Sociétés de gestion : reprise progressive des recrutements

27/04/2010 - 10:14 - Option Finance

(AOF / Funds) - La crise financière a eu un impact considérable sur la politique de ressources humaines des sociétés de gestion. En effet, toutes les embauches ont été gelées en 2009. "Nous avons assisté l'an dernier à un arrêt brutal des recrutements", témoigne Anne De la Rochebrochard, directeur associée au sein de la division Banque du cabinet Robert Walters. Les sociétés de gestion ont même dû pour certaines procéder à des licenciements. "Le contexte a été très difficile en 2009, qui constitue véritablement une année noire pour les ressources humaines, confirme Julia Lemarchand, analyste marchés d'eFinancialCareers.fr. Les sociétés de gestion ont diminué leurs coûts et on a assisté par ailleurs à une vague de consolidation. Ces deux facteurs ont entraîné une baisse des effectifs." La chasse aux coûts a en effet été ouverte dès 2008. "Toutes les fonctions de nature logistique au sens large sont en cours de rationalisation, indique Pierre Baillavoine, associé au cabinet Périclès Consulting. Cette optimisation est mise en oeuvre par toutes les sociétés de gestion, même hors contexte de fusion." Malgré tout, l'appartenance de nombreuses grandes sociétés de gestion à des grands groupes bancaires ou d'assurance a permis de sauvegarder une partie des emplois menacés. "Les sociétés de gestion accolées à une grande banque ont utilisé la mobilité interne afin de limiter les licenciements, relate Lise Azria, chargée du recrutement chez Mac Allister. Des évolutions ou une mobilité vers une autre filiale y compris à l'international ont été proposées aux salariés." Cette situation de crise a touché plus particulièrement les fonctions dite de "front", c'est-à-dire la gestion d'actifs et donc le coeur de métier des sociétés de gestion, car parallèlement à cette stratégie de contrôle des coûts, de nombreuses sociétés de gestion ont dû mettre l'accent sur des fonctions supports et plus particulièrement sur le contrôle des risques. Cette démarche s'inscrit dans l'apparition de nouveaux risques liés à la crise. "La sensibilité renforcée au contrôle des risques a conduit les sociétés de gestion à développer leur gestion du risque de contrepartie via la collatéralisation, par exemple", indique Pierre Baillavoine. La réglementation a joué également un rôle dans cette évolution, le législateur européen, mais aussi les autorités de régulation mettent de plus en plus l'accent sur le contrôle des risques. "Les fonctions de compliance, de responsable de la conformité et du contrôle interne ou plus généralement de contrôle des risques ont dû être renforcées dans ce contexte de crise, mais aussi pour faire face à des changements à moyen terme comme les directives européennes à venir", relate Julia Lemarchand. Outre le suivi des risques opérationnels et de marché et la conformité, le contexte de crise a également amené les sociétés de gestion à mettre en place des politiques afin de mieux connaître leur activité ou encore d'identifier les coûts et de calculer plus précisément leur rentabilité. "Le contrôle de gestion a pris une importance accrue avec la crise, indique Pierre Baillavoine. Les sociétés cherchent à mieux cadrer leur activité en établissant une comptabilité analytique, des tableaux de bord et des calculs de rentabilité clients et rentabilité produit afin d'ajuster leur politique de tarification et de s'assurer de leur commissionnement. Cela s'est traduit par un renforcement des fonctions de contrôleur de gestion et plus généralement des directions administratives et financières." Malgré tout, ces postes correspondent à des effectifs réduits et globalement le marché de l'emploi dans ce secteur s'est nettement dégradé. La situation serait en train de changer depuis le début de l'année, le marché de l'emploi commençant à s'animer. Cette embellie concerne plus particulièrement les sociétés de gestion de taille moyenne qui ont su rebondir plus rapidement que les grands groupes engagés pour certains dans des mégafusions ou les petites qui ont subi de plein fouet la crise. "Les sociétés de gestion de taille moyenne ont lancé le mouvement en redémarrant leur politique de recrutement, indique Julia Lemarchand. On trouvera parmi celles-ci des sociétés comme Groupama Asset Management, La Banque Postale Asset Management, OFI Asset Management ou encore Oddo Asset Management." Toutes les fonctions ne sont toutefois pas logées à la même enseigne. "Les recrutements reprennent progressivement dans les fonctions de 'front', indique Lise Azria. Les sociétés de gestion recrutent des analystes et sont à la recherche de profils de spécialistes comme les analystes crédit, les analystes quantitatifs et les analystes spécialisés dans les sociétés liées au développement durable." Plus à la marge, des recrutements de gérants ont été réalisés. "Depuis quelques mois, la reprise des marchés actions a poussé les sociétés de gestion à recruter des gérants pour leur département actions, relate Anne De la Rochebrochard. Il ne s'agit pas de recrutements massifs, mais ponctuels. Ils témoignent néanmoins d'une reprise de l'activité après un arrêt total des recrutements en 2009. Les sociétés de gestion recherchent dans ce cadre des gérants expérimentés qui peuvent se prévaloir d'un historique de performance et très peu, voire pas du tout, de juniors." Les embauches auraient repris également dans le commercial et le marketing. Les sociétés de gestion recherchent dans ce cadre, notamment, des spécialistes produits qui font l'interface entre le gérant et les clients (institutionnels, distributeurs, etc.). Il faut en effet après la crise récupérer des clients et restaurer les encours. "Le marketing et la communication constituent des moyens pour recréer du business, indique Lise Azria. Il y a donc beaucoup de demande des sociétés de gestion dans ces domaines." L'international est également privilégié. "Les structures qui se développent à l'international recherchent des chargés d'affaires afin de reprendre un développement commercial au niveau européen, relate Lise Azria. Les profils recherchés sont là encore des seniors parlant plusieurs langues, ayant une bonne connaissance des produits internationaux et un réseau." Côté salaires, la crise aura également eu un impact non négligeable. En effet, une partie des salaires correspond à du variable qui est lié aux résultats globaux et/ou individuels. "Dans certains cas, le variable équivaut à 30 % du salaire pour les fonctions support et 50 %, voire plus pour les fonctions de front, explique Pierre Baillavoine. Cette part variable de la rémunération a diminué en moyenne d'un tiers depuis la crise." Globalement, les fameux bonus ont ainsi diminué. "Les bonus sont beaucoup plus encadrés et concernent maintenant moins de salariés", précise Lise Azria. Chez Natixis, les bonus ont même été gelés dans l'attente d'une amélioration des résultats (voir encadré). Par ailleurs, à l'embauche, les salaires fixes sont inférieurs à ce qu'ils étaient avant la crise. La crise devrait donc avoir un effet durable sur la politique de ressources humaines des sociétés de gestion. Sandra Sebag