Une semaine de marchés - L'essoufflement ?

15/06/2009 - 18:46 - Option Finance

(AOF) - L'appétit des investisseurs pour les actifs risqués va-t-il être mis à mal par la détérioration du marché obligataire ? Depuis une dizaine de jours, les marchés actions oscillent dans une fourchette très étroite qui illustre les hésitations à pousser plus loin le rally initié début mars. Les performances depuis le début de l'année sont, à quelques très rares exceptions, positives, mais il subsiste une marge de progression notable pour recouvrer les niveaux antérieurs à la faillite de Lehman Brothers (1 200 sur le S&P 500, 4 000 sur le CAC). Si le grappillage de quelques points de hausse ne peut pas être exclu dans les prochaines semaines, le momentum est clairement en train de s'essouffler. La raison ne doit pas être recherchée du côté des statistiques économiques publiées récemment, puisque la semaine écoulée a vu le marché du travail américain continuer de montrer des signes de reprises et la production industrielle anglaise rebondir pour la première fois depuis plus d'un an. De même, en Chine, les ventes au détail sont plus fortes qu'attendues et l'investissement en hausse de 32,9 % depuis le début de l'année. L'hypothèse d'un découplage de l'économie chinoise (et plus généralement asiatique) continue donc de soutenir l'optimisme de certains investisseurs. La cause d'un essoufflement du rally, au-delà de la prudence généralement de mise à l'arrivée de l'été, pourrait être trouvée du côté du marché obligataire. Les taux d'intérêt souverains ont continué d'augmenter cette semaine avec un taux dix ans américain qui a dépassé les 4 % en intraday cette semaine - un plus haut depuis octobre 2008. Le taux 30 ans, référence pour les crédits hypothécaires, et donc pour les opérations de refinancement des ménages américains, a retrouvé son niveau de fin 2007 (4,8 %), quand les taux des fonds fédéraux étaient encore à 3,5 %/4 %. En corollaire, la pente de segment deux ans/trente ans, bien qu'en repli par rapport à la semaine dernière, reste historiquement élevée. Ainsi, en dépit des efforts de politique quantitative par la Réserve Fédérale, les craintes (infondées) sur l'inflation et, surtout, la peur d'un dérapage incontrôlé des finances publiques pèsent sur les rendements souverains. Paradoxalement, alors que le discours alarmiste de Ben Bernanke avait entraîné une forte hausse des taux souverains américains, les dernières émissions du Trésor américain (trente ans) et allemand (vingt ans indexé) se sont très bien déroulées. Pourtant, de tels niveaux de taux ne rendent pas, au moins temporairement, l'arbitrage actions/obligation aussi favorable qu'en mars. Plusieurs indicateurs évoquent la possibilité de "surachat" sur les actions. Les PER (Price-earning ratios) convergent par exemple vers des zones d'équilibre de moyen/long terme et une hausse supplémentaire des prix ne devra être justifiée que par une amélioration notable des profits, qui reste à confirmer et sera probablement assez lente. Dans ce contexte de "range trading" des actions, la hausse continue du prix du Brent (+ 4 % cette semaine, contre + 0,2 % pour le S&P 500) n'est pas tenable. Le recul du contrat Brent juillet vendredi est-il un signe avant-coureur ? Le ratio or/Brent, bon indicateur du degré d'aversion pour le risque, s'établit désormais à un niveau proche de sa moyenne de long terme, après avoir chuté de 24,9 à 13,3 en quelques semaines. Un repli de court terme du Brent - en dépit de la révision marginale, mais à la hausse de la demande mondiale de pétrole prévue par l'IEA en 2009 - est d'autant plus plausible que le dollar est sur une phase ascendante. La corrélation entre la devise américaine et le pétrole - historiquement négative à - 055 - devrait donc reprendre le dessus et peser d'autant plus à la baisse sur l'or noir que l'or jaune, très lié au dollar également, a quant à lui entamé un recul beaucoup plus prononcé cette semaine (- 18 dollars soit - 1,9 %). La guerre entre les optimistes et les partisans d'une pause, voire d'une correction des marchés risqués, n'est pas terminée et pourrait s'étendre encore quelques semaines, mais il est indéniable que le potentiel de gains à la hausse est limité à court terme. Nul doute que les opérateurs attendront la réunion du comité de politique monétaire de la Fed, qui se tiendra le 24 juin pour prendre de véritables positions. D'ici là, la tendance devrait être plus à l'allégement qu'au renforcement à la hausse et/ou à un positionnement vendeur/short agressif. Par Evariste Lefeuvre, stratégiste, Natixis