L'heure n'est plus à une allocation sectorielle (Delubac AM)

11/08/2010 - 17:21 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Faute de certitude sur la capacité des états à secourir l'économie en cas de nouveau choc, les écarts boursiers vont se creuser entre les sociétés qui sauront créer une croissance autonome et à protéger leurs marges et celles qui subiront la conjoncture en se bornant à réagir à court terme. L'heure est à une analyse individualisée des stratégies, à une lecture microéconomique de la cote, et non plus à une allocation sectorielle désormais inopérante", estime Delubac AM. "Tout est désormais possible. Après trois années de crise économique et financière, la plupart des agents économiques ont perdu leurs marges de manoeuvres, les rendant vulnérables à toute rechute conjoncturelle majeure. C'est le cas des ménages, sommés de se désendetter pour se reconstituer une épargne significative et parer à un nouveau coup dur. C'est aussi le cas des Etats. La Chine profite certes d'une population jeune, d'un marché intérieur en forte croissance, d'un endettement public proche de 20% de son PIB et de réserves de changes supérieures à 2.500 milliards de dollars, lui permettant d'anticiper ses problèmes très en amont. Mais ce n'est plus le cas des pays développés traditionnels. En dépit d'une politique monétaire et budgétaire ultra-expansionniste, le Japon ne parvient toujours pas à enrayer la spirale déflationniste dans laquelle il s'est engouffrée il y a deux décennies. Avec une dette supérieure à 200% de son PIB, le pays n'aura bientôt plus les moyens de financer un système mis à mal par le vieillissement de sa population. Quant à l'Europe, ses capacités de relance sont déjà au taquet. Ses taux d'intérêt sont au plus bas, son niveau de dette publique commence à inquiéter et sa démographie implique une hausse structurelle de ses dépenses sociales, alors même que ses prélèvements obligatoires y sont parmi les plus élevés du monde (notamment en France). Cette absence de marge de manoeuvre commence à obérer la perspective d'un retour durable de la croissance et plonge en retour les marchés financiers dans un épais brouillard. Entre les deux, les Etats-Unis n'ont pas encore épuisé toute leur capacité à relancer leur économie. Leur plan de sauvetage des banques a coûté 150 milliards de dollars de moins que prévu, tandis que leur plan de relance de 740 milliards de dollars n'a à ce jour été utilisé qu'à hauteur de 40%. Malgré tout, leurs marges se sont significativement réduites en quelques années." "Cet épuisement des marges de manoeuvre des Etats se reflète logiquement sur le secteur privé. Faute de certitudes sur la capacité du public à secourir l'économie en cas de nouveau choc, les écarts boursiers vont se creuser entre les sociétés qui sauront créer une croissance autonome et protéger leurs marges et celles qui subiront la conjoncture en se bornant à réagir à court terme. Bref, entre celles qui se seront constituées des marges de manoeuvre, ici encore, et les autres. Rien ne sera donc plus comme avant pour les investisseurs. Si les sociétés ont globalement reconstitué de larges réserves de cash (la trésorerie des 30 valeurs de l'indice DJIA dépasse 400 milliards de dollars), les incertitudes sur l'évolution de la marche des affaires les rend historiquement vulnérables. La sous-performance récente des valeurs télécoms et pharmaceutiques, pourtant riches de liquidités, témoigne de l'importance de se constituer un pricing power conséquent pour traverser sans encombre le brouillard qui s'annonce. L'heure est donc à une analyse individualisée des stratégies des sociétés, à une lecture microéconomique de la cote et non plus à une allocation sectorielle désormais inopérante." Le gestionnaire cite les exemples suivants : "Leader sur son marché, Nokia a été pris de vitesse par le leader des smartphones Apple, qui est parvenu à créer à partir de rien un marché à forte marge de 5 milliards de dollars, l'iPad. Résultat, leurs performances boursières respectives se sont écartées de 33% en à peine trois mois ! D'un côté, donc, une société qui s'est constituée de fortes marges de manoeuvre pour investir, préparer l'avenir, voire prendre des risques. De l'autre, un acteur sans plus aucune marge de manoeuvre sur un marché de remplacement à faibles marges. Autre exemple : la banque. Quoi de commun entre Santander, qui évolue pourtant sur un marché domestique chahuté, mais qui profite d'une gestion historiquement prudente et d'une exposition importante sur certains marchés émergents clés, et les banques régionales allemandes, qui n'ont pas encore fini de payer pour leur exposition sur le marché des subprimes ? Dernier exemple, dans l'agroalimentaire. Bonduelle est parvenu à protéger sa croissance et ses marges en créant un savoir-faire unique au monde, tandis que le japonais Suntory est obligé de racheter la marque occidentale traditionnelle Orangina pour contrebalancer le vieillissement de son marché intérieur, tirant par la même une de ses dernières cartouches". Ces exemples montrent, selon Delubac AM, que l'appartenance à un secteur n'est pas une fatalité. "Pour un investisseur, un positionnement indistinct sur un même secteur d'activité n'a donc plus guère de sens. L'hétérogénéité des stratégies et donc, des parcours boursiers au sein d'un même secteur disqualifie toute gestion de portefeuille construite sur une allocation top-down." AUT/ALO