Pression sur les devises émergentes, l'Am. latine pourrait se rebiffer

05/10/2010 - 09:48 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Il y a assurément un risque que certains pays tentent de restreindre les capitaux en imposant des contrôles. Le Brésil y a déjà recouru d'une certaine façon plus tôt dans l'année, mais les risques de mesures plus agressives semblent croissants. Le FMI a publié un article suggérant que les contrôles de capitaux pouvaient être justifiés si certains critères étaient préalablement remplis, à savoir : un taux de change surévalué ; un faible niveau de réserves de change ; et un différentiel de taux d'intérêt élevé (rendant toute politique de stérilisation trop onéreuse)", juge JP Morgan AM. "Nous avons passé en revue les devises émergentes sur la base de ces critères : les devises d'Amérique Latine, celle du Brésil en tête, sont les plus à risque", ajoute le gestionnaire. "Les devises des marchés émergents devraient attirer l'attention dans les prochains mois et pourraient surperformer. Dans la mesure où les principaux pays développés injectent des liquidités dans le système, les devises émergentes pourraient faire l'objet de nouvelles pressions à la hausse. Cela devrait constituer un nouvel élément clé du processus de rééquilibrage de l'économie mondiale, ces injections de liquidités des pays du G4 ayant pour objectif implicite d'affaiblir leur propre devise. Dans ce contexte, il conviendra de surveiller les réactions des décideurs politiques des pays émergents, car elles auront une incidence sur l'évolution future de l'inflation mondiale." "Les afflux de capitaux sont à double tranchant pour les pays émergents. Ils permettent une réduction du coût du capital et contribuent à soutenir la croissance au travers de la consommation et de l'investissement. Cependant, un excès de capitaux, surtout sur une très courte période, peut provoquer des distorsions de prix et des bulles d'actifs, produire de l'inflation et se traduire par une surévaluation des taux de change avec des implications en termes de compétitivité (surtout si les pays concernés dépendent des secteurs d'exportation à faible marge)." "Les devises asiatiques risquent d'être propulsées sur le devant de la scène, car les décideurs locaux veulent maintenir de faibles taux de change en continuant d'accumuler des réserves. Cette politique pourrait être remise en cause dans les prochains mois, pour au moins trois raisons : premièrement, les pressions inflationnistes devraient s'accroître. Plusieurs pays de la région ont une croissance égale ou supérieure à leur potentiel, alors que les indicateurs avancés repartent à la hausse. Nos modèles d'inflation signalent des pressions croissantes en Indonésie, en Corée et en Inde." "Deuxièmement, la politique monétaire va être confrontée à des dilemmes croissants. Une politique plus restrictive risque d'attirer encore plus de capitaux, ce qui aurait pour effet pervers d'augmenter la liquidité domestique." "Troisièmement, la pression des pays développés et en voie de développement devrait s'accentuer. La Chine n'a guère avancé sur l'appréciation de son taux de change depuis la réinstauration du régime d'indexation de sa devise en juin dernier. Le renminbi ne s'est en effet apprécié que de 2,2% vis-à-vis du dollar US et s'est même déprécié de 3,3% en termes pondérés des échanges commerciaux. Les occidentaux se sont toujours inquiétés de la politique de change de la Chine et suivent de près son évolution, compte tenu de la croissance toujours aussi rapide de ses réserves de change et de ses exportations (qui ont atteint de nouveaux plus hauts cet été en valeur nominale à destination des Etats-Unis et de la zone euro). Les tensions sont également grandissantes entre la Chine et les pays émergents dans leur ensemble, les divergences économiques étant manifestes." "La Chambre des Représentants du Congrès américain a voté une loi ciblant la politique de change chinoise. Cela se comprend au vu de l'ampleur des réserves de la Chine (elles représentent 1.095% de sa dette extérieure et permettent de couvrir plus de 21 mois d'importations) qui sont bien supérieures au niveau requis par une politique de change avisée. Cependant, cette loi ne devrait pas avoir d'incidences majeures à court terme (elle doit être auparavant adoptée par le Sénat) et ne devrait donner lieu qu'à des taxes d'à peine 20 millions de dollars. C'est rassurant car une guerre commerciale serait préoccupante, mais cela souligne l'inquiétude ambiante et la volonté croissante de prendre position à l'encontre de la politique chinoise." "Ces inquiétudes sur des tensions commerciales se propagent au reste du monde, au vu des déclarations de ces dernières semaines émanant de pays développés (Europe, Japon) et émergents (Brésil). A cet égard, le prochain sommet du G20 à Séoul devrait être intéressant - si la probabilité d'une action politique majeure coordonnée paraît faible, elle semble néanmoins plus élevée qu'auparavant." "Les pays asiatiques pourraient avoir de plus en plus intérêt à laisser leur devise s'apprécier - la semaine dernière, le Secrétaire d'Etat à l'Economie de la Corée du Sud a déclaré que le won devrait s'apprécier jusqu'en fin d'année, ce qui est intéressant de la part d'un pays généralement réticent à faire ce type de déclarations. En Chine, une réponse alternative pourrait consister à redéployer plus efficacement les réserves de change afin de sécuriser les actifs réels (les matières premières) dans l'objectif de constituer des stocks stratégiques et de contenir les excédents commerciaux. Ceux qui s'égosillent sur les excédents du monde émergent devraient se modérer avant de voir leurs désirs se réaliser." "Bien que l'Amérique Latine se trouve dans une situation différente, on ne peut ignorer l'impact de la croissance accélérée de la liquidité sur la valeur des devises de la région. Plusieurs économies ont déjà vu leur taux de change s'apprécier et de nombreuses devises semblent fortement valorisées (Brésil, Colombie et, dans une moindre mesure, Pérou et Chili). Nous pensons que ces pays devraient mettre en oeuvre une politique budgétaire plus restrictive, afin de diminuer les pressions à la hausse sur le taux de change et d'améliorer structurellement leur situation budgétaire." AUT/ALO