La forte corrélation de (presque) tous les actifs risqués

05/10/2010 - 10:50 - Option Finance

(AOF / Funds) - Depuis la faillite de Lehman en septembre 2008 et encore plus depuis la crise des dettes souveraines des pays périphériques de la zone euro, on observe une modification forte du comportement des prix des actifs financiers risqués sur les marchés financiers. Le prix des actions, des obligations d'entreprises, des obligations bancaires, les taux de change, les prix des titres (actions et obligations) des émergents ainsi que les taux de change des pays émergents ne répondent pratiquement plus aux déterminants fondamentaux de ces prix d'actifs. On voit par exemple que la très forte hausse des bénéfices par action (sur l'année 2010, + 35 % sur le S&P, + 25 % sur l'Eurostoxx) n'a pas conduit à la hausse des indices boursiers et que les mauvaises nouvelles sur les Etats-Unis (dégradation des marchés du travail et de l'immobilier freinage de la croissance, dérive de la dette publique...) n'ont pas du tout conduit à une dépréciation du dollar : le rôle des fondamentaux est devenu secondaire. On observe au contraire une corrélation devenue très forte, d'une part de tous ces types d'actifs entre eux, d'autre part de tous ces prix d'actifs avec les indicateurs représentant l'importance de l'aversion pour le risque ou de la perception du risque. La corrélation moyenne, en valeur absolue, entre les prix de tous ces actifs est passée de 0,60 avant la faillite de Lehman (sur la période allant de janvier 2002 à septembre 2008) à 0,85 depuis la faillite de Lehman ; depuis septembre 2008, la corrélation moyenne de tous ces prix d'actifs avec le VIX (volatilité implicite des actions, qui est un bon indicateur du degré d'aversion pour le risque) est de - 0,78. Si on réalise une analyse en composantes principales de tous ces prix d'actifs, le premier facteur explique 86 % de la variance. Ceci montre, d'une part, que le degré d'aversion pour le risque est devenu le facteur explicatif essentiel de l'évolution des prix des actifs et, d'autre part, qu'il existe pratiquement une seule classe d'actifs risqués, tous ces prix d'actifs bougeant ensemble. Il existe une seule exception à cette corrélation forte de tous les prix des actifs : les spreads sur les dettes souveraines périphériques de la zone euro (particulièrement Irlande, Portugal, Grèce) et les CDS des banques de ces pays. Alors que l'aversion pour le risque est aujourd'hui nettement plus faible qu'en mai 2010, ces spreads ont continué à se dégrader. Quelles sont les conséquences de cette situation pour les investisseurs ? D'une part, il faut être très prudent avec l'analyse des fondamentaux, qui n'ont plus beaucoup d'effets sur les prix d'actifs, et privilégier la prévision du "news flow" : va-t-il apporter de bonnes nouvelles (qui feront baisser l'aversion pour le risque et monter les prix de tous les actifs risqués, sauf peut-être ceux des dettes souveraines périphériques de la zone euro), ou au contraire de mauvaises nouvelles ? D'autre part, il n'y a plus de diversification possible entre actifs risqués. La seule diversification qui subsiste est celle entre l'ensemble des actifs risqués d'un côté, et les dettes publiques des pays considérés comme sûrs (Etats-Unis, Allemagne, France, Pays-Bas...) d'un autre côté. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études, Natixis AUT/CHR