Interview / Jean-François Boulier (Aviva Investors France)

15/02/2010 - 11:02 - Option Finance

(AOF / Funds) - Dans les trois ans à venir, Aviva Investors France entend multiplier par trois ses encours sous gestion pour compte de tiers, un segment sur lequel il a collecté 2,1 milliards d'euros l'an passé. Pour atteindre cet objectif, Jean-François Boulier, président du directoire d'Aviva Investors France, met l'innovation au coeur de sa stratégie.

Quel est le positionnement d'Aviva Investors sur le marché français de la gestion institutionnelle ?

L'histoire de l'entreprise au service du groupe d'assurances fait aujourd'hui d'Aviva Investors un acteur unique qui ambitionne d'apporter sa culture d'investisseur de long terme à la clientèle institutionnelle. Aviva Investors, la branche de la gestion d'actifs d'Aviva créée en septembre 2008, gérait, à fin juin 2009, 262 milliards d'euros d'actifs. En France, Aviva Investors gérait à la même date 75 milliards d'euros d'actifs, répartis dans une cinquantaine de mandats de gestion et une cinquantaine de fonds, avec une trentaine de portefeuilles différents en ce qui concerne les unités de compte. Nous avons fait le choix d'une offre de fonds relativement restreinte pour que notre gamme soit claire et bien comprise, avec une différenciation de plus en plus nette entre les fonds pour les particuliers et ceux à destination des investisseurs institutionnels. Par exemple, nous avons lancé en octobre dernier un fonds sur la dette subordonnée bancaire et d'assurances exclusivement pour les institutionnels, car il était peu adapté à la commercialisation dans les réseaux. Notre gamme de fonds compacte nous permet également de proposer des fonds de taille importante, ce qui confère un intérêt pour les investisseurs institutionnels, car ils peuvent investir sur nos fonds sans se soucier des contraintes de ratio d'emprise. Nous proposons par exemple un fonds d'obligations à taux variable avec un actif d'environ 300 millions d'euros et un fonds monétaire aux alentours de 11 milliards d'euros d'actifs. Mais notre premier point fort se situe ailleurs : la stabilité de nos équipes permet d'avoir une gestion patrimoniale à long terme, entre dix et vingt ans. Par exemple, nos gérants ont en moyenne plus de dix ans de présence chez Aviva Investors et plus de vingt ans de métier. Les trois quarts de nos fonds ont été créés il y a plus de dix ans. Un de nos fonds d'obligations internationales, Aviva Oblig International, a par exemple été créé en 1980. L'expérience de nos équipes de gestion se traduit par un deuxième point fort : nos performances. Sur un an, 80 % de nos fonds sont au-dessus de la médiane des fonds de leur catégorie, 97 % sur trois ans et 92 % sur huit ans. Nous attachons par ailleurs une importance particulière à l'efficacité opérationnelle, qui constitue un troisième point fort. Les 80 milliards d'euros d'encours que nous avons sous gestion à ce jour sont ainsi gérés par 80 personnes, ce qui concentre l'attention des gérants et des fonctions support, et les responsabilisent.

Quel bilan tirez-vous de l'année 2009 ?

L'an passé a été une très bonne année en termes de collecte et de performance. Avec 2,1 milliards d'euros de collecte nette pour compte de tiers dans les fonds, essentiellement sur du monétaire, nous avons réalisé 10 % de la collecte nette du marché français des OPCVM, selon Europerformance. Nos encours pour compte de tiers s'élèvent désormais à environ 4,5 milliards d'euros. Cela nous conforte dans l'idée que le marché institutionnel en France offre un réel potentiel et qu'il est ouvert à nos expertises. Notre politique de gestion a par ailleurs porté ses fruits l'année dernière, notamment parce que, étant plus optimistes que le marché, nous sommes revenus plus vite sur les actions, certes un peu trop tôt en novembre 2008, puis nous avons renforcé ce pari fin mars 2009 ainsi qu'en juillet. Pour la partie obligataire, notre surpondération sur le crédit a particulièrement profité à nos fonds diversifiés, notamment aux fonds profilés. Enfin, nos fonds obligataires ont eu des performances exceptionnelles grâce au crédit qui est une expertise forte de l'équipe parisienne, puisque nous gérons au total 30 milliards d'euros d'obligations corporate.

Quels sont vos axes de développement ?

Nous avons l'ambition de multiplier par trois notre activité de gestion pour compte de tiers, auprès des investisseurs institutionnels, notamment de la retraite, des très grands corporates ayant en particulier à gérer des réserves à long terme, ainsi que des fonds de pension dans différents pays. Pour cela, nous continuerons à innover et à proposer de nouvelles expertises. Nous avons par exemple lancé en mai dernier le produit Aviva Rebond. Avec ce fonds, nous avons voulu profiter d'opportunités de marché, à la fois sur les obligations corporate et sur les actions, avant d'arrêter sa commercialisation lorsqu'elles auraient disparu, pour ensuite le transformer en support monétaire. L'idée est de faire en sorte que, tous les ans, nous puissions générer des idées d'investissement originales et les présenter à nos meilleurs clients. Pour autant, nous voulons nous limiter à une gamme de fonds restreinte afin de conserver notre capacité en gestion et notre efficacité opérationnelle. En la matière, la discipline idéale serait que, pour deux nouveaux fonds, nous en supprimions un ancien. Outre l'innovation produits, beaucoup d'investisseurs institutionnels sont à la recherche de solutions, que ce soit sur les produits, les services ou la communication. Nous avons par exemple déjà été consultés par plusieurs caisses de retraite sur les sujets de la remontée éventuelle des taux d'intérêt. Pour répondre à leurs sollicitations, nous nous appuyons sur nos forces soit locales, à Paris, soit internationales. Le groupe comporte notamment une plate-forme internationale, Global Investment Solutions, principalement basée à Londres, qui a pour vocation d'apporter un support aux équipes locales pour pouvoir développer des solutions, notamment en matière de développements produits structurés, de LDI (liability driven investment) ou de fonds de private equity. Enfin, pendant la crise, les clients étaient désorientés et avaient besoin d'être régulièrement en contact avec nous. Il faut maintenir ce lien. Pour nous rendre plus accessibles auprès des clients institutionnels, nous voulons mieux utiliser les canaux de communication existants comme Internet. Nous avons par ailleurs tout un travail à réaliser pour mieux nous faire connaître, car les investisseurs institutionnels français nous perçoivent bien comme étant un gérant obligataire à Paris, mais pas comme un gérant d'actions ni de fonds diversifiés. Nous avons en outre commencé à promouvoir à Paris les autres expertises du groupe, en immobilier, en obligations convertibles, en haut rendement et en allocation tactique.

