La diversification de portefeuille a-t-elle toujours du sens ?

26/01/2010 - 11:28 - Option Finance

(AOF / Funds) - Rendue populaire par l'expression selon laquelle "il ne faut pas placer tous ses oeufs dans le même panier", la diversification de portefeuille fait partie des principes de base érigés dans tout manuel d'introduction à la gestion de portefeuille. L'industrie professionnelle de la gestion d'actifs a largement intégré ce principe. La réglementation impose aux gérants de détenir un nombre minimum de titres en portefeuille avec des poids maxima pour les plus grosses lignes. Les sociétés de gestion proposent à leurs clients des portefeuilles dits "balancés" ou "diversifiés" qui exposent à différentes classes d'actifs, ou des portefeuilles de multigestion qui exposent à différents types de gérants ou de stratégies d'investissement. Alors qu'on le croyait ainsi inscrit à jamais dans le grand livre de la gestion d'actifs, le principe de diversification de portefeuille a été attaqué, certains investisseurs prônant un retour à des portefeuilles très concentrés, parfois composés d'un nombre minimum de titres, sous le postulat d'une maîtrise des risques favorisée par le suivi plus aisé de tels titres. Surprenant, étant donné que le principe de diversification, c'est-à-dire le fait que le risque diminue à mesure que l'on ajoute des composantes dans un portefeuille, est mathématiquement irréfutable. Cherchons alors à comprendre comment une telle situation a pu tout de même se produire. Cette perte de raison passagère de certains investisseurs est probablement liée à la déception suscitée par l'effondrement simultané en 2008 de la quasi-intégralité des classes d'actifs, à l'exception des quelques havres de paix traditionnels comme les obligations gouvernementales ou l'or. Mais ce n'est pas la diversification qui n'a pas fonctionné. C'est plutôt que les risques en portefeuille étaient insuffisamment compris. Pour les investisseurs dont les portefeuilles étaient exclusivement composés d'actifs traditionnels, le problème est venu de la prédominance du risque actions. Un portefeuille composé de 50 % d'obligations d'Etat et de 50 % d'actions n'est pas autant diversifié que ne le montrent les poids attribués à chaque classe d'actifs. L'analyse révèle qu'en définitive, la partie actions représente 90 % du risque. Dit autrement, tout événement négatif sur les actions ne sera que faiblement compensé par la partie obligataire et c'est exactement ce qui s'est produit à nouveau lors de la crise récente. Nombre d'investisseurs s'étaient aventurés dans les classes d'actifs alternatives dans le but avoué de diversifier le portefeuille et d'obtenir des rendements plus réguliers. La déception a été parfois à la hauteur de l'espoir qui avait été placé dans ces nouvelles composantes des portefeuilles. Bien qu'ils aient refait l'essentiel du chemin en sens inverse, les hedge funds ont vu leur réputation ternie en ne protégeant pas les investisseurs dans la baisse. Mais la littérature académique a depuis longtemps identifié que les hedge funds restent exposés à des facteurs de risque systématiques, notamment lors des chocs extrêmes de marché. Il n'est pas non plus surprenant que les fonds de private equity aient vu leur valorisation reculer, les entreprises dans lesquelles ils investissent n'ayant pas de raisons particulières d'échapper à la profonde crise traversée par l'économie mondiale. Là aussi, comme pour les hedge funds, la crise de liquidité était de plus telle que ces acteurs usant de l'effet de levier ne pouvaient que souffrir. Le cas des matières premières est différent et caractéristique de la distinction entre corrélation ex-ante, qui est la corrélation naturelle d'une classe d'actifs, et corrélation ex-post, après l'influence des effets de portefeuille. Intrinsèquement, une classe d'actifs peut être décorrélée mais lorsque les investisseurs vont l'introduire massivement dans leurs portefeuilles, la corrélation va augmenter car ils auront tendance, en raison des chocs de liquidité, à augmenter et à diminuer leurs investissements au même moment sur l'ensemble de leurs portefeuilles. Au final, il convient de réaffirmer la nécessité de diversifier les portefeuilles. Mais plus que cela, il apparaît que l'essentiel est de comprendre fondamentalement les risques de celui-ci. Tout d'abord, leur nature, et notamment tenter de détecter les parties du portefeuille les plus susceptibles de réagir à des chocs extrêmes, mais leur répartition également, en décomposant ce risque pour ne se laisser tromper par l'illusion d'une diversification en poids. Par Jérôme Teïletche, professeur associé à l'université Paris-Dauphine