Chronique / Les "bulls" tiennent le haut du pavé

15/10/2009 - 19:03 - Option Finance

(AOF / Funds) - Il est l'or, Monseignor, l'or de se réveiller !" L'once d'or a pulvérisé ses plus hauts de mars 2008 (1 032) en dépassant le seuil des 1 050 dollars. Cette hausse s'inscrit dans un contexte de faiblesse généralisée du dollar, le DXY, un indice pondéré du dollar contre les devises les plus traitées, s'étant en effet approché de son plus bas de l'année à 76,26 en fin de semaine. Cette évolution a poussé plusieurs banques centrales asiatiques à intervenir massivement sur le marché des changes pour éviter une appréciation trop rapide de leur monnaie. La logique qui sous-tend les interventions des banques centrales de Thaïlande, Taïwan et Malaisie n'est autre que la perte de compétitivité dont souffrent ces pays face à la Chine qui, rappelons-le, a un taux de change fixe contre dollar à 6,85 depuis août 2008. De son côté, et fidèle à son habitude, Jean-Claude Trichet a limité ses commentaires sur le regain de vigueur de l'euro et conservé sa rhétorique traditionnelle : la volatilité des taux de change est excessive. A peine doit-on reconnaître son envie de coopérer davantage avec les Etats-Unis sur la question. De là à espérer une action coordonnée des banques centrales mondiales, c'est un pas que l'on n'osera franchir. Une banque centrale a osé le faire et s'est distinguée des autres cette semaine : la Reserve Bank of Australia. Première banque centrale du G20 à relever ses taux directeurs (de 3 % à 3,25 %), la RBA a-t-elle donné le départ des "exit strategies" et exercé une sorte de pression sur les politiques monétaires des autres pays ? La réponse est claire : non. L'Australie, comme plusieurs pays émergents, n'a jamais mis en place de politique monétaire non conventionnelle ou quantitative. Son geste s'inscrit dans une logique de normalisation purement cyclique et il est vrai que les perspectives d'activité sont très bonnes : croissance attendue à 3-3,5 % en 2010, confiance des consommateurs au plus haut depuis deux ans et des entrepreneurs depuis six ans ! Surtout, l'Australie dispose d'une marge de manoeuvre très forte sur le plan budgétaire (- 2,2 % du PIB). En d'autres termes, le pays dispose d'un "policy mix" favorable qui lui permet d'envisager sereinement la normalisation monétaire. Dès lors, la hausse des taux australienne ne peut être envisagée comme un acte isolé et préfigure très probablement une normalisation à venir des politiques monétaires pour les pays dont la seule préoccupation est le cycle - en d'autres termes la plupart des émergents, qui voient leurs économies repartir rapidement et les flux de capitaux entrer à bon rythme. En revanche, elle ne préfigure pas de la mise en place rapide de stratégies de sorties pour les pays fortement impactés par la crise bancaire. Non seulement ces pays ne disposent pas de marge de manoeuvre de "policy mix" en cas de rechute - ils n'ont pour la plupart aucune marge de manoeuvre budgétaire. Ensuite, et surtout, la problématique monétaire est bien plus complexe et passe d'abord par le retrait progressif et maîtrisé de la liquidité. Le risque majeur est d'avoir la séquence suivante : creusement des écarts de taux entre les pays émergents et les pays du G7. Face à la pression sur leurs taux de change, les premiers risquent d'accumuler massivement des réserves de change, alimentant ainsi la croissance de la liquidité mondiale, dont on sait qu'elle se situe à l'origine des bulles sur les prix d'actifs... Ces derniers ont connu une tendance haussière sur la semaine qui, après le fort repli des premiers jours d'octobre, montre à quel point les "bulls" tiennent le haut du pavé. L'entrée dans l'"earning season" a en effet été lancée par des résultats d'Alcoa, jugés rassurants, et les indices affichent une hausse de 4 % sur la semaine (+ 4,1 % pour le CAC 40 ; + 4 % pour le S&P 500). Ce regain d'appétit pour le risque, illustré par la baisse de 5 points du Vix, de 29 à 24, pourrait être mis à mal par les nombreuses publications attendues sur les valeurs bancaires. Passé cet écueil, peu d'obstacles pourraient venir limiter une hausse de 7-8 % des indices boursiers à horizon des prochaines semaines, une configuration qui pousserait sans nul doute l'eurodollar au-delà de la barrière des 1,50 et l'or à 1 100 dollars au moins. L'heure sera alors peut-être celle du retour des bears... Evariste Lefeuvre, stratégiste, Natixis