Le marketing, la nouvelle arme des Etats

18/10/2010 - 11:09 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le rally obligataire sur les dettes périphériques a été impressionnant ces dernières semaines. En l'espace d'un mois, les rendements grecs ont chuté de 250 pb sur les maturités deux ans et dix ans et affichent désormais des niveaux respectifs de 7,60 % et 8,80 %. Les succès recueillis par le Trésor grec dans le cadre de ses émissions de bons du Trésor ont contribué à cette forte baisse des rendements, de même que les résultats particulièrement positifs du gouvernement en termes de politique budgétaire (le déficit pourrait atteindre 7,8 % dès cette année contre un objectif initial de 8,1 %). Fait relativement nouveau, l'optimisme dont bénéficiait jusqu'à présent la Grèce et dans une moindre mesure l'Espagne commence à atteindre les dettes portugaise et irlandaise. Ainsi, les rendements des deux dettes ont eux aussi violemment chuté dernièrement. Sur la zone dix ans, les Treasuries irlandaises ont surperformé l'Allemagne de 40 pb contre un gain de 25 pb pour les obligations du Trésor portugais sur la même zone. Cette situation est tout sauf étonnante. L'épisode des stress tests avait fait figure d'exemple il y a quelques mois de cela pour l'Espagne. A l'époque, la dette était délaissée par les investisseurs, jugée trop risquée du fait des difficultés rencontrées par les Cajas espagnoles. Grâce à la publication des stress tests, les craintes des opérateurs se sont envolées. Ces derniers étaient enfin capables d'apprécier le risque souverain espagnol à sa juste valeur. Les marchés ayant tendance à surestimer le risque souverain en phase de stress, s'en est alors suivi un rally presque continu sur la dette espagnole, faisant d'ailleurs de cette dernière l'une des plus rentables sur les trois derniers mois. Pour le Portugal et l'Irlande, le salut est venu respectivement des annonces de mesures budgétaires supplémentaires et des besoins de capitaux des banques irlandaises. Que le contenu des annonces soit négatif (c'était le cas des annonces irlandaises) ou non, ces dernières ont levé certaines incertitudes qui planaient sur le marché obligataire. Cela démontre une nouvelle fois la nécessité pour les Trésors et les gouvernements d'être le plus transparents possible et de rester visibles au sein du paysage obligataire. Dans le cadre des marchés financiers, l'adage "pas de nouvelle, bonne nouvelle" est tout sauf conseillé. Le marketing est devenu un enjeu crucial, surtout compte tenu des ramifications entre les principaux marchés financiers européens. Ainsi, alors que les tensions sur les dettes souveraines décroissent, nous observons un début de réouverture des marchés interbancaires pour les banques des pays fragilisés. Ceci est notamment visible au regard du fléchissement de la demande de ces banques dans le cadre des appels d'offres de la BCE (il est actuellement possible de se financer dans des conditions plus attractives dans le marché). Il y a donc du mieux en Europe. La baisse de l'aversion au risque est d'ailleurs illustrée par le rebond des indices actions. En Europe, ces derniers ont gagné de 1,5 % à 3 %, le CAC 40 gagnant près de 2 % à plus de 3 830 points. La performance des indices américains a été légèrement mois prononcée, cette dernière étant notamment pénalisée par les commentaires "dovish" de Ben Bernanke concernant les perspectives de croissance de l'économie américaine. Sur le plan monétaire, le président de la Réserve fédérale a d'ailleurs été particulièrement explicite concernant les intentions de l'institution. L'inflation est jugée trop faible et l'économie vacille. Afin de lutter contre ces "maux", la Fed s'apprête à prendre de nouvelles mesures non conventionnelles et pourrait même adopter, selon certaines rumeurs, une cible pour l'inflation américaine. Il faudra néanmoins certainement attendre la prochaine réunion du FOMC (le 4 novembre) pour avoir une idée plus concrète des décisions de la Fed. Ces commentaires ne sont pas sans impact sur les taux américains qui, du fait d'une potentielle augmentation des anticipations d'inflation, se sont fortement tendus sur les maturités longues (hausse de 30 pb sur les rendements trente ans sur les deux dernières semaines). Sur la parité euro-dollar, l'impact a même été plus violent. L'euro a ainsi gagné près de deux figures en l'espace d'une semaine, passant de 1,3870 à 1,4070 contre dollar. Un plus haut à 1,4150 a été touché ponctuellement, mais la tendance devrait rester haussière pour les semaines à venir. Après une semaine relativement satisfaisante en termes de statistiques économiques (notamment aux Etats-Unis), nous suivrons avec attention la publication des mises en chantier et de la production industrielle outre-Atlantique. En Europe, nous nous focaliserons sur la publication de plusieurs indicateurs avancés attendus en baisse en zone euro. Cyril Regnat, stratégiste, Natxis AUT/CHR