Crise grecque : impact sur les fonds oblig souverains de la zone euro

19/04/2010 - 10:59 - Option Finance

(AOF / Funds) - Depuis le début de l'année, les rebondissements de la crise grecque inquiètent les investisseurs institutionnels car les obligations souveraines de la zone euro constituent leur coeur de portefeuille. De ce fait, au-delà de cette classe d'actifs, cette crise pèse sur l'ensemble de leur allocation d'actifs. "La crise grecque a conduit les investisseurs à être plus prudents, indique Philippe Leroy, responsable du bureau parisien de Raiffeisen Capital Management. Ils demeurent paradoxalement très investis sur les obligations d'Etat et ne regardent pas du côté des actifs risqués alors que l'analyse fondamentale aurait dû les conduire à revenir vers les marchés actions." Cette surexposition aux obligations souveraines de la zone euro donne une grande acuité à l'analyse macro-économique sur laquelle il n'existe pas de consensus parmi les spécialistes. Pour certains, comme Raiffeisen Capital Management, la crise n'est pas finie et de nombreux soubresauts pourraient encore agiter les marchés à propos de la Grèce. Pour d'autres, ces titres sont et demeurent attractifs. "Les taux courts sont actuellement à 0,3 % quand les taux moyens des Etats en zone euro sont à 2,3 % sur le segment trois à cinq ans, indique Patrick Barbe, responsable gestion obligataire chez BNP Paribas Asset Management (BNP PAM). Les taux devraient rester bas et l'inflation faible dans les prochaines années étant donné les perspectives économiques moroses. Cet environnement est favorable aux obligations souveraines." Malgré tout, quel que soit le diagnostic, dans une optique tactique, les gérants considèrent qu'il faut investir sur les obligations souveraines grecques. "Nous sommes exposés à la dette grecque depuis le début de l'année car nous considérons que le risque est bien rémunéré", indique Philippe Leroy. Une stratégie largement partagée par les gérants. "Nous avons surpondéré la Grèce depuis un an et demi dans le cadre de notre fonds d'obligations souveraines zone euro référencé à l'indice JP EMU", indique Ophélie Mortier, membre de l'équipe taux de Pertercam à Bruxelles et du comité de réflexion ISR. La société de gestion belge n'a pas investi en revanche dans cette signature dans le cadre de son fonds ISR - classé dans le top 10 par Morningstar - car la Grèce n'est pas éligible selon ces critères. BNP PAM est exposé à la Grèce pour d'autres raisons. "Le second plan proposé par le gouvernement grec consistant à diminuer les dépenses est plus crédible que le premier, indique Patrick Barbe, cela a permis à la Grèce de bénéficier du soutien de l'Union européenne. Elle offre à ce titre des rendements attractifs." L'absence de consensus ne concerne pas que la Grèce, mais aussi l'Europe du Sud ou encore l'Irlande. "Les pays d'Europe du Sud font face à des situations différentes, même si pour certains leur endettement va croissant, indique Philippe Leroy. La dette publique espagnole, par exemple, est principalement détenue par les résidents ce qui limite les effets de contagion. Par ailleurs, nous considérons que l'Italie possède des finances publiques plus solides et pas de déséquilibres structurels au niveau des pensions. Nous avons par conséquent surpondéré notre exposition sur l'Italie contre l'Allemagne." A l'inverse, BNP PAM a choisi de sous-pondérer l'Europe du Sud. "Nous sommes prudents en ce qui concerne l'Espagne et a fortiori le Portugal dont l'économie est tournée vers l'Espagne ainsi que l'Irlande, indique Patrick Barbe. L'Espagne est un des pays les plus touchés par la crise immobilière, les entreprises et les ménages y sont très fortement endettés. En ce qui concerne l'Irlande, nous préférons les titres émis par les banques plutôt que les emprunts d'Etat car l'Etat irlandais a repris à sa charge les créances détenues par les banques." Outre le choix de l'allocation par pays, les fonds obligataires les mieux classés par Morningstar utilisent comme moteur de performance la duration et la position sur la courbe qui dépendent des évaluations des gérants quant à l'évolution des taux d'intérêt directeurs, de la forme de la courbe des taux d'intérêt et de l'inflation. Dans ce cadre, un consensus émerge concernant le statut quo de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) dans les prochains mois et sur l'absence d'inflation. "Les taux des Banques centrales ne seront pas augmentés tant que la croissance du crédit au secteur privé restera faible, indique Ophélie Mortier. Si certains indicateurs comme les prêts hypothécaires montrent que la croissance des prêts aux ménages pourraient redémarrer très prochainement, la demande de crédit des entreprises demeure encore atone." Concernant la forme de la courbe, beaucoup n'anticipent pas une repentification nette dans les prochains mois. "Les taux 10 ans ont commencé à remonter aux Etats-Unis. L'Europe devrait suivre le mouvement, probablement dans une moindre mesure", anticipe Ophélie Mortier. Cette analyse ne conduit pas, cependant, les gérants à faire les mêmes paris. "Nous privilégions une stratégie dite de Barbell qui consiste à investir dans les deux extrémités de la courbe", indique Ophélie Mortier. Une stratégie que ne suit pas Raiffeisen Capital Management. "Nous sommes plutôt pessimistes quant aux évolutions macroéconomiques, précise Philippe Leroy. La croissance devrait rester faible dans la zone euro dans les prochaines années et les déficits importants. En conséquence, nous privilégions le court terme et le segment trois à cinq ans et ne prenons pas de positions sur la partie longue de la courbe." Enfin, pour BNP PAM, il faut diversifier les maturités au même titre que les signatures. "Le fait de diversifier les maturités permet à la fois de se prémunir contre une hausse des taux d'intérêt, même si nous n'anticipons pas de hausse dans les prochains mois et de tirer profit de toutes les opportunités de marché y compris sur les mouvements liés au risque de crédit", explique Patrick Barbe. Enfin, pour réaliser de bons scores, les gérants ont souvent utilisé des moteurs de performance additionnels comme les devises par exemple. Le premier fonds sur un an est ainsi un fonds de Pictet libellé en franc suisse. Parmi le top 10 figure également un fonds investi selon un filtre ISR. Ce dernier ayant permis de générer une performance supplémentaire par rapport aux fonds référencés à un indice. Il s'agit d'un fonds de Petercam qui propose également un autre fonds traditionnel dans la même catégorie, qui ne figure pas dans le classement, et dont les performances sont légèrement inférieures. "Notre objectif est que le fonds ISR fasse aussi bien que le fonds non ISR, indique Ophélie Mortier. Cependant, lors de la récente crise, nous avons pu constater que notre démarche ISR permettait un supplément de performance car elle élimine les titres sur lesquels pèsent les risques les plus importants." BNP PAM utilise une tout autre démarche pour générer de la performance. Celle-ci repose notamment sur les inefficiences de marché. "Les obligations souveraines en euros sont devenues très volatiles, indique Patrick Barbe. Cela est dû notamment au fait que les banques d'investissement ne cotent plus en continu que pour de faibles montants ces titres, qui deviennent de ce fait moins liquides. Cette situation génère des inefficiences et crée pour nous beaucoup d'opportunités de performances. Nous gérons de ce fait de façon très active ces portefeuilles." Ainsi, avec la crise, la gestion obligataire souveraine ne peut plus se contenter d'être une gestion passive. [8]Sandra Sebag