Rothschild & Cie Gestion cherche à se développer à l'international

25/10/2010 - 10:14 - Option Finance

(AOF / Funds) - Rothschild & Cie Gestion estime faire partie des quelques heureux gagnants de la crise. "En termes de performances, nous nous en sommes bien sortis sur toutes les classes d'actifs, indique Jean-Louis Laurens, associé gérant et directeur général de Rothschild & Cie Gestion. Si comme toutes les sociétés de gestion, nous avons enregistré une baisse des encours liée à un effet marché, nous n'avons cessé de collecter pendant la crise, y compris sur les actions." Ainsi, au plus fort de la crise, les encours ont-ils tout de même baissé, passant de 20,49 milliards d'euros à fin 2007 à 18,12 milliards d'euros à fin 2008, mais cette diminution est uniquement due à un effet marché, la collecte étant restée positive sur la période, selon la société de gestion. Qui plus est, grâce à une collecte d'un milliard d'euros depuis le début de cette année, la société de gestion a dépassé le niveau d'encours atteint en 2007 et affiche maintenant 21 milliards d'euros d'encours sous gestion. Ces actifs se répartissent entre trois activités distinctes selon le type de clientèle : la gestion d'actifs dédiée aux investisseurs institutionnels et aux distributeurs, la banque privée et la plateforme de sélection de fonds réservée aux conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI). La première cible de clientèle est la plus importante et correspond à peu près à la moitié des actifs sous gestion, soit 10,1 milliards d'euros. 6,9 milliards d'euros sont gérés dans le cadre de la banque privée sous une marque différente, à savoir Rothschild Patrimoine, et enfin 4 milliards ont transité par la plateforme Sélection R. Cette dernière devrait prochainement faire l'objet d'une fusion avec une autre plateforme, celle de la Banque Privée 1818, une filiale de Natixis. "Nous avons entamé des négociations exclusives avec la Banque Privée 1818 en vue de rapprocher nos deux plateformes Sélection R et 1818 Partenaires, indique Jean-Louis Laurens. Notre but est de compléter notre offre." A ce jour Sélection R propose 1 500 OPCVM, mais la société de gestion souhaite étoffer la gamme de ses services afin de pouvoir intervenir dans tous les domaines de compétences des CGPI. "Nous allons grâce à ce rapprochement pouvoir proposer également du crédit et des produits d'assurance comme la prévoyance." Un choix stratégique afin d'accroître les revenus générés par cette activité. "Une plateforme de sélection de fonds doit pouvoir offrir une gamme de produits et de services très large et générer beaucoup de volume afin de pouvoir vivre des rétrocessions", poursuit Jean-Louis Laurens. Un problème de rentabilité que ne connaît pas l'activité de banque privée de Rothschild & Cie Gestion qui se positionne à travers Rothschild Patrimoine sur le segment du très haut de gamme. "L'activité de banque privée se fait souvent en synergie avec la banque d'affaires du groupe, précise Jean-Louis Laurens. Nous traitons beaucoup d'opérations de fusion et acquisition avec une dimension patrimoniale. Celle-ci est analysée dès le projet de vente en amont. Nous intervenons également dans le cadre de la gestion des stock-options des cadres dirigeants. Nous possédons des services de family office très en pointe et totalement en architecture ouverte." Le groupe Rothschild mise dorénavant sur le développement grâce notamment à des recrutements en ingénierie patrimoniale. "Nous utilisons de plus en plus l'analyse ALM (c'est-à-dire la gestion actif-passif) pour la gestion privée, indique Jean-Louis Laurens. A ce titre, nous intégrons au passif comme contraintes des éléments tels que la fiscalité, le maintien d'un certain niveau de vie ou encore un objectif de transmission du patrimoine et nous organisons l'actif en fonction. Les clients sont actuellement très sensibles à cette approche, encore plus qu'aux performances." Cette activité est menée à Paris et à Bruxelles, le groupe disposant par ailleurs de sociétés soeurs à Zurich et à Londres. En matière de gestion d'actifs pour la clientèle des institutionnels et des