Chronique / Il n'y a pas de lien "magique" entre monnaie et inflation

05/01/2010 - 12:22 - Option Finance

(AOF / Funds) - Trop d'investisseurs croient encore qu'il y a un lien direct entre monnaie et inflation, et pensent donc que la très rapide création monétaire du monde, qu'on regarde la base monétaire, c'est-à-dire la monnaie de banque centrale ou la masse monétaire, va conduire rapidement à une forte inflation, ce qu'on ne voit pas. Ces investisseurs peuvent donc avoir des stratégies très erronées, croyant par exemple à une remontée rapide des taux d'intérêt. Il faut comprendre que l'inflation vient de l'équilibre des marchés de biens et services : pour qu'il y ait inflation, il faut qu'il y ait excès de demande de biens et services par rapport à l'offre. Même si le crédit progresse rapidement, il n'y a pas d'inflation si l'offre de biens et services peut réagir à la demande de biens et services. Il faut que l'offre de biens et services soit rigide pour que l'inflation apparaisse, même si le crédit croît vite. Dans les économies globalisées, l'offre de biens est devenue très flexible, puisqu'on peut importer facilement depuis les pays émergents. Ainsi, malgré la très forte progression du crédit avant la crise (12 % par an en moyenne dans les pays de l'OCDE) qui a stimulé la demande intérieure, il n'y a pas eu d'inflation (2 % par an en moyenne), puisque la hausse de la demande a été satisfaite par les importations et qu'il y a donc eu ouverture du déficit extérieur (Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne...) et non inflation. De plus, dans la période récente, la croissance ultra-rapide de la base monétaire (33 % sur un an pour l'ensemble des pays) et les politiques monétaires expansionnistes ne font plus progresser le crédit, puisqu'il y a désendettement du secteur privé. Les banques accumulent des réserves excédentaires (1 100 milliards de dollars aux Etats-Unis, 350 milliards d'euros dans la zone euro), mais, le crédit ne progressant pas, il ne peut pas y avoir excès de demande de biens. Ce qui précède montre que, pour qu'il y ait de l'inflation mondiale, il faudrait donc que la hausse de la demande mondiale de biens et services ne puisse pas être satisfaite par la production (par l'offre). Ce n'est pas le cas aujourd'hui avec le très fort degré de sous-utilisation des capacités du monde, dû à la fois aux causes cycliques et, de manière structurelle, à l'excès d'investissement du monde (dans les pays émergents) conduisant à la présence de capacités excédentaires. Le retour du monde au plein-emploi, qui exige la résorption du chômage déguisé dans les pays émergents (Chine) prendra beaucoup de temps. La problématique pour les investisseurs est donc de couvrir l'inflation future (dans cinq ans, dix ans) pas l'inflation à court terme. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis