Analyse / L'Espagne assure... son émission de long terme

13/07/2010 - 12:42 - Option Finance

(AOF / Funds) - L'Espagne était au centre des préoccupations la semaine dernière, après la menace de Moody's de lui faire perdre son AAA dans les trois prochains mois. Elle a retrouvé des couleurs et des acheteurs cette semaine. Alors qu'une taille de 4 milliards était prévue pour son nouveau titre à dix ans, ce sont près de 6 milliards que le Trésor a pu placer face à la forte demande (près de 13 milliards, soit 2,4 fois plus que ce qui était proposé). Une demande par ailleurs qui, pour la première fois depuis des mois, est venue en majorité d'investisseurs non espagnols. L'Espagne est ainsi de nouveau dans le peloton quant à son avancement par rapport à son programme de financement qui est désormais, comme la moyenne européenne, réalisé à 58 % (58 % également pour l'Allemagne et 70 % pour la France). Le taux proposé était spécialement attractif, à 4,87 %, soit + 195 pb au-dessus du taux swap alors que, en février, lors de la dernière syndication, le Trésor espagnol avait pu placer son quinze ans à + 85 pb. Cela place le dix ans espagnol à un niveau de 85 pb au-dessus de celui de l'Italie, qui a le même rating alors que l'Espagne n'est pas la Grèce... Ce qui n'est plus forcément un mauvais exemple quand on regarde la consolidation budgétaire déjà effectuée. Après la BCE et le FMI, la Commission européenne, à son tour, a déclaré qu'Athènes était globalement en ligne avec ses objectifs. La Grèce a même annoncé avoir réduit son déficit de 42 % par rapport à l'année dernière au 1er semestre ! Le gouvernement hellène a annoncé vouloir revenir dans le marché obligataire dès 2011. En attendant, dès la semaine prochaine il passera un test, cette fois-ci sur le marché à court terme avec 1,95 milliard de bons du Trésor vingt-six et cinquante-deux semaines qui arrivent à échéance et que le Trésor va essayer de renouveler partiellement avec 1,25 milliard de titres à six mois. Globalement, les efforts des gouvernements pour apparaître vertueux continuent. La France a ainsi commencé à détailler ses mesures pour crédibiliser son plan pour réduire ses déficits de 8 % visés cette année à 6 % l'année prochaine. Bercy doit trouver 40 milliards via des économies qui commencent à porter leurs fruits avec un déficit en baisse de 17 % à fin mai par rapport à l'année dernière. Ces moindres inquiétudes sur le risque souverain ont entraîné un retour des investisseurs avec une stabilisation des dettes du Portugal ou de la Grèce, une baisse de l'aversion au risque et une forte progression des Bourses. Les indices européens ont surperformé leurs homologues américains et gagnent près de 6 % sur la semaine (CAC + 5,8 % à 3 540 pts) contre 3,8 % pour le S&P avec les financières et les valeurs auto en hausse de plus de 10 %. L'euro continue son rebond avec une économie américaine qui montre des signes d'essoufflement. Après les chiffres décevants de l'emploi vendredi dernier, l'activité américaine dans le secteur des services a ralenti plus que prévu en juin, selon l'ISM toujours au-dessus des 50, donc en expansion, mais qui a ralenti à 53,8, contre 55,4 en mai, alors que les analystes prévoyaient 55, et alors que la production industrielle a bondi en mai en Allemagne (+ 2,4 %), en France (+ 1,7 %) et en Italie (+ 1 %). Jean-Claude Trichet, lors de la conférence mensuelle de la BCE, a écarté l'idée d'une stagnation à venir, soulignant les très bonnes statistiques de ce côté de l'Atlantique et regretté, à l'instar du mondial de football, que les observateurs sous-estiment systématiquement les forces européennes... Autre facteur d'inquiétude pour les marchés, les fameux stress tests qui doivent être publiés à la fin du mois. Ils étudieront l'impact sur 91 banques d'une récession (- 3 %) mais aussi de tensions sur les dettes d'Etat, ce que réclamait le marché, y voyant là un des principaux risques à prendre en compte. Le choc testé sera pour l'obligataire comparable à celui vécu début mai. A cette période, la tension sur le dix ans grec avait été de 338 pb (535 pb sur le taux à deux ans !), de 35 pb sur le dix ans espagnol et de 91 pb sur le dix ans portugais. La semaine prochaine, les regards seront tournés vers... l'Espagne, de nouveau sur le marché avec un abondement de son emprunt à quinze ans, mais aussi vers le Portugal et la Grèce. Une bonne occasion de voir si le retour des investisseurs sur ces dettes se confirme ou non. Côté macroéconomie, le calendrier sera chargé également, avec aux Etats-Unis la publication des ventes au détail, de l'inflation, de la confiance des consommateurs, de la balance commerciale ou encore des minutes du dernier FOMC, alors que, en Europe, les investisseurs seront attentifs à la production industrielle, à l'indice ZEW en Allemagne et aux prix à la consommation en France. Le Royaume-Uni publiera les chiffres du chômage et de l'inflation. Par Jean-François Robin, stratégiste, Natixis