La gestion alternative se transforme pour rassurer les investisseurs

13/04/2010 - 10:26 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Pour accélerer le retour des institutionnels, les gérants proposent maintenant des fonds alternatifs qui répondent au format UCITS et des plateformes de comptes gérés. Ces nouvelles méthodes ne sont toutefois pas sans risque et ont un impact sur la performance.

Après trois années difficiles, la gestion alternative commence doucement à relever la tête. "L'industrie redémarre : les rachats qui avaient été importants jusqu'au deuxième trimestre 2009 ont diminué au troisième et l'industrie a commencé à recollecter à partir de la fin de l'année dernière, se félicite Fabrice Cuchet, responsable de la gestion alternative chez Dexia Asset Management. Pour autant, on ne retrouvera certainement pas les niveaux atteints il y a quelques années en période d'euphorie." Fin décembre 2009, les encours sous gestion en France dans cette classe d'actifs dépassaient en effet péniblement la barre des 9 milliards d'euros alors qu'ils étaient plutôt aux alentours de 28 milliards d'euros avant la crise. Il faudra ainsi attendre encore plusieurs années pour retrouver les niveaux d'encours atteints avant la crise financière, et cela d'autant plus que les investisseurs institutionnels demeurent encore frileux. "On constate depuis trois ou quatre mois un regain d'intérêt des investisseurs institutionnels, indique François Rimeu responsable du pole multi stratégies au sein de la gestion alternative de UFG-LFP. Il ne s'est cependant pas encore véritablement traduit par de nouvelles souscriptions." Pour accélérer le retour des institutionnels, la gestion alternative s'est réformée en profondeur. La première leçon de la crise porte sur l'adéquation entre l'actif et le passif. "A la lumière de la crise, les investisseurs ont pris conscience que la gestion alternative ne peut être utilisée comme un outil de transformation de la liquidité, indique Dominique Leprévots, président du directoire d'UBI, filiale française de l'Union Bancaire Privée (UBP). Il est indispensable de prendre en compte l'adéquation entre l'actif et le passif, c'est-à-dire entre la fréquence de la valorisation des fonds et la composition des sous-jacents." L'utilisation des effets de levier a également été réduite. Tous ces changements ont été opérés à travers une transformation de l'enveloppe juridique des fonds. En effet, nombreux sont les gérants alternatifs qui ont transformé leurs fonds de gestion alternative en fonds répondant aux obligations de la directive UCITS ou qui, à l'occasion d'un lancement de fonds ces derniers mois ont opté pour le régime UCITS. Les fonds alternatifs UCITS se caractérisent en effet par une liquidité qui peut être au maximum mensuel, des effets de levier et une concentration limités, correspondant ainsi aux souhaits actuels des institutionnels. "On estime entre 300 et 500 le nombre de fonds UCITS alternatifs aujourd'hui pour un volume d'encours sous gestion compris entre 30 et 50 milliards", précise Fabrice Cuchet. D'ici la fin de l'année, certains prédisent que l'on dépassera la barre des 1 000 fonds dans cette catégorie. Ce succès s'est traduit par une nouvelle appellation : les fonds "newucits". Depuis Londres où l'essentiel de la gestion européenne alternative est installé, les lancements de fonds newucits se multiplient. "Tout cela n'est pas nouveau, prévient Fabrice Cuchet, nous avons lancé notre premier fonds alternatif sous format UCITS en 1996. Les Anglais, qui font beaucoup de marketing, présentent ces fonds comme une véritable révolution, mais cela n'en est pas une. Les newucits ne sont pas non plus la solution miracle pour investir dans une gestion alternative sans risque." Par conséquent, pour que ces fonds soient conformes à la réglementation UCITS, des aménagements dans la gestion ont dû être consentis. "Les fonds alternatifs sont souvent assez concentrés, ce qui n'est plus possible avec un fonds UCITS, explique Nicolas Gauthey, stratégiste hedge funds chez AXA Investment Managers. La plus grosse position dans le portefeuille doit être limitée à 10 %. On ne peut également investir dans des matières premières physiques." La réglementation UCITS induit donc des contraintes dont l'objectif affiché est un meilleur contrôle des risques. "Les fonds UCITS sont encadrés par deux contraintes, explique Dominique Leprévots. Ils doivent opter soit pour un effet de levier au maximum de 1 c'est-à-dire qu'ils peuvent être investis jusqu'à 200 % de leur actif, soit opter pour une limite en termes de Var (value at risk). Cette limite est différente selon la domiciliation des fonds. Ainsi, pour un fonds luxembourgeois, la Var correspond à 99 % à 1 mois à 20 % et pour un fonds français à 95 % à 5 % à une semaine : en d'autres termes, cela signifie