EADS : 'Le Monde' affirme que l'enquête de l'AMF sur de possibles délits d'initiés concerne 800 personnes

06/12/2006 - 14:55 - Boursier.com

L'opération a été lancée au printemps dernier...

Selon 'Le Monde' dans son édition de jeudi, l'enquête conduite actuellement par l'Autorité des Marchés Financiers sur les soupçons de délits d'initiés autour d'EADS, débutée au printemps 2006, concernerait 800 personnes. Le quotidien, qui ne cite pas ses sources, précise cependant que seuls quelques dizaines de cas pourraient faire l'objet de poursuites. "Courriers électroniques, documents comptables et notes internes : les pièces saisies dans un dossier de délits d'initiés ont rarement été aussi nombreuses. Lors des perquisitions menées au siège d'Airbus, à Toulouse, les enquêteurs sont revenus surchargés", écrit 'Le Monde', qui précise que sont concernés par l'enquête plusieurs dirigeants des deux côtés du Rhin, dont l'ancien co-président Noël Forgeard, mais également les deux principaux actionnaires Lagardere et DaimlerChrysler. "Les personnes visées par l'enquête démentent tout acte frauduleux. Les dirigeants font valoir qu'ils n'ont agi qu'après autorisation de la direction financière", ajoute cependant le journal. Rappelons que la BaFin, l'autorité allemande de régulation financière, enquête également. Pour l'heure, et en l'absence de preuves plus concrètes, le principal reproche qui peut être fait au duo Airbus / EADS et à ses dirigeants est une communication extrêmement maladroite (ce n'est pas un délit en soi), qui a abouti à un plongeon boursier pour l'action au détriment des actionnaires. Rappel des faits : Le 13 juin, l'information tombe officiellement après une longue série de rumeurs : le calendrier de lancement de l'A380 est modifié, la sortie de l'appareil est retardée de 6 à 7 mois. La sanction boursière est très sévère (plus du quart de la capitalisation boursière part en fumée). Il s'agit de la seconde modification en quelques mois, qui sera bientôt suivie par une troisième en octobre dernier, qui porte à 2 ans le retard total du programme par rapport aux projections initiales. En outre, le programme A350, lancé dans l'urgence pour contrer le succès grandissant du B787 'Dreamliner' du rival Boeing, est un échec : les clients l'apprécient pas l'appareil. Airbus devra revoir une copie qui vient à peine d'être finalisée. Ces lourdes déconvenues de mi-juin interviennent après une série d'événements troublants. D'abord, c'est Lagardere, actionnaire historique d'EADS, qui choisit de diviser par deux sa position dans le capital début avril. C'est peu de temps après BAE Systems, pressé de revendre à EADS sa participation de 20% dans Airbus, qui confirme des rumeurs de désengagement. C'est enfin une série de mouvements boursiers intervenus à la mi- mars 2006, période au cours de laquelle plusieurs dirigeants du groupe ainsi que des personnes qui leur sont liées ont levé des stocks options et vendu des actions EADS, au premier rang desquels Noël Forgeard. Les enfants de ce dernier (Monsieur Forgeard affirmera plus tard que c'est lui qui a passé les ordres pour eux et qu'ils n'ont rien à voir dans l'affaire) ainsi que Jean-Paul Gut, directeur général délégué, François Auque, responsable de la division Espace du groupe, Jussi Itavuori, directeur des ressources humaines et Stefan Zoller, aux commandes de la division Défense et Sécurité, ont soit vendu des titres soit levé des options entre le 15 et le 20 mars. La coïncidence entre d'une part les dégagements massifs d'actionnaires historiques et les cessions des titres des dirigeants, et d'autre part la multiplication des déboires industriels d'Airbus (qui était jusqu'au début 2006 une success-story citée en exemple à travers le monde), a poussé beaucoup d'observateurs, au premier rang desquels les petits actionnaires, à s'interroger. Les cessions de titres de Noël Forgeard sont apparues au mieux extrêmement maladroites compte tenu des circonstances, au pire dictées par les informations dont disposait le dirigeant. Celui-ci s'est défendu de l'accusation de délit d'initié que certains brandissaient en affirmant en juin dernier que les informations évoquant un possible retard de l'A380 n'avaient commencé à affluer que mi-avril (soit un mois après ses cessions de titres), en ajoutant "En mai et même le 1er juin, les équipes concernées estimaient encore qu'il était possible de rattraper ce retard". Interrogé à l'époque sur Europe 1, le co-président d'alors avait affirmé "En mars, je ne connaissais pas les retards du programme A380 qui n'ont été révélés qu'en avril... Tous les documents sont disponibles, tout est transparent, il n'y a aucun risque de délit d'initié". Pressée d'agir, l'Autorité des Marchés Financiers a dû se fendre, le 16 juin d'un communiqué dans lequel elle affirmait enquêter sur le marché du titre EADS. Plus intéressant, le régulateur boursier a tenu à préciser que son enquête avait débuté "depuis plusieurs semaines", signe qu'il y avait bien de soupçons antérieurs aux événements de la mi-juin. Dans la foulée, l'AMF était à Toulouse chez Airbus, le 20 juin, pour enquêter, puis le 27 juin suivant au siège d'EADS à Paris. "EADS et Airbus coopèrent pleinement avec l'AMF", indiquait alors le géant aéronautique européen. Depuis pourtant, plus aucune nouvelle de cette enquête débutée il y a plus de 7 mois. La BaFin, homologue de l'AMF en Allemagne, a pour sa part ouvert en juin "une enquête formelle en raison de soupçon de délit d'initiés dans les transactions sur le titre EADS", et s'est également penchée sur la question de savoir si Airbus aurait pu communiquer plus tôt que le 13 juin sur les retards de l'A380. Mais là encore, plus aucun écho depuis le mois de juillet. Côté actionnaires, plusieurs recours ont été initiés. Dès juin, l'avocat Frédérik-Karel Canoy, président de "l'Association des Actionnaires Actifs" a annoncé vouloir lancer une action judiciaire contre EADS. Comme le principe d'action collective est absent du droit français, il s'agissait en fait de favoriser le dépôt d'un maximum de plaintes. Le cabinet d¿avocats allemand Rotter Rechtsanwälte, spécialisé en droit du marché financier, s'est pour sa part joint aux actions conduites contre EADS en France et en Hollande par l'Association des Actionnaires Actifs en démarrant une Musterverfahren (sorte de class action) en Allemagne. La plainte est fondée sur le fait que le Comité Exécutif d'EADS aurait été informé le 7 mars 2006, lors de l'audition du directeur technique d'Airbus, que les retards de livraison de l'A380 pourraient atteindre 2 ans. Une information qui a évidemment une grande importance si elle était avérée, puisqu'elle montrerait que la direction d'EADS était au courant dès le début mars des déboires de l'A380. Le 6 octobre dernier, un actionnaire individuel allemand a été le premier à porter plainte contre EADS, accusé d'avoir tardé à communiquer sur les importants retards pris par le programme du très gros porteur A380. L'actionnaire a porté plainte devant une cour régionale de Francfort, et réclame des dommage et intérêts, en compensation de la perte d'un tiers du cours de Bourse d'EADS depuis le printemps dernier. L'avocat du plaignant explique que son action est un 'ballon d'essai', et qu'il espère bien ouvrir la voie à d'autres plaintes d'actionnaires, tant individuels qu'institutionnels.



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