"Les entreprises cherchent avant tout liquidité et sécurité", J.-M. Féron

22/10/2009 - 15:37 - Option Finance

(AOF / Funds) - Jean-Marie Féron, directeur général délégué de Barclays Wealth Managers, répond à nos questions sur la manière dont les entreprises orientent leurs placements aujourd'hui.

Les critères de sélection des placements de la part des entreprises ont-ils évolué ces derniers mois ?

Les problématiques de placement des corporates restent avant tout la liquidité et la sécurité, et elles sont encore renforcées par la crise. Ils disposent donc de marges de manoeuvre limitées pour rechercher du rendement, compte tenu du faible niveau des taux d'intérêts. Les comptes de dépôts, rémunérés quelques points de base au-dessus de l'Eonia ou de l'Euribor un mois, connaissent toujours un grand succès. Avec la baisse des taux courts, l'Eonia approchant les 0,30 %, la tentation de chercher des alternatives aux placements monétaires est réelle mais, plutôt que de se tourner vers des produits risqués, les entreprises utilisent leur trésorerie pour développer leur activité.

Quels sont les produits privilégiés par les entreprises ?

Dans ce domaine, le marché a un peu évolué. Les corporates sont encore friands d'OPCVM monétaires réguliers, qui visent à reproduire des performances proches ou égales à l'Eonia, car ils sont liquides et très peu risqués. Ainsi, le Barclays Club Corporate, un OPCVM monétaire qui vise à surperformer l'Eonia, tout en investissant essentiellement sur des signatures de très bon rating, de type A1/P1, représente l'essentiel de notre offre. Certaines entreprises peuvent s'intéresser à des produits de placements plus longs, bien que dépassant rarement les douze mois. Ces entreprises peuvent accepter de prendre un peu plus de risque pour un objectif de rendement plus élevé. Nous leur avons proposé le Barclays Ten, un FCP à douze mois lié à l'évolution du DJ Euro Stoxx 50 avec une protection de capital au terme. A chaque fin de trimestre, on observe la performance de cet indice : si sa valeur est supérieure à son point d'origine, le FCP est remboursé par anticipation et le porteur perçoit un coupon fixe de 2,5 %. Si la valeur de l'indice est inférieure à son point d'origine mais reste supérieure à 60 % de celui-ci, un coupon fixe de 2,5 % est acquis mais est versé seulement in fine. Enfin, si l'indice est inférieur à 60 % de sa valeur d'origine, aucun coupon n'est acquis, mais le FCP continue sa vie. A l'échéance, si l'indice est supérieur à 60 % de sa valeur d'origine, le capital investi est remboursé majoré des coupons acquis précédemment, sinon, le porteur subit la baisse de l'indice sur le capital investi et ne reçoit que les coupons précédemment acquis. Nous avons lancé ce produit au début du printemps dernier, alors que les marchés d'actions étaient extrêmement bas. Cela permettait aux entreprises qui étaient prêtes à prendre des risques contrôlés d'investir en prévision du rebond des marchés actions.

Comment améliorer la performance de ses placements compte tenu de la faiblesse actuelle des taux ?

La contrainte de la rémunération est difficile à résoudre car, si les taux ont baissé, le risque est toujours présent. Ainsi, aujourd'hui, les obligations à dix ans rémunèrent à guère plus de 3 %, pour une sensibilité au marché de taux élevée. Les entreprises n'ont donc pas intérêt à s'engager sur ce type de support, dans la mesure où le couple risque/rendement est probablement inacceptable pour elles. Afin de permettre un objectif de rendement plus élevé, nous avons proposé des solutions sous la forme de FCP ou d'EMTN sur un horizon d'au moins deux ans, avec des mécanismes permettant de protéger totalement ou partiellement le capital. C'est par exemple le cas d'un produit indexé sur l'inflation, d'une durée de quatre ans, dont le coupon était garanti à hauteur de 4 % les deux premières années. En années 3 et 4, le rendement du placement était égal à 125 % du taux d'inflation de la zone euro (hors tabac). Ce produit avait la caractéristique d'offrir un rendement significatif et une couverture contre le risque du retour de l'inflation.

Les entreprises vont-elles revenir vers des produits plus risqués dans les mois à venir ?

Je ne pense pas qu'il soit dans la nature de la trésorerie des entreprises d'être placée dans des produits risqués. Même en 2007, avant la crise, la gestion monétaire dite "dynamique" ne représentait pas une partie importante de l'activité de placement des trésoriers. Pour eux, la trésorerie reste une valeur d'ajustement et non un objectif en soi. Les corporates, par prudence, ont accumulé beaucoup de cash, mais cette situation est exceptionnelle, liée à l'incertitude économique. Je pense que, plutôt que d'investir dans des placements à maturité longue, les entreprises vont se remettre à investir dans leur activité et prendre du risque industriel plutôt que financier. Propos recueillis par Aurélie Fardeau

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

EMTN (European Medium Term Note) : Le programme EMTN (European Medium Term Note) propose un cadre réglementaire et les documents types nécessaires à l'émission sur les marchés financiers d'obligations libellées en euros. La flexibilité du programme en termes de structure et de calendrier d'émission a été inspirée des marchés de papiers commerciaux. Les obligations EMTN peuvent proposer une maturité de 9 mois à 40 ans, et sont en général non garanties.