que pour un fonds luxembourgeois la probabilité de perte supérieure à 20 % sur un mois est de 1 %. Mais, on ne sait pas quelle peut être l'étendue de la perte dans ce 1 %, la Var ne donne donc aucune information en cas de crise." Pour un investisseur, le statut UCITS conféré aux fonds alternatifs peut ainsi constituer un leurre à la fois financier et juridique et donner l'illusion que les risques portés par ces fonds sont minimes. Ce nouveau statut demande donc une très grande vigilance de la part des souscripteurs et nécessite de regarder précisément le contenu des fonds et les techniques de gestion utilisées. Certains fonds se prêtent aisément à une liquidité bimensuelle ou mensuelle et sont assez proches des fonds traditionnels en termes de risques, ils ne présentent donc pas de risque particulier, ce qui n'est pas le cas de tous les fonds ou de toutes les stratégies. "Les stratégies long/short classiques avec un levier raisonnable et pas de concentration excessive sont les plus faciles à mettre en oeuvre dans un cadre UCITS, indique Nicolas Gauthey. Les stratégies event driven (liées à un événement) sont en revanche beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre dans ce cadre car elles ne sont pas liquides." D'autres stratégies comme les 'global macros' peuvent également faire l'objet d'un fonds UCITS ou encore les CTA qui utilisent des futures qui sont des instruments très liquides. "Même si certaines stratégies des fonds global macros peuvent être difficiles à répliquer, ces fonds se prêtent globalement bien au format réglementaire UCITS", indique François Rimeu. A contrario, les stratégies qui nécessitent beaucoup de levier ou encore l'utilisation massive de produits synthétiques peuvent difficilement être transposées dans un cadre UCITS. "Nous possédons deux fonds alternatifs, le premier correspond à une stratégie long/short dans laquelle nous achetons des actions et revendons le secteur, et que nous avons insérée dans un cadre UCITS, explique Emmanuel Martin, directeur général d'Acropole Asset Management. Nous possédons un autre fonds d'arbitrage de convertibles avec un effet de levier limité de l'ordre de 1,5. Néanmoins, nous considérons que cette activité-là ne correspond pas à un fonds UCITS. Elle nécessiterait, pour obtenir des rendements proches d'un cadre non UCITS, de remplacer par exemple des stratégies pures par des stratégies directionnelles, augmentant ainsi la prise de risque." Le format UCITS a en outre un coût. "On estime que la performance moyenne d'un fonds dans un cadre UCITS est inférieure aux hedge funds d'environ 2 à 3 %", indique Fabrice Cuchet. En effet, même pour des stratégies réplicables, il faut adapter les fonds au cadre UCITS, notamment en termes d'effet de levier. Quand une société de gestion transforme un fonds alternatif en fonds UCITS ou crée un fonds UCITS nourricier à partir d'un fonds maître alternatif, il ne s'agit pas d'un simple clonage. Qui plus est, les commissions sont également plus élevées sur les fonds UCITS, du fait de leurs caractéristiques (contrôle des risques, etc.) par rapport aux fonds off shore qui ont vu leurs frais de gestion décliner du fait de la crise et des nombreux rachats effectués par les investisseurs. "Les fonds UCITS affichent des commissions supérieures aux fonds off shore d'en moyenne 50 points de base, indique Nicolas Gauthey. Les commissions correspondent en général à 2,5 % auxquelles il faut ajouter 20 % de commissions de surperformance." L'autre grande tendance de la gestion alternative consiste pour les grandes maisons de gestion qui pratiquent la multigestion d'offrir ce que l'on appelle des plateformes de comptes gérés. Man Group par exemple a converti la moitié de sa gestion à cette méthode, en France Lyxor Asset Management propose également ce type de service. La plateforme réplique des portefeuilles de hedge funds, ce qui lui permet de mieux en contrôler les mouvements, de définir des critères de risque et d'assurer la liquidité des fonds de façon en général hebdomadaire. Là encore, ce type de structure a un coût pour l'investisseur en termes aussi bien de commissions prélevées et de performance (les stratégies utilisées devant répondre aux exigences de liquidité de la plateforme), que de contrôle des risques. "La plateforme veille au respect des contraintes qu'elle impose aux gérants et surveille les risques financiers, donnant ainsi une meilleure garantie de liquidité ; il en résulte un transfert d'une partie du risque de contrepartie sur elle, indique Dominique Leprévots. Par conséquent, nous avons recours à plusieurs plateformes afin de diversifier ce risque." Malgré tous les efforts des sociétés de gestion afin de domestiquer la gestion alternative, il n'existe pas de solution miracle qui permette définitivement de réduire les risques. Sandra Sebag