"Le yen nous semble surévalué à l'heure actuelle" (R. Medjaoui,LBPAM)

13/09/2010 - 11:06 - Option Finance

(AOF / Funds) - Interview de Rachid Medjaoui, adjoint au directeur de la gestion de La Banque Postale Asset Management

Le rebond de l'euro-dollar est-il durable ?

A court terme, la parité euro-dollar devrait continuer à osciller entre 1,20 et 1,30. Les signaux de l'économie américaine vont continuer à traduire un ralentissement économique, alors que, dans la zone euro, les chiffres relatifs au PIB devraient rester favorables, bien que moins bons qu'au premier semestre. Mais notre scénario est en deux temps, car à plus long terme, nous considérons qu'il y a plus de risques que le dollar s'apprécie contre l'euro. Même si la croissance devait être molle, nous ne croyons pas au scénario du double dip. Dans quelques mois, la zone euro devrait à son tour être touchée par le ralentissement économique transitoire que connaissent les Etats-Unis. De ce fait, les anticipations de taux devraient donc plaider en faveur d'une appréciation du dollar. Enfin, la normalisation de la crise de la dette souveraine en Europe va prendre du temps, ce qui devrait peser sur l'euro. On devrait voir s'alterner des périodes d'euphorie, caractérisées par des annonces de réduction de déficits et des rappels à l'ordre, comme ces derniers jours, liés à des craintes ravivées sur le secteur bancaire ou sur certains pays. Si nos différentes hypothèses se confirmaient, la parité euro-dollar pourrait fluctuer autour de 1,15 courant 2011.

Comment expliquer l'accélération de la hausse du yen ?

Le yen fait partie, aux yeux de nombreux investisseurs, des trois actifs financiers qui présentent à l'heure actuelle un risque de bulle, aux côtés du franc suisse et de l'obligataire. En effet, le niveau du yen se situe à 1 ou 2 % de son plus haut atteint en 1995 en termes de taux de change effectif, c'est-à-dire contre une moyenne de devises pondérées par le poids des partenaires commerciaux japonais. Plusieurs explications peuvent être avancées : tout d'abord, le mouvement de diversification des devises initié par la Banque centrale chinoise, mais également les possibles rapatriements de capitaux à l'approche de l'échéance fiscale au Japon, ou encore ceux liés à l'écart de taux beaucoup plus faible entre le Japon et les autres pays développés. Enfin, les particuliers japonais, très actifs sur le yen, ont vendu de nombreux produits jouant la baisse de leur devise, ce qui a eu tendance à accélérer en retour l'appréciation du yen. Mais ce mouvement de change constitue un cadeau empoisonné puisqu'il accentue davantage la déflation que connaît l'économie japonaise. Les autorités ont déjà commencé à intervenir en augmentant le montant des liquidités allouées aux banques lors des opérations de refinancement. Elles devraient continuer à prendre des mesures de quantitative easing et même décider d'intervenir directement sur les marchés, si les conditions nécessaires étaient réunies (notamment une concertation internationale). Par conséquent, nous sommes plutôt négatifs sur le yen, qui nous semble surévalué à l'heure actuelle.

Comment voyez-vous évoluer la courbe des taux ?

Les taux longs, qui ont fortement baissé au cours de l'été, devraient désormais avoir atteint leur niveau plancher. De notre point de vue, l'aplatissement de la courbe des taux observé ces dernières semaines est une tendance de moyen terme. Cet été, les taux à dix ans ont chuté alors que les taux à deux ans sont restés stables. Dans les prochains mois, nous envisageons une remontée limitée des taux à dix ans et une hausse plus importante des taux à deux ans, en raison des anticipations de hausse de taux courts qui devraient se réveiller vers la mi-2011.

Le risque de bulle sur le marché obligataire est-il réel ?

Certains experts évoquent en effet la possibilité d'un krach obligataire. Mais pour que ce phénomène se matérialise, il faudrait que la panne économique se révèle structurelle. Dans un premier temps, les taux baisseraient davantage dans un contexte de crainte de la déflation. Puis, compte tenu des inquiétudes grandissantes concernant la capacité des Etats à rembourser leur dette, face à la faiblesse de la croissance et donc des recettes, les investisseurs pourraient rapidement exiger des primes de risque, qui se traduiraient par un mouvement significatif de hausse des taux. Ce n'est pas notre scénario, car nous ne croyons pas au risque de double dip. Nous anticipons seulement une légère remontée des taux longs, de l'ordre de 50 pb dans les prochains mois. Par ailleurs, le niveau des taux longs n'est que l'expression de l'évolution future des taux courts. Or, nous avons du mal à imaginer une hausse des taux avant la fin de l'année 2011 pour la Fed et avant 2012 côté BCE, d'autant que la question du risque inflationniste ne sera pas d'actualité avant un à deux ans. Propos recueillis par Angèle Pellicier AUT/MAF