Economie : où l'on reparle des déficits publics

25/05/2009 - 11:49 - Boursier.com

Les grandes nations industrialisées, ainsi que les pays émergents, ont multiplié ces derniers mois les efforts pour stabiliser l'économie mondiale, à...

Les grandes nations industrialisées, ainsi que les pays émergents, ont multiplié ces derniers mois les efforts pour stabiliser l'économie mondiale, à grands renforts de mesures coûteuses pour les finances publiques. Les Etats ont ainsi mis de côté leurs aspirations à l'assainissement budgétaire, parfois de façon extrêmement violente, y compris dans les pays qui avaient fait preuve d'une politique rigoureuse au cours des dernières années. Le revers de la médaille est un alourdissement sans précédent des déficits publics, avec une faible visibilité sur les moyens d'inverser la tendance à moyen terme. Les gouvernements semblent avoir mis de côté tout prudence, malgré les rappels à l'ordre des organisations internationales, ouvrant la voie à une dégradation durable de la qualité des finances publiques. Les agences de notation, telles Standard & Poor's (S&P), Moody's et Fitch, sont chargées de synthétiser la solidité financière des Etats en leur assignant des "notations souveraines", qui déterminent plusieurs facteurs, du risque pour un investisseur de commercer avec un pays donné ou ses entreprises, à la facilité de placement de la dette nationale sur les marchés internationaux. L'échelle de notation est assez proche de celle utilisée pour les entreprises. Ainsi les pays les plus solides sont-ils notés "AAA", tandis que les plus faibles se trouvent actuellement à "CCC+", c'est-à-dire 16 rangs en-dessous. Chez S&P, qui suit 120 pays dans le monde, le Pakistan est ainsi noté "CCC+", tandis que 18 Etats bénéficient de la "note suprême". On retrouve dans ce cercle fermé Singapour, le Canada, la Suède, la Suisse, l'Autriche, l'Australie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Finlande, le Danemark, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Ile de Man, le Luxembourg, le Lichtenstein et la France. En début d'année, ils étaient encore 20, mais depuis, l'Espagne et l'Irlande ont quitté le gotha après la fin brutale de leur "miracle économique". Changer de catégorie, a fortiori pour les Etats notés "AAA", est très rare et représente généralement un acte symbolique lourd. C'est pourtant ce qui pourrait arriver à deux des plus gros pays industrialisés de la planète, après l'explosion de leurs dépenses de soutien à l'économie. En fin de semaine dernière, S&P a confirmé la notation "AAA" du Royaume-Uni, mais a réduit de "stable" à "négative" sa perspective, ce qui signifie dans le jargon des agences de notation qu'elle voit les nuages s'amonceler sur la qualité crédit du pays. "Nous avons révisé notre perspective sur le Royaume-Uni à négative du fait de notre analyse selon laquelle, même en intégrant des mesures budgétaires de contrôle additionnelles, la dette nette publique générale pourrait approcher 100% du PIB et rester à ce niveau à moyen terme", a expliqué l'analyste crédit David Beers, qui voit donc la dette publique doubler d'ici à 2013. "Une dette publique de cette importance, si elle se confirme, serait du point de vue de Standard & Poor's incompatible avec une notation AAA", a poursuivi le spécialiste dans son étude avant de conclure "la notation pourrait être abaissé si, après les élections, la politique fiscale du prochain gouvernement n'est pas en mesure de mettre la dette publique du pays sur une trajectoire sécurisée à moyen terme". Les conséquences de cette annonce ont été brutales, puisque l'indice FTSE de la Bourse de Londres a chuté de 2,75% vendredi, tandis que la Livre Sterling a pris un bon coup au moral. Mécaniquement, le coût de garantie de la dette britannique a aussi pris la pente ascendante. Le Premier Ministre britannique Gordon Brown, qui a beaucoup d'autres chats à fouetter actuellement, se serait sans doute volontiers passé de cette mauvaise publicité à l'heure où il doit organiser des élections dans le pays. En début d'année, l'opposition conservatrice de David Cameron s'était offert une publicité télévisée mettant en scène un bébé sur une musique enfantine, qui s'achevait en ces termes "Thanks to Labour Debt Crisis, every child in Britain is born owing 17.000£", soit en substance "Grâce à la dette de crise du Labour, chaque petit britannique naît en devant 17.000 livres". Mais quand le spot a été tourné, le gouvernement de Sa Majesté prévoyait de dépenser 70 milliards de Livres, dont 50 pour les institutions financières du pays. S&P estime désormais que la note s'alourdira à 145 milliards de Livres pour les seules banques et assureurs, ce qui rend obsolète l'estimation de 17.000 Livres donnée par les "Tories" il y a quelques mois. Pendant ce temps, Gordon Brown se retrouve 22 points derrière l'opposition dans les derniers sondages... Mais la menace qui pèse sur le Royaume-Uni n'est pas isolée. Certains spécialistes pensent que les Etats-Unis pourraient subir le même sort, après les centaines de milliards de dollars consacrés à la relance. L'influent Bill Gross, le patron de Pimco, le plus gros fonds obligataire du monde, pense qu'à un horizon de 3 à 4 ans, le pays pourrait perdre son "triple A", avec des conséquences importantes sur la colossale dette du pays et sur le billet vert. L'Agence Moody's s'est cependant déclarée "à l'aise" avec la note souveraine des Etats-Unis, tandis que S&P a rappelé avoir confirmé en janvier sa note suprême, jugeant la dérive budgétaire américaine inquiétante mais temporaire. En d'autres termes, la capacité de rebond de Washington va au-delà de celle de Londres, qui se prépare des moments plus difficiles. Mais Berlin et Paris n'ont pas vraiment de quoi pavoiser : l'Allemagne et surtout la France pourraient également être rappelées à l'ordre par les agences sur leur discipline budgétaire.



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