Dans la crise, les attentes des investisseurs institutionnels ont-elles évolué ?

Leurs besoins se sont radicalisés. Les institutionnels reviennent vers des fonds qui correspondent réellement à leurs besoins et ils délaissent les thématiques à la mode. Nous observons également que certaines institutions aimeraient être davantage informées sur la façon dont fonctionnent les instruments financiers, sur leur composition... Nous allons donc mettre en place des sessions de formation en France, à l'instar des Tutors d'Aviva Investors en Grande-Bretagne. Le thème des risques a été amplement mis en avant par la crise et nombre d'acteurs expriment le besoin de retrouver des repères solides en la matière. Actuellement, il existe un risque de remontée des taux, voire d'inflation, et il faut que les investisseurs mesurent ces menaces, analysent en quoi ces risques les concernent pour mieux s'en prémunir. Plus fondamentalement, nombre d'institutionnels ont des besoins de services d'allocations. Nous allons proposer des formations sur le sujet ainsi que nos services en matières d'allocations stratégiques et de gestion tactique. Par exemple, nous avons eu l'occasion de proposer aux institutionnels d'investir dans un fonds dédié, lui-même constitué d'éléments de leur portefeuille et de contrats future et de dérivés en "overlay". Le but est de faire bénéficier l'investisseur des mouvements de marchés grâce à la flexibilité des instruments dérivés et en minimisant le coût d'ajustement des expositions du portefeuille existant. Nos clients nous ont parfois reproché de ne pas bouger suffisamment les allocations mais, lorsqu'on nous confie la gestion d'un fonds diversifié, par exemple, on ne peut pas prendre la responsabilité de modifier radicalement la politique de gestion du fonds sans son accord. Nous avons en revanche travaillé sur des fonds flexibles, notamment avec le groupe Aviva. Notre approche de ces fonds n'est pas de faire croire à une prétendue capacité de prévoir le marché, car le risque de timing est plus difficilement contrôlable par les équipes de gestion, mais de mieux comprendre les besoins des clients et mieux s'y adapter.

Concrètement, comment vous organisez-vous pour répondre à ces besoins ?

Aviva Investors a basé à Paris la responsable des ventes investisseurs institutionnels Europe, ce qui montre que, pour nous, il existe un vrai potentiel de développement en France. Nous avons décidé d'avoir une équipe de vente dédiée aux investisseurs institutionnels, aux côtés de deux autres réservées, l'une aux institutions financières, et l'autre à la gestion des encours des compagnies d'assurances d'Aviva. Nous allons faire un effort particulier pour renforcer nos équipes de vente, aujourd'hui composées de neuf personnes. Nous avons déjà recruté en janvier dernier deux personnes supplémentaires au sein de l'équipe dédiée aux institutionnels. Nous continuons par ailleurs à renforcer nos équipes de gestion. Après avoir recruté, l'année dernière, un spécialiste produits pour les actions, nous allons faire de même sur les taux. Cela permet de démultiplier le message de la gestion, ce qui facilite l'ensemble des contacts commerciaux avec les autres entités. Nous allons également continuer à renforcer le département des risques et les fonctions support, en particulier la partie reporting, notamment pour les reportings dédiés, que nous effectuons pour une cinquantaine de mandats de gestion.

Quels sont les sujets sur lesquels, en tant que gérant d'actifs, vous vous mobilisez actuellement ?

La question de la liquidité du marché secondaire obligataire, un sujet sur lequel travaille beaucoup l'Association Française de la Gestion (AFG) et l'Association Française des Investisseurs Institutionnels (AFII), continue de nous préoccuper. Celle-ci s'est bien améliorée l'an passé en ce qui concerne les obligations corporate, grâce à des émissions primaires très importantes qui continuent d'ailleurs depuis le début d'année. Néanmoins, les banques d'investissement n'ont pas encore pris d'engagements pour assurer la liquidité de ce marché. Si le marché de gré à gré n'est pas assez organisé pour être liquide, nous trouverons par d'autres canaux la liquidité dont nos clients et nous-mêmes avons besoin. Nous ne demandons pas la liquidité tout le temps à n'importe quel prix, mais une liquidité minimum, comme les banques d'investissement savent le faire pour certains titres, notamment ceux du Trésor public français. Cela nous permettrait de nous organiser pour ne pas être en demande le jour où la liquidité est à son minimum. L'initiative récente de Paris Europlace pour créer une plate-forme de négociation va évidemment dans le bon sens. Nous espérons par ailleurs que la directive Ucits IV incitera les plates-formes et les banques privées à nous aider à commercialiser plus de fonds de droit français, plutôt que ceux domiciliés au Luxembourg ou à Dublin, car ces derniers s'avèrent beaucoup plus coûteux pour le client final. Propos recueillis par Valéri