Chronique / Comment discipliner la création monétaire mondiale ?

20/10/2009 - 15:50 - Option Finance

(AOF / Funds) - Depuis les années 1990, la croissance de la liquidité mondiale est trop rapide, et cette situation empire depuis la crise récente : la base monétaire mondiale augmente aujourd'hui de 32 % par an. La taille des bilans des banques centrales, prises ensemble, est passée de 8 % du PIB mondial en 1990 à plus de 20 % du PIB mondial aujourd'hui ; ce qui reflète l'ampleur de la création monétaire liée à l'accumulation d'actifs par les banques centrales. Tant que cette situation dure, le système monétaire international sera déséquilibré : l'excès de liquidité finance l'excès d'endettement, les bulles, les prix des actifs ; les flux internationaux de capitaux de taille énorme... Nous nous demandons comment passer à une situation où la création monétaire mondiale est contrôlée. En effet, la croissance de la liquidité mondiale est manifestement excessive, ce qui résulte à la fois des politiques monétaires menées pendant les récessions dans les pays de l'OCDE et de l'accumulation de réserves de change dans les pays émergents et exportateurs de pétrole, afin d'éviter la dégradation du dollar, qui a repris de manière violente en avril 2009. Les conséquences de l'excès de création monétaire sont évidemment néfastes : excès d'endettement, d'où les crises financières périodiques ; bulles sur les prix des actifs (alternativement immobilier, actions, matières premières) ; taille devenue excessive des flux de capitaux internationaux, d'où la déstabilisation des taux de change des pays émergents. Dans la période récente, plus de 150 milliards de dollars de capitaux se dirigent chaque mois vers les émergents. L'excès de liquidité mondiale résulte de ce que les banques centrales dans les pays de l'OCDE accumulent trop d'actifs domestiques, en contrepartie de la création monétaire, dans leur volonté de soutenir l'activité économique. Dans les pays émergents et exportateurs de pétrole, les banques centrales accumulent trop d'actifs en dollars (essentiellement), contre la création de leur monnaie domestique utilisée ensuite pour acheter des dollars, afin de stabiliser le taux de change du dollar. Le problème est donc la capacité pour les banques centrales de créer leur monnaie en achetant des actifs libellés soit dans leur monnaie nationale, soit en devises. Comment limiter cette capacité ? La première piste consiste à discipliner les banques centrales. Mais il est très improbable que ce soit possible. L'expérience récente montre que les banques centrales des pays de l'OCDE peuvent vouloir soutenir leurs économies sans limite en cas de crise et que les banques centrales des pays émergents ne veulent pas accepter la chute du dollar. La seconde piste n'est pas une vraie piste. Il s'agit de diversification accrue des réserves de change mondiales en d'autres monnaies que le dollar, qui représente aujourd'hui 62,8 % des réserves. Mais ceci ne changerait en rien le problème de l'absence de contrôle de la liquidité mondiale, les banques centrales pouvant toujours acheter une quantité illimitée d'actifs dans ces autres devises. La seule façon de contrôler l'offre de monnaie mondiale est que les banques centrales soient autorisées à détenir des actifs dans une monnaie artificielle dont elles ne contrôlent pas l'offre : des DTS émis par le FMI par exemple. Il y aurait alors une limite à l'augmentation de la taille des bilans des banques centrales. Mais les problèmes posés par cette solution sont considérables. Elle crée une dichotomie entre la monnaie de réserve, la monnaie du commerce mondial, qui est le dollar, et la monnaie des flux de capitaux privés. Ceci interdirait par exemple aux pays émergents d'utiliser leurs réserves de change pour pouvoir financer des importations en cas de crise. La monnaie artificielle devrait être émise en taille suffisante pour absorber les réserves de change en devises (plus de 7 000 milliards de dollars), ce qui est impossible. Enfin, puisque les banques centrales des pays émergents ne pourraient plus acheter des dollars, la variabilité des taux de change deviendrait énorme. Il y a donc peu d'espoir qu'une solution soit trouvée, ce qui veut dire que la liquidité mondiale va certainement continuer à progresser très rapidement. Par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis

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LEXIQUE

DTS : Le droit de tirage spécial (DTS) est une monnaie artificielle créée par le Fonds monétaire international qui permet aux membres du fonds de compléter leurs réserves existantes (réserves en or, réserves en devises et créances sur le FMI). Le DTS est en même temps l'unité de compte du FMI. Sa valeur est fixée sur la base d'un panier de monnaies de référence. Ce panier est actuellement composé comme suit : 45 % en dollar, 29 % en euro, 15 % en yen et 11 % en livre sterling.