Natixis souligne le risque de krach obligataire à la sortie du QE

18/10/2010 - 10:09 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Toute la communication actuelle de la Fed semble destinée à préparer le marché à la mise en place de nouvelles mesures non conventionnelles de politique monétaire. En l'occurrence, il semble désormais très probable qu'elle annoncera, le 3 novembre prochain, la mise en place du QE2, autrement dit d'un nouveau programme d'achats d'obligations souveraines. Selon la plupart des rumeurs, ce QE2 pourrait être d'ampleur beaucoup plus significative que le QE1 : il pourrait atteindre 1.000 milliards de dollars, contre 300 milliards de dollars", relève Natixis. "On évoque aussi, parfois, l'achat d'autres actifs, comme les municipals, mais se poserait alors le sempiternel problème du hasard moral, celui qui empoisonne notamment la BCE", ajoute le gestionnaire. "Ce débat illustre la difficulté nouvelle à laquelle les banquiers centraux sont confrontés, à savoir conduire une politique monétaire dans un environnement de faible inflation. Ce problème a d'ailleurs été le sujet d'un discours de Ben Bernanke (Monetary Policy and Tools in a Low-Inflation Environment). Comme le soulignait le patron de la Fed, jusqu'à une époque récente, les choses étaient relativement claires : plus l'inflation était faible, mieux c'était. Mais c'était parce que le risque de déflation n'était qu'une vue de l'esprit, un sujet académique très loin des préoccupations des banques centrales. Il y a quelques années, on entendait même un officiel de la BCE affirmer qu'une inflation à 0% était mieux qu'une inflation à 2%." "Avec la crise est apparu le risque de déflation. Ce dernier résulte à la fois des capacités de production en excès, de l'absence totale de pouvoir de négociation des syndicats, et d'ailleurs de l'absence de pricing power des entreprises. On pourrait aussi ajouter, dans la longue liste des facteurs déflationnistes, le désendettement (des ménages et des entreprises), la volonté des agents économiques d'améliorer leur situation bilancielle. Jusqu'à une période récente, donc, le problème était de maintenir l'inflation à proximité de sa cible, sachant que la tendance naturelle de celle-ci était de s'en éloigner par le haut. Aujourd'hui, l'inflation n'est plus trop haute, mais trop basse, comme l'a rappelé la Fed dans le communiqué publié à l'occasion du dernier FOMC, ou encore Ben Bernanke dans son discours." "On se rend compte, donc, que les objectifs d'inflation sont symétriques. Le problème, c'est que les instruments de politique monétaire ne le sont pas. Quand l'inflation dérive vers le haut, la Fed peut augmenter l'objectif pour les Fed funds sans limite. Au début des années 1980, le niveau des Fed funds était proche de 20% ! Quand l'inflation dérive vers le bas, la Fed peut baisser ses taux jusqu'à 0%, ce qu'elle a fait (l'objectif pour les Fed funds est compris entre 0% et 0,25% depuis fin 2008. Mais si malgré ce niveau extrêmement faible des taux directeurs, l'inflation continue de baisser, la Fed ne dispose plus de marge de manoeuvre conventionnelle (on ne peut pas baisser les taux directeurs sous 0%). Il faut donc mettre en branle des instruments non conventionnels de politique monétaire, dont les achats d'actifs, et en particulier d'obligations souveraines." "Que se passe-t-il concrètement ? Comme la Fed ne peut plus jouer sur les taux dont elle a directement le contrôle, elle essaie de manipuler les taux de marché, ce qui marche forcément bien dans le contexte actuel (anticipations inflationnistes faibles, volatilité forte, taux directeurs à zéro). Il y a donc naturellement un écrasement important de la courbe des rendements des obligations souveraines, avec un niveau moyen de ces rendements très faible. Des taux longs bas sont indispensables pour soutenir l'activité, notamment l'investissement, et en particulier l'investissement immobilier, qui ne se redresse toujours pas aux Etats-Unis. Ils permettent donc, en théorie, d'atteindre plus facilement le second objectif de la Fed, qui est le plein emploi." "Or non seulement le taux de chômage est actuellement proche de 10%, mais en plus il est amené à rester élevé, car les créations d'emplois ne devraient pas dépasser de beaucoup, dans la période à venir, la progression de la force de travail. Bien sûr, la définition du plein emploi est loin de faire consensus. Il est atteint quand le NAWRU est atteint. Mais le débat fait rage sur le bon niveau du NAWRU. Toutefois, personne n'estime que ce NAWRU se situe à proximité de 10%, même s'il est vraisemblable que des rigidités soient apparues dans le marché du travail US, partant que le NAWRU soit plus élevé que les niveaux estimés avant la crise. La Fed a donc toutes les raisons de lancer le QE2." "Sauf, bien, sûr, que l'on n'en connaît pas les impacts à long terme. Il y a notamment un écueil, qui est potentiellement très important. La monétisation de dette, c'est de la manipulation de prix, et une invitation, pour les investisseurs privés (notamment les banques) à emboîter le pas de la Fed. Aujourd'hui, ce n'est pas un problème. Mais quand la Fed renoncera à cette politique, qu'il sera question de modifier la politique monétaire conventionnelle, et que les anticipations inflationnistes se renforceront, le risque d'un krach obligataire et de grosses difficultés pour les banques sera important. Autrement dit, il est peut-être très difficile de sortir d'un QE associé à une politique de taux zéro." AUT/ALO