Acheter des obligations d'Etat 10 ans et les conserver est trop pessimiste

02/09/2010 - 10:32 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le site web de Bloomberg a publié cette semaine une série de contributions qui donnent à réfléchir : une vidéo dans laquelle un gestionnaire d'actifs américain parle d'une bulle sur les obligations d'État, une seconde vidéo présentant un autre gestionnaire américain qui affirme que les investisseurs sont rationnellement craintifs, et enfin une interview du spécialiste des matières premières Jim Rogers, qui prétend qu'un nouvel effondrement financier pourrait entraîner un boom des matières premières", s'étonne William De Vijlder, analyste chez BNP-Paribas IP. "Il y en a donc pour tous les goûts ! Nous sommes cependant en droit de nous demander comment ces avis peuvent être aussi contradictoires... La partie concernant la crainte rationnelle est encore la moins controversée : les chiffres en provenance des États-Unis ont en effet affiché un net recul au cours de ces dernières semaines et, plus généralement (donc également dans les pays émergents), de plus en plus de statistiques restent en deçà des attentes des économistes. Il n'est donc pas étonnant que les investisseurs se montrent nerveux", estime le gestionnaire. "L'affirmation selon laquelle une bulle se forme autour des obligations d'État donne davantage matière à débat. La présence d'une bulle implique que des actifs (la plupart du temps les actions, l'immobilier ou l'or, bien qu'il s'agisse dans le cas présent des obligations d'État) soient nettement plus chers que ce que justifient les fondamentaux. Aux dires de certains, les cours obligataires seraient donc à présent trop élevés, ce qui signifie que les taux d'intérêt à long terme seraient nettement trop faibles. Étant donné que le taux allemand à dix ans s'établit à près de 2% alors que son équivalent américain a dégringolé sous la barre des 2,5%, la tentation est grande d'affirmer, au vu des niveaux historiques auxquels se sont déjà affichés les taux d'intérêt à long terme, que les taux actuels sont trop bas et qu'une bulle est donc en train de se former." "On peut en effet difficilement reconnaître que les taux actuels sont des taux normaux (censés représenter la moyenne au cours d'un cycle économique). Dans ce contexte, on applique souvent la règle empirique selon laquelle les taux longs nominaux ne peuvent pas trop s'écarter de la croissance nominale du PIB. Bien entendu, on ne peut pas dire qu'on se trouve à l'heure actuelle dans une période classique d'un cycle économique : la sous-exploitation de la capacité de production est considérable, le taux de chômage est élevé et la remise en marche de la machine économique (qui présente en outre à nouveau des ratés, du moins aux États-Unis) a coûté très cher." "Partons du principe que l'inflation et l'activité économique continueront de ralentir (une hypothèse réaliste) et que la juste valeur (fair value) diminuera également. Nous ne nous trouvons donc pas dans le contexte d'une bulle étant donné que le climat économique est loin d'être florissant. En Allemagne, les taux sont encore inférieurs et les indicateurs économiques plus forts, incitant certains à affirmer que le marché allemand est plus cher que son homologue américain. L'anticipation d'une croissance plus lente sous l'influence des vents contraires en provenance des États-Unis et le recours aux Bunds comme valeurs refuge à la suite des troubles en zone euro il y a quelques mois expliquent ces taux bas." "La réaction des investisseurs à cet égard dépend fortement de leur horizon d'investissement. En effet, un investisseur très actif peut jouer sur la poursuite probable du ralentissement de la croissance américaine, qui continuera de faire chuter le taux long. En revanche, un investisseur qui achète des obligations et entend les conserver pendant les dix ans qui suivent part implicitement d'un scénario à la japonaise : une croissance faible qui persistera pendant des années, une courbe de taux plate et une déflation telle qu'un taux nominal de 2% pour une déflation de 1%, par exemple, impliquerait tout de même encore un rendement réel attractif de 3%", explique le gestionnaire affirmant pour sa part éprouver encore beaucoup de mal à accepter un tel scénario. "En outre, il convient de ne pas oublier que la sensibilité à l'évolution des taux d'intérêt a augmenté à la suite de la chute des taux longs, ce qui implique que l'effet négatif sur les cours obligataires n'en sera que plus grand si le contexte économique s'améliore. Il est également à noter que des taux longs plus faibles devraient finir par stimuler l'économie (des preuves empiriques démontrent en effet que les dépenses sont nettement plus sensibles à l'évolution des taux longs qu'à celle des taux directeurs de la banque centrale). Il s'avère par ailleurs que le marché à terme intègre une hausse des taux longs : le taux de swap à dix ans en euro se négocie sur cinq ans à 3,2%, soit 85 points de base plus haut que le taux de swap actuel à dix ans. Il ne faut pas considérer ce taux de 3,2% comme une prévision à dix ans mais examiner plutôt le tableau général : le marché estime toujours que les taux longs ne peuvent pas rester éternellement aux niveaux bas qu'ils affichent à présent." "Conclusion : un investisseur qui achète aujourd'hui des obligations d'État à dix ans avec la ferme intention de les conserver jusqu'à l'échéance se montre très pessimiste quant à l'évolution économique, et ce non seulement pour 2011 mais également pour les nombreuses années qui suivront. Que les choses soient bien claires : il ne s'agit pas là de notre scénario. Il est vrai que les taux longs peuvent encore chuter, mais il faudra bien qu'ils remontent par la suite." AUT/ALO