L'euro risque de porter seul le poids de l'ajustement sur les changes

06/10/2010 - 12:19 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Contre toute attente, et en dépit de la persistance de tensions sur les dettes souveraines de certains Etats (Irlande, Portugal, Grèce), l'euro s'est rapidement réapprécié au cours des 15 derniers jours revenant à 1,38 dollar le 3 octobre, un niveau inobservé depuis mars dernier. Comment expliquer ce regain de vigueur ? La même crise n'avait-elle pas inquiété les marchés au point de faire plonger l'euro à 1,20 dollar au mois de juin ?", s'interroge Amundi. "La réponse est sans doute à rechercher du côté des bilans des banques centrales." "Mais pas seulement ; car les interventions sur le marché des changes de plusieurs banques centrales font de l'euro la variable d'ajustement en dernier ressort", ajoute le gestionnaire. "Depuis que la Fed laisse entendre qu'elle s'apprête à faire de nouveau tourner la planche à billets pour acquérir des emprunts d'Etat, le dollar est reparti à la baisse. Ceci n'est pas surprenant dans la mesure où, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation annoncée du nombre de dollars en circulation doit peser sur sa valeur externe. Les études menées récemment concluent pour la plupart à l'efficacité des mesures non conventionnelles mises en oeuvre aux Etats-Unis en 2008 et 2009. Chaque fois que la Fed a divulgué ses intentions d'achat de titres, les taux d'intérêt à long terme ont substantiellement baissé non seulement aux Etats-Unis mais aussi, dans une moindre mesure, dans le reste du monde. Corollaire de ces évolutions, le dollar s'est affaibli à chacune des annonces de la Fed." "Un raisonnement théorique simple permet de rendre compte du repli du dollar. Les taux d'intérêt baissant davantage aux Etats-Unis que dans le reste du monde suite aux annonces de la Fed, le respect de la parité des taux d'intérêt non couverte requiert un affaiblissement immédiat du billet vert (en supposant que la valeur d'équilibre du dollar n'a pas bougé). C'est en effet la seule façon de concilier les anticipations théoriques sur le change avec les mouvements de taux d'intérêt observés. On retrouve ici le phénomène bien connu de surréaction sur le marché des changes. Par essence, ce dernier est temporaire. Car une fois que le niveau de la parité est cohérent avec les anticipations des agents, le dollar devrait progressivement se réapprécier et retrouver sa parité initiale. L'examen de ce qui s'est produit sur le dollar en 2008-09 lors des annonces de la Fed conforte une lecture de ce type. Lors de deux dates clés (16 décembre 2008, 18 mars 2009), le repli des taux américains est plus marqué que celui des taux allemands ou japonais, et le dollar se déprécie immédiatement face à l'euro et au yen, dans des proportions voisines (environ 5%)." "Les communiqués du 16 décembre 2008 et du 21 septembre dernier ont ceci de commun que tous deux annoncent de possibles achats de titres du Trésor par la Fed. Mais l'impact sur le change est en revanche différent. Depuis le 20 septembre, alors même que l'impact sur les taux à 10 ans est voisin aux Etats- Unis et en Allemagne, l'euro s'est plus nettement apprécié face au dollar et l'impact sur le yen est plus faible." "C'est que la donne a changé depuis l'an dernier. Les partenaires commerciaux des Etats-Unis ont bien compris que la politique de la Fed menaçait d'autant plus de faire plonger le dollar que les fondamentaux américains (croissance molle, déficit extérieur élevé) plaident pour un affaiblissement du billet vert. Mais aujourd'hui, plus aucun pays n'est prêt à supporter le fardeau de cet ajustement ; la plupart comptent en effet sur leurs exportations pour soutenir leur économie. Premier à donner l'exemple, le Japon est massivement intervenu le 15 septembre en achetant plus de 25 milliards de dollars sur le marché des changes et les autorités nippones menacent de recommencer si nécessaire." "Depuis le 21 septembre, une dizaine de pays émergents sont également intervenus pour endiguer l'appréciation de leur devise. En revanche, en l'absence de politique de change claire, les autorités de la zone euro sont restées inertes. Résultat : la devise européenne joue une fois de plus, le rôle de variable d'ajustement par défaut en s'appréciant vivement face au dollar. La chose est sérieuse car si l'on n'y prend garde c'est une guerre des changes et des mesures protectionnistes qui menacent. Le scénario le plus vertueux serait de voir le billet vert s'affaiblir vis-à-vis des devises des pays émergents qui ont de larges excédents courants, où la croissance est soutenue et l'inflation élevée. Nul doute que ces sujets seront au coeur du prochain G20 (11-12 novembre). A défaut d'accord multilatéral, l'euro risque de supporter seul le poids de l'ajustement en s'appréciant davantage." AUT/ALO