ratio d'emprise". Toutefois, alors que jusqu'à présent les trésoriers privilégiaient les fonds de trésorerie dont la maturité moyenne était inférieure à trois mois, un léger mouvement apparaît en direction des OPCVM de trésorerie dont la maturité moyenne des titres est supérieure à trois mois. "On a pu constater un déplacement des entreprises vers des fonds de trésorerie dont les titres possèdent une maturité supérieure à trois mois, indique Christophe Point, afin d'obtenir une performance correspondant à l'Eonia plus 50 ou 60 points de base. Toutefois, les trésoriers ont toujours de fortes exigences en matière de transparence et refusent systématiquement tout recours aux produits de titrisation." Les investisseurs institutionnels sont quant à eux un peu plus en avance que les trésoriers d'entreprise et commencent à s'intéresser à d'autres classes d'actifs, même s'il s'agit d'un intérêt encore très modéré. Ils commencent à regarder les produits auxquels ils s'intéressaient avant la crise comme alternatives aux fonds monétaires réguliers, à savoir les produits de trésorerie dynamique et les fonds de performance absolue de court terme. Ces derniers ont subi de plein fouet la crise. "La crise financière a suscité une aversion très forte pour les produits de trésorerie dynamique et pour les produits de performance absolue, indique Charles Mélanie. Ce sont les produits qui ont le plus souffert de la crise. Ces segments sont globalement en décroissance, cependant, certains produits ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à traverser la crise". Certains produits de ce type recommenceraient même à enregistrer de nouvelles souscriptions. "On assiste à un retour timide des investisseurs institutionnels et des trésoriers d'entreprise sur des fonds de trésorerie à échéances plus longues, avance Charles Mélanie. Nous proposons dans ce cadre un fonds CAAM Tréso 6 mois." Toutefois, si les institutionnels commencent à réviser leur point de vue sur ces fonds, ils n'en exigent pas moins une plus grande transparence sur ces produits qui doivent correspondre à la nouvelle réglementation de l'AMF. Cette dernière prévoit que les sociétés de gestion doivent préciser dans la notice explicative si le fonds intègre une maturité moyenne des titres en portefeuilles supérieure ou inférieure à trois mois et la durée maximale des titres en portefeuilles. Par ailleurs, l'appellation fonds monétaires dynamiques est proscrite y compris dans les plaquettes commerciales ; les fonds sont classés soit dans les fonds monétaires réguliers à une échéance précisée, soit dans les fonds diversifiés. Les sources de performances doivent être également détaillées. "Les fonds de trésorerie dynamique n'existent plus, indique Christian Bito, associé gérant de Rothschild & Cie Gestion. Les investisseurs réclament des fonds purs investis selon une stratégie et ou une méthode lisible."

Un retour des fonds de performance absolue ?

Les fonds d'arbitrage sur volatilité dans la gamme des fonds de performance absolue peuvent constituer également une alternative aux fonds monétaires réguliers. "Certains fonds de performance absolue ont réussi à rester décorrélés des marchés, indique Charles Mélanie. Les institutionnels qui disposent d'un horizon de placement plus long que les corporates commencent à nouveau à nous interroger sur ces produits. S'ils hésitent encore, ils se tiennent prêt à revenir sur les marchés via ces produits qui peuvent leur permettre de profiter des dislocations de marché." Les fonds d'arbitrage sur les taux sont également mis en avant par les gérants comme source de performance. "Les arbitrages sur la courbe des taux entre les cours au comptant (cash) et à terme (forward) permettent de jouer les inefficiences sur les courbes entre les différents pays de l'OCDE et de capter de la performance, indique Christophe Point. C'est la stratégie mise en place dans le fonds Natixis absolute swap arbitrage par exemple lancé en septembre 2008". Il s'agit dans ce cas de figures de fonds systématiques reposant sur des méthodes statistiques. "Les stratégies dans ce fonds permettent de délivrer une espérance de rendement équivalant à l'Eonia plus 200 points de base", précise Christophe Point. Mais le segment de marché sur lequel les investisseurs ont déjà commencé à se repositionner est celui de l'obligataire, à la fois du côté des obligations souveraines et du crédit. Depuis le début de l'année, tous les gérants anticipent un appétit pour cette classe d'actifs et plus particulièrement pour le crédit émis par les entreprises et par les institutions financières. "Les investisseurs institutionnels prêts à reprendre du risque s'intéresseront d'abord au crédit puis aux actions, observe Charles Mélanie. Les institutionnels commencent en effet à investir sur le crédit via les fonds buy and hold." Il s'agit de fonds obligataires qui fonctionnent comme des obligations. Les investisseurs doivent rester dans le fonds pendant toute sa durée de vie qui est comprise en général entre 3 et 5 ans, il n'y a donc pas de risque de perte en capital et le fonds distribue des revenus. La rentabilité des titres en portefeuille est comprise entre 5 et 7 %, tandis que la diversification permet de limiter le risque de défaut. "Le crédit affiche des rendements historiques, relate Christian Bito. Ils sont actuellement les plus élevés constatés depuis 50 ans. Toutefois, le risque de défaut peut être important compte tenu de la crise. Un portefeuille diversifié permet de bénéficier de ces rendements tout en limitant le risque de contrepartie." Même si les investisseurs commencent à s'intéresser à ces produits, il n'y a pas de mouvement massif, ni du côté des institutionnels, ni du côté des entreprises où les investissements dans cette classe d'actifs sont encore plus timides. "Les flux ne sont pas équivalents à ceux des fonds monétaires, mais l'on commence à percevoir à travers les souscriptions un retournement de tendance. Les investisseurs sont prêts à nouveau à s'engager à rester investis sur des durées comprises entre 3 à 5 ans", estime Charles Mélanie. Reste à trouver la bonne fenêtre pour entrer sur ces produits qui supposent de rester investis au moins trois ans.

Vers une remise en cause de l'allocation stratégique

Les investisseurs institutionnels s'intéressent également aux fonds investis sur la dette des Etats et notamment de la zone euro afin d'obtenir de la performance en limitant davantage le risque de contrepartie. "Nous proposons aussi un fonds quantitatif investi en titres d'Etats, sans risque de contrepartie, et qui affiche un objectif de performance calé sur l'Eonia plus 100 points de base", relate Christophe Point. Cette réflexion globale sur la performance s'accompagne chez les investisseurs institutionnels d'une interrogation plus générale, voire d'une remise en cause de leur allocation d'actifs. "Les investisseurs qui disposent de réserves longues ont entamé une réflexion sur leur allocation stratégique, relate Christophe Point. Jusqu'à présent, les actions représentaient environ 40 % de l'actif et les obligations environ 60 %. La baisse des marchés a en effet réduit mécaniquement la part des actions, le monétaire a également pris le pas sur l'obligataire. Faut-il alors revenir aux niveaux antérieurs et de quelle façon, faut-il mettre en place de nouvelles stratégies, par exemple en performances absolues, permettant de tirer les leçons de la crise de 2008 ?". Cette problématique devrait occuper les institutionnels tout le printemps, après la clôture des comptes qui vient d'intervenir au mois de mars. Sandra Sebag