Bourse : « Les analystes oublient que la tendance est à la hausse des impôts et à un renforcement de la régulation.»

30/08/2010 - 19:06 - Sicavonline - Vincent BEZAULT
Bourse : « Les analystes oublient que la tendance est à la hausse des impôts et à un renforcement de la régulation.»

Romain BOSCHER, Directeur des gestions de Groupama AM

Les analystes financiers qui anticipent une croissance de 20 % des bénéfices en 2011 omettent de prendre en compte l'augmentation inexorable de la pression réglementaire et fiscale suite à la crise de la dette, estime Romain Boscher, directeur des gestions de Groupama AM. De son point de vue, les profits des entreprises doivent rester étales l'année prochaine du fait du renforcement inéluctable de la régulation, des augmentations de capital ainsi que de la hausse des impôts et des taxes ou de la disparition de niches fiscales.

Romain Boscher, pourquoi jugez-vous que les prévisions des analystes qui anticipent 20 % de croissance des profits en 2011 sont beaucoup trop optimistes ?

Les plans de rigueur lancés un peu partout en Europe ont un coût que les analystes peinent à mesurer. Ces derniers restent dans des scenarii de retour à la norme. Les profits de 2007, disent-ils, seront récupérés en 2010 car l'environnement le permet : il y a un peu de croissance, un peu de levier et les entreprises qui, face à la crise, ont taillé dans les coûts avec beaucoup de réactivité sont affûtées. Les analystes financiers oublient juste d'intégrer dans leurs prévisions de bénéfices que, lorsque l'on parle de profits, on parle de profits nets d'impôt par action.

« quand on évoque les plans de rigueur, de quoi parle-t-on sinon d'une pression fiscale croissante qui amputera (...) la profitabilité des entreprises ?  »

Or, quand on évoque les plans de rigueur, de quoi parle-t-on sinon d'une pression fiscale croissante qui amputera d'une façon ou d'une autre la profitabilité des entreprises ? Afin de remettre d'aplomb les finances publiques, on sait que le besoin de fiscalité supplémentaire s'élève de plusieurs dizaines de milliards d'euros si ce n'est plusieurs centaines milliards d'euros en Europe. Par ailleurs, la pression réglementaire sur le secteur financier va augmenter. Certes, pour le moment l'heure est à l'assouplissement des règles de Bâle 3 et de Solvency 2 (NDLR : règles prudentielles) mais globalement, l'exigence de plus de réglementation, et de plus de fonds propres pour les établissements financiers est une perspective certaine. Une fois encore, ne nous cachons pas que les besoins en recapitalisation du système financier restent significatifs. Ils sont encore de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines milliards d'euros. Le secteur financier devra donc procéder à des augmentations de capital, qui seront évidemment dilutives pour les actionnaires.

En clair, vous enjoignez aux investisseurs de ne plus attendre de bonnes surprises sur les bénéfices pendant un certain temps !

Nous estimons en effet qu'une page s'est tournée. Durant une décennie bénie (entre 1995 et 2007) pour les marchés boursiers, la tendance était toujours à plus de dérégulation, plus de rachats d'actions, plus d'effet de levier, moins d'exigence en matière de fonds propres, et moins de fiscalité, si bien que les bénéfices par action avaient tendance chaque année à être meilleurs que prévu. A présent, il faut acter que l'on a inversé la vapeur. On demande plus de fonds propres, donc plus d'actions, plus de régulation, plus de fiscalité, et à la fin de chaque année l'ajustement ne sera pas un petit « plus » mais un petit « moins », qui n'est pas intégré aujourd'hui dans les cours. De même que n'est pas intégré le petit « moins » sur la croissance. Car ne nous leurrons pas : la croissance des trois derniers trimestres provient pour une bonne d'un phénomène de re-stockage en compensation du déstockage massif de 2009 quand les sociétés, saisies par la crise et la peur, ont taillé à la hache dans leurs investissements. Il suffit tant en Europe qu'aux Etats-Unis de regarder les chiffres retraités des effets de stocks. La croissance sous-jacente n'est même pas de 1 % en Europe. Elle n'atteint même pas 1,5 % aux Etats-Unis. Avec un tel environnement, nous estimons chez Groupama AM qu'au 3e trimestre le marché commencera à acter que les profits augmentent mais moins vite que ce qu'anticipait le consensus et à partir de la fin 2010 il devra admettre qu'il est illusoire de rêver encore à 20 % de hausse des bénéfices l'année prochaine, et que les profits nets d'impôt et d'augmentation de capital seront étales en 2011. Propos recueillis par Vincent Bezault

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