Couvertures de change : l'attentisme domine

12/01/2010 - 10:47 - Option Finance

(AOF) - Le niveau actuel de l'eurodollar ainsi que le manque de visibilité sur la reprise n'incitent guère les entreprises à se couvrir. Sur le marché des taux, les professionnels s'attendent cette année à quelques tensions sur la liquidité.

Taux : un contexte haussier et un peu moins volatil en 2010 ?

L'année 2009 aura été marquée par un volume record d'émissions obligataires par les corporates européens, représentant le double du volume émis l'année précédente. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises françaises ayant emprunté sur le marché l'année dernière ont cherché à variabiliser leur dette afin de profiter de la baisse historique des taux d'intérêt résultant des politiques menées par la BCE. "Nous avons observé en 2009 un mouvement de variabilisation de la dette émise par les corporates comme de leurs dettes existantes, afin d'annuler le coût de portage subi, souligne Xavier Bourbonneux, responsable des activités de marchés taux, changes et commodities chez RBS. Certains clients ont également annulé des couvertures existantes à taux fixe pour repasser à taux variable, quitte à en supporter le coût en termes de mark-to-market." Toutefois, les taux d'intérêt sont désormais proches de leur point le plus bas : la stratégie visant à variabiliser sa dette présente désormais plus de risques que d'opportunités. Dans cette logique, certains corporates ont déjà commencé à fixer une partie de leur dette l'année dernière. La tendance pourrait être plus massive en 2010. "Certaines entreprises vont rééquilibrer cette année leurs couvertures en faveur de stratégies à taux fixes, dans un contexte légèrement baissier en ce qui concerne la volatilité et haussier sur les taux", explique Xavier Bourbonneux. En effet, les professionnels s'attendent à une hausse des taux longs au fur et à mesure du retrait des mesures d'assouplissement quantitatif, qui devrait faire apparaître quelques tensions sur la liquidité. Les stratégies resteront centrées sur des produits simples : des swaps de taux, des caps (options sur taux d'intérêt permettant à un emprunteur de fixer sa dette à un taux d'intérêt plafond) ou encore des tunnels de taux (combinaison de l'achat d'un cap et de la vente d'un floor). Mais la problématique du risque de taux ne concerne pas seulement les entreprises emprunteuses. Les corporates en situation de trésorerie excédentaire ont été contraints d'allonger la maturité de certains de leurs placements à six mois, voire un an, compte tenu des niveaux historiquement bas de l'Eonia. "Les entreprises ayant allongé la duration de leurs placements pourraient néanmoins voir leurs marges de manoeuvre réduites au moment où les taux seront de nouveau en hausse, explique Alain Girardeau-Montaut, responsable de la commission risques à l'AFTE. Il s'agit de faire un arbitrage entre ses attentes en matière de rendements dans l'immédiat et en 2011." La question est d'autant plus aiguë pour les entreprises en situation de surfinancement, qui disposent de liquidités non employées faute de reprise de leurs investissements.

Change : le cours actuel de l'eurodollar ne représente ni un risque ni une opportunité

L'attentisme domine chez les corporates en matière de stratégie de couverture contre le risque de change. Dans un marché relativement volatil et incertain, les horizons de couverture ont tendance à s'être raccourcis et la part non couverte de l'exposition des entreprises a tendance à augmenter. "Certaines grands corporates exportateurs ne sont pas encore à 100 % couverts pour l'année 2010, ce qui est relativement rare, constate Stéphanie Aufan, client relationship director chez UBS. Dans un contexte où la visibilité sur les ventes est réduite et où le niveau du dollar est souvent jugé comme encore trop bas, ils préfèrent disposer des chiffres les plus fiables possibles et attendre de meilleurs niveaux de cours. La plupart n'ont pas encore commencé à mettre en place leurs couvertures pour 2011." Il faut dire que les entreprises ne sont pas nécessairement incitées à agir dans l'immédiat. "Compte tenu du fait que les taux d'intérêt euro et dollar sont à un niveau bas et comparable, le cours spot de l'eurodollar est relativement proche du cours forward à trois ou six mois, explique Stéphanie Aufan. L'incitation à se couvrir pourrait être plus forte si le différentiel de taux se creusait." Le niveau même du cours actuel de l'eurodollar ne les encourage pas non plus à se couvrir. "Compte tenu de la fourchette observée depuis dix-huit mois, entre 1,23 et 1,60, les niveaux actuels de l'eurodollar autour de 1,43 ne constituent ni une opportunité clairement identifiée ni un risque majeur pour les entreprises exportatrices", souligne Xavier Bourbonneux. A l'inverse, lorsque l'eurodollar avait franchi le seuil de 1,50, en novembre, l'activité de couverture avait connu une hausse sensible. "Globalement, les stratégies de couverture ont été timides en 2009, marquées par un retour aux fondamentaux et parfois des restructurations de positions existantes en cas de surcouverture notamment, observe Xavier Bourbonneux. Cette année, certaines entreprises pourraient revenir progressivement à des produits un peu plus structurés et accepter de payer davantage de primes pour se protéger contre la volatilité tout en profitant des mouvements à la baisse de l'eurodollar." Cependant, le retour à des couvertures dynamiques (c'est-à-dire cherchant à profiter de la volatilité), comme par le passé, n'est pas du tout d'actualité. La majeure partie des entreprises utilisent des produits simples, offrant une couverture "parfaite", c'est-à-dire les assurant quelles que soient les conditions de marché, qui répondent aux exigences de la norme IAS 39 relative à la comptabilisation des produits dérivés. Les couvertures au sens de la norme sont comptabilisées en résultat d'exploitation seulement à l'échéance des produits. "En revanche, si les produits utilisés ne sont pas des couvertures au sens de la norme, leurs résultats doivent alors être comptabilisés en 'résultats financiers', y compris s'ils ne sont pas échus à la fin de l'exercice comptable (variations des valeurs mark to market), explique Alain Girardeau-Montaut. Comme ils perturbent le résultat, ces produits intéressent peu les directeurs financiers, sauf à décider de les placer en portefeuille spéculatif et à assumer les variations de résultat financier occasionnées". Cette contrainte comptable réduit donc les marges de manoeuvre des entreprises en matière de stratégie de couverture plus exotique. Angèle Pellicier