Les gérants moins optimistes que les marchés pour le trimestre à venir

06/05/2009 - 11:48 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le rebond sur les actions et la reprise sur les marchés émergents laissent les gérants septiques. Comme en début d'année, ils continuent de privilégier pour les prochains mois les obligations émises par les entreprises et les Etats. Le pire de la crise serait-il derrière nous ? Si l'activité économique continue à se contracter, elle le fait à un rythme moins soutenu qu'au second semestre 2008 et le spectre d'un scénario de déflation à la japonaise semble s'éloigner. On assiste par conséquent depuis le mois de mars à un rebond des marchés actions. Ce diagnostic n'est toutefois pas partagé par l'ensemble des gérants qui demeurent pour l'instant encore prudents. "Certes on enregistre un ralentissement du taux de décélération des économies depuis deux trimestres, relate Sebastian Paris-Horvitz, directeur de la stratégie d'investissement d'Axa Investment Managers. Toutefois, la nature de la crise est différente des précédentes, on n'en sortira pas sans résoudre le problème des banques." Le vrai test pour savoir si le rebond des marchés va durer réside dans le plan que concocte actuellement l'administration américaine. "Début mai, le trésor américain devrait dévoiler son évaluation sur l'état des bilans des banques, poursuit Sebastian Paris-Horvitz. Néanmoins, il manque des précisions sur le plan Geithner sur lequel repose la gestion des actifs toxiques qui seront identifiés grâce à une formule de partenariat public-privé. Si ce plan fonctionne, alors on devrait s'acheminer vers une reprise d'ici la fin de l'année aux Etats-Unis." En attendant, les gérants demeurent prudents dans leur approche des marchés. "L'année 2009 restera une année de contraction de l'activité en Europe, tandis que le redémarrage arrivera sûrement plus rapidement aux Etats-Unis, avance Sébastian Paris-Horvitz. Cependant, il faut rester prudent pour les six mois à venir et ne pas recommencer à prendre du risque. Nous estimons que le rebond correspond à un rally dans un contexte de marchés baissiers." Par conséquent, globalement, les gérants continuent dans un tel contexte à sous-pondérer, voire à être neutre sur les actions, malgré le rebond des indices. "Pour un CAC à 3 100, nous sommes plus prudents sur les actions, en revanche, nous redeviendrions positifs s'il redescendait à 2 750", indique Dominique Sabassier, directeur des gestions de Natixis Asset Management. Même à moyen terme, le potentiel de hausse des actions serait limité. "La crise a entraîné de profonds bouleversements, explique Dominique Sabassier, la valeur ajoutée devrait être plus équitablement répartie entre les salaires et les profits, ce qui à terme devrait peser sur les marchés actions. Sur ces marchés, il faudra plutôt jouer le trading et prendre rapidement ses bénéfices."

Une reprise fragile sur les émergents

A l'identique, la reprise sur les marchés émergents et sur les prix de certaines matières premières apparaît pour beaucoup de gérants encore trop fragile. "En général, la hausse des matières premières annonce la reprise, indique Sébastian Paris-Horvitz, toutefois dans le cas présent, elle tient essentiellement à la demande de la Chine qui est en train de reconstituer ses stocks. Ce mouvement devrait s'essouffler." En ce qui concerne les métaux de base, la demande est en effet très liée à la croissance économique. On peut cependant enregistrer ponctuellement des tensions en raison de la reconstitution des stocks. En revanche, les gérants recommandent les métaux précieux et notamment l'or comme assurance dans un contexte de crise. "La demande d'or dans une optique de joaillerie a diminué du fait de la crise, constate Benjamin Louvet, associé gérant chez Prim'Alternatives. Cependant, il n'y a pas eu de découverte majeure ces dernières années et surtout l'or constitue une réserve de valeur en période de crise. Si la crise s'aggrave, le cours de l'once devrait s'affermir. A l'identique, la sortie de crise repose sur des politiques monétaires très accommodantes qui devraient se traduire par une hausse de l'inflation. En conséquence, à moyen-long terme, l'or possède un fort potentiel d'appréciation. Nous le recommandons en fond de portefeuille pour les investisseurs institutionnels." L'ensemble des gérants préconise ainsi à court et à moyen terme de se positionner sur l'or. "L'or joue un rôle d'assurance multirisque", indique Dominique Sabassier. Les matières premières agricoles font de leur côté l'objet de tensions. Toutefois, l'orientation des marchés étant difficile à prévoir, les gérants spécialisés préconisent là encore la prudence. "On enregistre des tensions sur les oléagineux car l'augmentation des surfaces n'est pas aussi importante que prévu, indique Benjamin Louvet, la Chine est train d'augmenter ses stocks. Toutefois, s'il n'y a pas cette année d'incident climatique, globalement, la baisse de la production agricole devrait correspondre à la baisse de la consommation, indique Benjamin Louvet. En revanche, en cas d'incident climatique, la situation peut vite s'embraser." Par ailleurs, même si les cours du pétrole semblent se stabiliser à un niveau assez bas, l'or noir demeure attractif dans une optique à moyen-long terme. "La production de pétrole a été ajustée de façon à prendre en compte la baisse de la consommation. La diminution de la production annoncée par l'OPEP a été globalement bien appliquée, relate Benjamin Louvet. Le marché devrait être compris dans une fourchette entre 45 et 60 dollars le baril. A ce prix-là, de nombreux projets d'exploration et d'exploitation sont abandonnés. On prépare donc la crise de demain car dès les premiers signes de reprise, les cours devraient fortement augmenter". Si certaines matières premières peuvent paraître attractives, les décisions d'investissement doivent intégrer, à l'exception notable de l'or, les coûts de stockage. "Il faut encore attendre avant de jouer le pétrole compte tenu de l'augmentation des frais de stockage qui sont inclus dans les contrats à terme, indique Benjamin Louvet. A l'identique, il faut privilégier la gestion active aux indices en ce qui concerne les matières premières agricoles du fait des évolutions des marchés, mais aussi du coût de stockage inclus dans les indices qui en diminuent mécaniquement la performance." La reprise encore plus nette sur les marchés émergents inquiète certains gérants qui évoquent même la possibilité de la constitution d'une nouvelle bulle liée aux injections de liquidité pour faire face à la crise. "On assiste à une forte montée des marchés émergents notamment ceux qui sont liés aux matières premières comme le Chili, le Brésil ou la Russie, relate Sébastian Paris-Horvitz, cette hausse nous paraît exagérée car la demande de matières premières n'est pas liée pour l'instant à une reprise de l'activité mondiale."

Les obligations toujours plébiscitées

En revanche, en termes de produits, les obligations à la fois souveraines et corporate demeurent le segment privilégié par l'ensemble des gérants d'actifs. "A court terme, la politique monétaire devrait rester accommodante, et les taux longs resteront faibles, indique Sébastian Paris-Horvitz. Nous sommes donc positifs sur les emprunts d'Etat." La politique de baisse des taux ne devrait pas toutefois favoriser tous les segments de la courbe des taux. "La Banque centrale européenne devrait poursuivre la baisse des taux, et nous nous attendons à ce qu'ils atteignent prochainement les 1 % du fait de la détérioration de la situation macroéconomique, avance Paul Gurzal, gérant obligataire à La Française des Placements. Dans cette perspective, la partie courte et intermédiaire de la courbe des taux devrait être protégée." Si cette baisse des taux est favorable aux emprunts d'Etat, elle pèse néanmoins sur leur rentabilité. "L'Eonia est passé sous la barre des 1 %, indique Paul Gurzal, et nous constatons que la courbe est déjà très pentue sur la partie courte. En effet, le différentiel trois mois swap Eonia contre le deux ans allemand est à 60 points de base, au plus haut depuis le 30 juin 2006. Par conséquent, il suffit d'allonger un peu la duration pour obtenir une meilleure rentabilité." Le gérant préconise ainsi de se positionner sur des titres allant jusqu'à cinq ou sept ans. Par ailleurs, même si les écarts de taux d'intérêt dans la zone euro ont tendance à se resserrer, ils demeurent importants. "Nous préconisons d'investir sur les obligations émises par les pays périphériques de la zone euro qui présentent toujours un écart de taux attractifs et finalement peu de risques", préconise Paul Gurzal. Toutefois, pour certains, l'intérêt pour les obligations souveraines touche à sa fin. "La dette des Etats demeure intéressante, toutefois il faut commencer à arbitrer vers la sortie et à se désengager progressivement à partir de l'été", estime Dominique Sabassier. Les gérants sont globalement encore plus positifs sur les obligations émises par les entreprises. "Nous avons une vision neutre sur le crédit de meilleure qualité dans une perspective de détention à moyen-long terme, explique Sebastian Paris-Horvitz. Beaucoup d'émissions de crédit au premier trimestre de bonne qualité ont été sursouscrites. Elles nous semblent attractives dans une optique de détention jusqu'à échéance." Les rendements proposés sont en effet historiques depuis le début de l'année. "On a enregistré 129 milliards d'euros d'émissions depuis le début de l'année, de quoi couvrir l'ensemble des remboursements de l'année, relate Paul Gurzal. Les rendements proposés étaient tellement attractifs que l'offre n'a pu répondre à l'ensemble des demandes." Le crédit paraît ainsi être la seule classe d'actifs sur lequel il existe un véritable consensus positif. "En raison des spreads (écart entre le taux de l'entreprise et les emprunts d'Etat), le placement crédit sur des maturités trois-cinq ans nous semble figurer parmi les placements les plus attractifs" avance Dominique Sabassier. Malgré tout, il convient d'être prudent et les gérants préconisent ainsi de se concentrer sur les meilleures signatures. "Nous recommandons vivement d'acheter du crédit trois à cinq ans de la zone euro de bonne qualité comme ceux émis par le secteur des télécommunications ou des services aux collectivités, qui génèrent des cash-flows prévisibles et trouvent facilement du financement", affirme Paul Gurzal. Les secteurs défensifs sont ainsi encore privilégiés par les gérants contrairement aux secteurs cycliques. Les meilleures signatures intègrent dans leur niveau de valorisation des taux de défaut importants qui les rendent attractives, et cela d'autant plus qu'ils semblent peu crédibles aux gérants. En revanche, la plupart des gérants restent absents ou sous-pondèrent fortement les segments à haut rendement qui intègrent également un risque de défaut, mais qu'ils jugent dans ce cas hautement probable compte tenu de la contraction de l'activité et des difficultés toujours importantes de financement des entreprises. Enfin, les convertibles commencent également à intéresser les gérants. "Depuis un ou deux mois, le marché a connu de nouvelles émissions de convertibles, ce qui était devenu rare, à tel point que le gisement avait tendance à se contracter, relate Paul Gurzal. Elles ont toutes rencontré un grand succès, ce qui devrait inciter à de nouvelles émissions, mais il faut sélectionner les convertibles en restant très attentif à la qualité du crédit", prévient Paul Gurzal. De la prudence, toujours ! Sandra Sebag