Commercialisation des produits financiers sous haute surveillance

15/07/2009 - 15:39 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Les épargnants sont plus que jamais au coeur des préoccupations de l'AMF. Certaines dispositions de son plan stratégique suscitent toutefois des interrogations.

Retour à la confiance oblige, les institutions rejouent la même partition qu'à la suite de l'éclatement de la bulle financière en 2001 et placent la protection de l'épargnant au centre de leurs discours sur les marchés. C'est le cas en particulier de l'AMF qui a présenté le 29 juin dernier son plan stratégique pour les mois à venir. Celui-ci s'inscrit dans le prolongement des G20 de Washington (automne 2008) et de Londres (mars 2009) qui ont invité les régulateurs à corriger les dysfonctionnements des marchés mis en évidence par la crise, à accroître la surveillance des risques et à renforcer le contrôle des acteurs et des produits. La protection des épargnants se retrouve donc au coeur de la nouvelle politique. A ce sujet, l'AMF a annoncé la création d'une nouvelle direction en charge des relations avec les épargnants. Surtout, elle entend surveiller de beaucoup plus près la chaîne de commercialisation des produits financiers. Il se pourrait d'ailleurs qu'à terme elle récupère la surveillance de l'ensemble des produits, y compris ceux relevant actuellement des autorités de la banque et de l'assurance. C'est en tout cas la recommandation du rapport Deletré de janvier dernier sur la réforme de la supervision qui devrait se traduire par une loi d'ici la fin de l'année. En attendant, l'AMF annonce qu'elle travaillera en étroite collaboration avec l'Autorité de contrôle des assurances et la Commission bancaire à travers la création d'un Observatoire des produits d'épargne. "C'est une évolution logique, confie Laurent Faugérolas, associé du cabinet Willkie Farr et Gallagher, depuis l'origine, le régulateur boursier a vocation à protéger les épargnants et n'a eu de cesse d'étendre sa mission à de nouveaux produits d'investissement, dépassant le cadre des seuls instruments financiers." Concrètement, cette politique de protection de l'épargne va se traduire par des actions pédagogiques en direction du public, mais aussi et surtout par un renforcement de la veille sur les documents commerciaux, la formation des vendeurs, les campagnes commerciales, etc. L'AMF se réserve la possibilité de communiquer de sa propre initiative et prévoit d'employer de nouvelles méthodes de contrôle plus "musclées", par exemple le recours à des investigations ou achats anonymes pour déceler les risques de vente abusive. Elle envisage également de confier à des cabinets externes le soin de réaliser des "contrôles anonymes". Pour l'instant, on n'en sait pas plus, mais cette annonce suscite des interrogations chez les juristes. "Jusqu'à présent, il existe en droit public un principe de transparence qui empêche en principe à l'administration d'avancer masquée" rappelle Laurent Faugérolas. Le recours à l'anonymat est une pratique en effet sujette à caution sur le terrain juridique. "Généralement, au civil comme au pénal, les juges ne voient pas d'un très bon oeil l'utilisation de manoeuvres pour obtenir des preuves, celles-ci sont souvent rejetées en raison de leur caractère déloyal. Or, on peut considérer comme déloyal le fait pour l'administration d'avancer masquée. Seul le testing à l'entrée de discothèques semble avoir été reconnu par la justice, confie Thomas Baudesson, associé du cabinet Clifford Chance. Evidemment, s'il ne s'agit que de recueillir des éléments pour faire un rappel à la réglementation, ça ne devrait pas poser de difficulté, en revanche, c'est beaucoup plus délicat si les éléments recueillis servent à fonder une procédure de sanction". Ce n'est pas le seul problème. "L'AMF envisage aussi visiblement de déléguer son pouvoir de contrôle à des personnes de droit privé, là encore cela méritera d'être soigneusement encadré par le législateur" souligne cet avocat. La protection de l'actionnaire occupe également une place de choix dans le plan stratégique du régulateur. D'une manière générale, la gouvernance va se trouver placée sous très haute surveillance. Ainsi, une réflexion est annoncée en ce qui concerne la définition de l'administrateur indépendant. Par ailleurs, le régulateur entend faciliter l'exercice des droits de vote par les actionnaires, notamment grâce à l'amélioration de l'organisation des assemblées générales : clarification des propositions de résolution du Conseil, explicitation des conventions réglementées, publication systématique des projets de résolution, encouragement au vote électronique. En définitive, ce plan ne présente aucune innovation majeure, excepté peut-être en ce qui concerne les méthodes de contrôle. Mais il annonce un sérieux tour de vis dans tous les domaines relevant de la compétence de l'AMF. C'était prévisible.