Banques européennes : une contagion en ordre dispersé

14/05/2009 - 16:38 - Option Finance

(AOF / Funds) - Sur un échantillon de 26 grandes banques européennes, 12 étaient en perte sur l'année 2008 et 15 au second semestre. Parmi les établissements dont les résultats résistent encore relativement bien à la matérialisation de l'ensemble de ces risques, deux profils se dégagent : - d'une part, les banques qui disposaient d'une activité de BFI réduite avant la crise et qui n'ont pas dopé leur trésorerie aux actifs toxiques. Les banques espagnoles et, dans une moindre mesure, italiennes entrent dans cette catégorie, ainsi que des établissements comme Nordea et Rabobank - ce dernier bénéficiant par ailleurs des déboires de ses principaux concurrents au Benelux. La dégradation du marché immobilier espagnol devrait cependant progressivement atteindre davantage les comptes des banques de taille moyenne et des caisses d'épargne les plus exposées aux promoteurs. De même, la détérioration de la conjoncture en Amérique latine affectera plus les comptes de Santander et de BBVA en 2009. De leur côté, les plus grandes banques italiennes pourraient continuer à enregistrer des pertes en Europe de l'Est ; - d'autre part, les banques qui avaient réussi à garder un certain équilibre de leurs activités, tout en ayant comme principal marché domestique un pays aux fondamentaux immobiliers relativement sains. En 2009, au-delà de la normalisation des performances en banque d'investissement, l'exposition géographique en banque de détail constituera un facteur important de différenciation des performances. En outre, et même en supposant l'absence d'un Lehman bis en 2009, le redressement des comptes des principaux groupes bancaires européens ne sera que progressif. D'une part, des dépréciations restent à supporter sur un certain nombre d'actifs. D'autre part, la récession dans laquelle l'essentiel des économies est plongé ne peut que se traduire par un fort accroissement du chômage et par des faillites d'entreprises. L'augmentation du risque de contrepartie engagé en seconde partie d'année 2008 est ainsi destinée à se poursuivre et le profil de remontée du coût du risque des activités de banque de financement constitue une inconnue importante. Les filiales situées dans les pays émergents les plus fragiles devraient également continuer à être une source de perte. Enfin, même si des écritures de cette nature ont déjà été passées au quatrième trimestre 2008, parfois très significatives (RBS, HSBC, Fortis...), l'année 2009 continuera à être marquée par des dépréciations de "goodwill" suite aux acquisitions réalisées ces dernières années à des prix élevés. De leur côté, les bons résultats réalisés, et probablement à venir, de la plupart des banques d'investissement au premier trimestre 2009 suggèrent que le pire de la crise est, enfin, vraiment passé en ce qui concerne les métiers les plus sensibles aux marchés financiers. De nombreux résultats exceptionnels encore extériorisés par certains groupes, une conjoncture économique très dégradée et des produits structurés restant parfois encore à traiter doivent certes relativiser ce diagnostic. Les effets de base liés à de moindres dépréciations et à des marchés financiers volatils, mais moins déprimés qu'au paroxysme de la crise, ainsi qu'une concurrence réduite par la disparition ou la restructuration d'un certain nombre d'acteurs, pourraient néanmoins s'avérer des facteurs de normalisation durable de ces performances en banque d'investissement. Au total, que ce soit pour les banques européennes ou les banques américaines, les rentabilités "courantes", hors éléments non récurrents et directement liés à la dislocation de certains marchés, sont délicates à apprécier à la lecture des comptes 2008. En toute hypothèse, elles sont très inférieures aux niveaux observés entre 2005 et 2007. A moyen terme, le retour aux niveaux de rentabilité qui prévalaient avant la crise n'est pas acquis. D'une part, ces rentabilités étaient dopées aux effets de levier, ce qui a d'ailleurs constitué le terreau de la crise actuelle. Les perspectives de ROE seront ainsi affaiblies par des exigences de fonds propres accrus. De plus en plus, ces contraintes passent par la création de "vrai" capital, c'est-à-dire l'émission d'actions ordinaires, les émissions massives d'actions de préférence ou autres hybrides ayant montré leurs limites. Une meilleure évaluation des risques au bilan comme au hors-bilan, spontanée ou imposée, pèsera également plus fortement que par le passé sur cette rentabilité. D'autre part, l'abandon des produits trop structurés et complexes au profit de produits "vanille" moins margés et la réduction des volumes toucheront aussi les revenus en BFI, en gestion d'actifs et dans les réseaux distribuant ces produits, avec toutefois un effet contraire favorable, lié à la réduction des surcapacités bancaires. Par Rémy Contamin, responsable de l'analyse bancaire, direction des études économiques de Crédit Agricole SA Extrait de "Eclairages", avril 2009