Trackers : l'innovation pour faire la différence

13/09/2010 - 10:26 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le paradoxe du marché des ETF en Europe se poursuit cette année encore. Sur le semestre écoulé, les Exchange traded funds (fonds UCITS 3) et les Exchange traded products (ETC et ETN, non-UCITS 3) ont continué de collecter dans des marchés pourtant baissiers et sans grande tendance, tandis que les produits de gestion collective traditionnelle ont enregistré une décollecte. Le compartiment obligataire est celui où la collecte nette a le plus progressé au premier semestre. Sur la première moitié de l'année 2010, la collecte des ETF obligataires a représenté 23 % de la collecte totale sur le marché des ETF européens, indique iShares. Ce dernier a bien profité de cette tendance puisque sa gamme d'ETF obligataires européens a dépassé les 25 milliards de dollars d'encours sous gestion en septembre dernier, soit près de 50 % du total des encours d'ETF obligataires européens. Les encours sur les ETF sur indices matières premières ont également bien progressé "avec près de 4 milliards d'euros d'encours à fin mai", souligne-t-on chez Lyxor ETF. Au total, "le marché des ETF et autres ETP a collecté 17,6 milliards d'euros durant le premier semestre 2010 en Europe, ce qui est légèrement supérieur à 2009 durant la même période, mais on est encore loin des records de 2008", précise Eric Wohleber, directeur général de BlackRock en France. Le marché des ETF s'essoufflerait-il ? Bien au contraire, assurent les acteurs de ce marché. L'industrie des ETF en Europe se porte bien. Le ralentissement de la collecte sur les ETF en Europe par rapport à 2008 s'explique en grande partie par des niveaux d'utilisation des ETF devenus plus importants chez les investisseurs institutionnels. En effet, au 31 mars 2010, les actifs institutionnels investis dans des ETF représentaient au moins un cinquième du total des investissements dans chaque classe d'actifs, selon l'EDHEC European ETF Survey 2010, publié en juin dernier et mené auprès de 192 investisseurs institutionnels, gérants d'actifs et gérants privés. Ces produits sont de plus en plus utilisés pour s'exposer avant tout aux actions : les ETF actions représentaient, à fin mars 2010, 96 % des investissements dans des ETF en Europe contre 84 % à fin 2009. Le marché européen des ETF est ainsi entré dans une phase de maturité, expliquant une croissance moins exponentielle en 2010 qu'au cours des deux dernières années. L'industrie des ETF continue de conserver néanmoins une bonne marge de progression. Le surcroît d'intérêt des investisseurs pour les ETF se traduit notamment par "une bonne croissance des encours globaux sur 2010, indique-t-on chez Lyxor ETF. Le marché des ETF en Europe affiche à fin juin des encours sous gestion de 166 milliards d'euros, soit une hausse de 10 % comparée à fin 2009. Une progression significative si on prend en compte l'effet marché négatif sur le semestre (l'indice EURO STOXX 50 a baissé de - 13 % sur la même période et l'indice MSCI AC World de - 10 %)". La croissance du marché des ETF se traduit aussi par une hausse du montant quotidien des volumes échangés sur des ETF, en progression de 24 % en Europe. De plus, cette année, les investisseurs institutionnels se sont dirigés volontiers vers de nouveaux produits. Si l'attractivité des obligations s'est maintenue en 2010, ils ont également acheté des ETF pour bénéficier des opportunités qu'offre la croissance dans les pays émergents. A début mai, les encours sous gestion des ETF indexés sur les marchés émergents en Europe (24,3 milliards d'euros) ont progressé de 35 % depuis le début de l'année, selon Lyxor ETF. Ce dernier a particulièrement tiré son épingle du jeu en doublant les encours de son ETF indexé sur le MSCI Emerging Markets. La dette émergente et les obligations d'Etat ont également connu une collecte importante au cours des six derniers mois selon BlackRock. En ce qui concerne "les obligations d'Etat, les investisseurs ont largement utilisé les ETF pour gérer le risque de défaut souverain, avec de fortes collectes sur les ETF en obligations d'Etat allemandes. Sur les expositions plus larges, les investissements se sont orientés sur les obligations d'Etat à court terme plutôt que sur celles ayant une maturité plus longue", indique BlackRock. Les institutionnels manifestent ainsi leur intérêt pour des thématiques nouvelles ou plus sophistiquées. Les promoteurs d'ETF s'organisent en conséquence pour faire en sorte que de nouveaux produits soient disponibles. "Avec 236 milliards de dollars d'encours et 965 ETF, le marché européen est cependant plus étroit et plus concurrentiel que le marché américain", indique Eric Wohleber. Pour se différencier, la stratégie varie d'un acteur à l'autre. Les plus récents sur le marché s'attachent principalement à continuer de développer leur gamme d'ETF pour couvrir un spectre plus large de classes d'actifs. D'autres mènent toujours une politique agressive sur les coûts. "Nous poursuivons notre stratégie pour les nouveaux produits qui consiste à proposer des ETF innovants à un coût attractif", explique Matthieu Guignard, responsable de développement produits chez Amundi ETF. Pour les acteurs plus matures, le nerf de la guerre réside notamment dans le lancement de produits innovants. Leurs promoteurs préfèrent cependant avancer cachés face à leurs concurrents. Au titre des dernières innovations, on peut néanmoins citer un ETF sur l'indice VIX qui mesure la volatilité implicite des marchés, lancé par Source, fin juin dernier, en collaboration avec la banque d'investissement Nomura. "Il s'agit du premier ETF européen de volatilité coté en Bourse, affirme Christophe Baudry, directeur du pôle Equity France de Nomura. Il permet de prendre une exposition aux marchés dans un cadre incertain et volatil pour jouer la hausse de la volatilité et ainsi couvrir les portefeuilles d'actifs." Sont également apparus quelques produits "exotiques" innovants. "Les produits que nous avons vus arriver sur le marché avec des sous-jacents de hedge funds n'ont souvent pas toutes les caractéristiques premières des ETF, notamment parce qu'ils n'offrent pas une pleine transparence", met en garde Matthieu Guignard. Les institutionnels découvrent également d'autres produits avec l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché des ETF en Europe, comme Crédit Suisse, qui a rebaptisé sa gamme d'ETF XMTCH en Crédit Suisse ETF pour avoir une meilleure visibilité et "devenir d'ici quelques années l'un des principaux fournisseurs européens d'ETF", selon la banque. State Street Global Advisors, numéro deux mondial en termes d'encours derrière iShares, mais seulement quinzième en Europe, a décidé d'accélérer son développement sur cette zone. "Nous voulons développer en Europe notre gamme de produits existants, explique Frédéric Jamet, directeur de la gestion de State Street Global Advisors Paris. Nous souhaitons lancer également de nouveaux produits, sachant que nous n'avons pas vocation particulièrement à rester sur les indices de pays développés Europe." Pour se développer, l'industrie des ETF mise sur un autre relais de croissance : l'élargissement des réseaux de distribution en Europe. Tel est le cas d'Amundi qui a coté en avril dernier 19 nouveaux ETF sur Borsa Italiana, ou encore de Crédit Suisse avec une trentaine d'ETF cotés en Italie en mai dernier. L'inscription de nouveaux fonds à la Bourse de Francfort a également été un choix stratégique pour Amundi, Lyxor, Crédit Suisse et Etf Securities. Mais là encore, les stratégies diffèrent puisque certains font le choix de coter leurs produits sur différentes plateformes européennes, tandis que d'autres allouent des moyens plus importants au développement de leur activité ETF, avec, par exemple, la mise en place d'une force commerciale locale. Floriane Tedoldi AUT/ACT