Analyse / Les émissions bondissent, mais pas les taux

15/07/2009 - 16:27 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le montant des émissions brutes de titres obligataires publics devrait représenter en 2009 l'équivalent de 4 740 milliards de dollars pour les Etats-Unis, le Japon, la zone euro et le Royaume-Uni réunis. Malgré une telle progression (70 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes) et le regain d'appétit pour le risque observé depuis début mars, les taux obligataires restent contenus, bien en deçà de leurs moyennes historiques. Il faut reconnaître que les agences d'émission se sont adaptées à la situation qui a prévalu après la faillite de Lehman. A horizon 2010, nous ne prévoyons pas une hausse significative des taux longs, sachant que les économies du G4 resteront à la peine. Au-delà, tout devrait dépendre de la capacité des Etats à résorber leurs déficits. Au premier trimestre, les agences du Trésor ont profité des conditions d'émission très favorables, compte tenu du fort appétit des investisseurs pour des titres sûrs et liquides, pour placer un volume important d'émissions. Résultat, les Etats ont pris une avance sensible dans leur programme de financement. En juin, le Trésor américain avait ainsi couvert 80 % de ses besoins, malgré leur triplement en deux ans. En zone euro, on observe un phénomène similaire. Le taux de couverture des pays est de 63 %, contre 54 % habituellement à la même époque. Les pays les plus fragiles (moins bien notés et dont les marchés sont les moins profonds) se sont montrés les plus prévoyants. La Grèce a ainsi couvert 100 % de ses besoins, le Portugal 92 %, la Belgique plus de 70 %... Pour tous ces pays, finaliser les programmes d'émission 2009 ne devrait pas poser de problème majeur et les spreads souverains devraient continuer à se détendre. A noter que l'Irlande reste la plus vulnérable : ses émissions représentent 15 % de son PIB en 2009, une multiplication par huit en deux ans, et son programme de financement reste largement à couvrir. Par ailleurs, son secteur bancaire pourrait nécessiter de plus amples interventions de l'Etat : le FMI vient de chiffrer ces nouveaux besoins pour le secteur financier à 20 % du PIB d'ici à fin 2010 ! Depuis l'été 2007, les Etats ont raccourci la maturité de leurs emprunts en faveur de titres de court terme (T-Bills, de maturité inférieure à un an) ou des segments courts obligataires (2-5 ans). Aux Etats-Unis, la part des T-Bills dans la dette négociable du Trésor américain est ainsi passée de 20 % au printemps 2007 à 32,5 % au premier trimestre 2009. Dit autrement, la hausse de la dette publique américaine a été financée à 60 % par des T-Bills sur cette période ! La France et quelques pays de la zone euro comme la Grèce ou l'Irlande ont suivi une voie similaire. Cette tendance s'est accentuée quand les banques centrales qui se sont dirigées vers des politiques de taux 0. Une telle tendance peut durer encore quelques mois, mais n'est toutefois pas soutenable. En effet, un pays dont la dette repose trop largement sur des émissions de court terme prend un risque de refinancement et s'expose aux anticipations de resserrement monétaire lorsque les premiers signes de reprise et d'inflation se font jour. On a pu le constater début juin : après la publication du rapport sur l'emploi meilleur qu'attendu, les taux des bons du Trésor américains sont passés de 0,9 % à 1,4 % (avant de retomber à 1,1 %). Au total, raccourcir fortement la maturité de sa dette, c'est prendre le risque d'une forte augmentation du coût du service de la dette dans le futur et se priver des effets positifs qu'une hausse de l'inflation peut présenter pour diminuer le fardeau de la dette. Les Etats ont tout intérêt à allonger la maturité de leur dette, en émettant sur les maturités où les niveaux des taux d'intérêt nominaux restent historiquement faibles. Certains pays comme la France, qui vient d'émettre une nouvelle souche à trente ans, semblent prendre en compte ces risques. Les agences du Trésor se sont adaptées à la nouvelle situation qui a prévalu après la faillite de Lehman : elles ont diminué fortement la maturité de leur dette et avancé significativement leur programme d'émission obligataire. A moins qu'une nouvelle dégradation de l'environnement économique n'impose aux Etats de creuser plus encore leurs déficits budgétaires, boucler la fin de l'année ne devrait pas poser de soucis majeurs et l'année 2010 devrait elle aussi bien se présenter. Les banques centrales et le secteur privé semblent en effet prêts à favoriser l'absorption du surcroît d'émissions souveraines.