Analyse / Sorties différenciées, sorties contradictoires

27/04/2010 - 10:41 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les hausses des taux sont "parties" en Australie et au Canada ; la sortie du yuan de son peg au dollar se précise ; le langage de la Fed est en train de bouger. De façon différenciée, la sortie de crise se manifeste. C'est déjà plus de 10 % de croissance, et aussi une bulle immobilière et actions en Chine. C'est plus de 7 % de croissance en Inde, avec des craintes inflationnistes. C'est le dollar canadien parvenu à parité avec le dollar américain. Et ce sont les taux maintenus bas par la Fed "for an extended period of time" qui font débat, car certains membres du FOMC souhaitent que l'on change un peu l'expression, pour que les marchés ne confondent pas le "extended" de Bernanke avec le "long" de Greenspan, qui fut "too long". L'Europe a compris le message : la sortie a eu lieu... ailleurs. Et elle n'est pas au bout de ses problèmes. Le premier est celui de la poursuite même des politiques de sortie de crise qui l'animent. Si l'Allemagne a décidé de soutenir faiblement sa demande interne, c'est bien pour se donner plus de moyens pour doper sa demande... externe, le tout sans trop détériorer sa situation budgétaire. En même temps, elle dynamise peu la demande potentielle adressée à ses voisins tandis que - toutes choses étant égales par ailleurs - elle soutient relativement le dollar. Les tensions intra-européennes n'ont dès lors aucune raison de s'apaiser. Dans ce contexte, les problèmes que la BCE aura à résoudre ne sont pas près de se simplifier. Si l'Allemagne va mieux, elle soutient une part significative de l'économie européenne dans son ensemble. En même temps, comme la reprise est - ailleurs - vivace, le prix du pétrole est de nature à monter, avec les métaux et autres commodités. La BCE devra donc être sur le qui-vive sur le front des prix. Mais l'autre Europe, celle de la Grèce, et du Sud en général, n'est pas sur cette longueur d'onde. Pour elle, une hausse des taux courts est inenvisageable et tout doit être fait pour "tenir" les taux longs aussi bas que possible. Et en Grèce ? Le problème est plus aigu encore : le refinancement public est vital pour les banques, la BCE doit continuer à prendre le papier de l'Etat grec et plus encore celui des sociétés grecques. Elle doit préparer une sortie ordonnée de crise de cet Etat, sachant que ce qui se passe là-bas n'est pas d'une nature différente de ce qui peut se passer au Portugal, en Espagne... La Grèce est, en fait, "la première ligne de défense". On pourrait donc concevoir que cette sortie différenciée ait, au sein de la zone euro, des effets contradictoires. La BCE serait amenée à craindre l'inflation en Allemagne (et en France) et aussi la récession au Sud, donc à monter ses taux ici, et à les maintenir là, puisqu'elle ne peut les baisser. On voit que la politique du taux unique, qui doit évidemment être maintenue, car il s'agit de l'Union économique et monétaire, doit être secondée de logiques spécifiques. Déjà, la BCE se prépare à refinancer du papier plus risqué venant de Grèce... et d'ailleurs. Mais il faut aller plus loin, car les calculs des besoins de financement grec vont bon train, comme ceux du Portugal, d'Espagne... et les hésitations grecques (qui veut aller se financer sur les compartiments émergents, ou sur le dollar, ou encore veut revoir ses partenaires ?) ne sont pas là pour aider. Surtout, il lui faut disposer d'instruments plus différenciés pour lutter contre des situations elles-mêmes différenciées. Déjà, avant la crise, la BCE avait le plus de mal à tenir l'inflation globale et les hausses des prix d'actifs, notamment en Espagne, à partir de la seule arme des taux courts. Aujourd'hui, elle doit voir comment tenir la stabilité des prix en général et soutenir certains systèmes bancaires et financiers. Le taux d'intérêt est devenu momentanément inutilisable, les sorties du quantitative easing doivent être modulées, avec des effets d'annonce et un travail d'adaptation aux situations. Il faut, surtout, aller plus loin : les conditions de haircut (décote des actifs pris en pension) doivent être précisées, les soutiens aux banques des pays aussi. Le refinancement de la dette grecque suppose, pendant assez longtemps, des taux courts bas et des règles plus souples que prévu. Le Pacte de stabilité est loin, la non-bail clause n'est plus... ce qu'elle était. On peut toujours dire que l'incendie est interdit, mais quand il a lieu, il faut jeter de l'eau, et se jurer, ensuite, de revoir les normes de protection. Ensuite, seulement.