distributeurs, la société de gestion oeuvre essentiellement à Paris où l'essentiel de la collecte est réalisé. En effet, Rothschild et Cie dispose d'une implantation à Londres et à New York où les fonds de multigestion alternative sont gérés, et d'une succursale à Zurich comprenant deux personnes qui commercialisent les produits de la société de gestion en Suisse, en Autriche et en Allemagne, le développement international reste limité. Les autres pays européens et notamment le Benelux et l'Espagne sont démarchés depuis Paris. L'objectif est maintenant de mettre le cap sur les marchés européens et sur l'international. "Courant 2011, nous allons poursuivre notre développement international et devrions accentuer notre présence commerciale en Espagne et en Italie", poursuit Jean-Louis Laurens. Une volonté d'ouverture présente aussi au sein de la gestion d'actifs. En effet, Rothschild & Cie Gestion a pour ambition de se constituer une expertise sur les marchés émergents en recrutant des spécialistes qui viendront compléter une équipe de gestion forte d'une quarantaine de personnes, réparties par classes d'actifs. La gestion actions, en premier lieu, est assurée par cinq gérants. Ce pôle couvre à la fois les actions européennes et américaines, les grandes capitalisations ainsi que les petites. Les gérants sont assistés par quatre analystes. "Les analystes ne travaillent que pour la gestion, précise Jean-Louis Laurens. Ils évaluent le "business model" des entreprises, tentent de comprendre comment elles peuvent défendre leurs marges et essaient dans ce cadre de dénicher des opportunités d'investissement dites convexes, c'est-à-dire des entreprises qui possèdent un potentiel de réévaluation important tout en ayant un risque de dévaluation faible. Nous appliquons cette approche avec rigueur : dès qu'une valeur n'est plus convexe, nous la sortons du portefeuille." Au-delà de l'analyse financière, le gérant intègre, même s'il n'a pas fait le choix de proposer des fonds socialement responsables (ISR), des critères extra-financiers. "Nous n'avons pas mis en place une équipe dédiée à l'ISR, rappelle Jean-Louis Laurens. En revanche, nous sommes capables de gérer selon cette thématique à l'intérieur d'un référentiel donné par un tiers. On intègre par ailleurs dans le processus de gestion des analyses sur la gouvernance ou encore sur les risques environnementaux qui peuvent être déterminants pour le suivi de certaines sociétés." Si l'analyse fondamentale est prépondérante dans la sélection des gérants qui se veulent être des purs "stock pickers", une vérification est ensuite menée sur l'ensemble des portefeuilles afin d'éviter une surexposition sur un secteur ou un marché qui serait contraire à la vision macro-économique de la société de gestion. Si un département composé de trois personnes est dédié à la recherche macro-économique, l'équipe de gestion actions s'y intéresse également car elle est aussi responsable de l'allocation d'actifs. "Didier Bouvignies et Philippe Chaumel qui chapotent la gestion d'actifs définissent l'allocation d'actifs essentiellement à partir d'une vision macro-économique", précise Jean-Louis Laurens. L'allocation d'actifs tient une place toute particulière dans le processus de gestion de Rothschild & Cie Gestion qui s'est fait une spécialité de la gestion flexible, initialement en direction des particuliers, et maintenant de plus en plus aussi pour les investisseurs institutionnels. "Nos fonds diversifiés ouverts de la gamme Elan, investis de façon très réactive en fonction des marchés sur les actions, les obligations ou le cash, rencontrent un franc succès du fait de leurs performances auprès de la clientèle des particuliers, explique Jean-Louis Laurens. Ils intéressent aussi beaucoup les institutionnels qui nous demandent des fonds dédiés avec le même processus d'allocation." Autre spécialité de l'équipe de gestion, la gestion obligataire menée par sept gérants se focalise sur les emprunts d'Etat, le crédit et les convertibles. Enfin, la société de gestion dispose d'équipes importantes en multigestion, une dizaine de personnes dont quatre analystes spécialisés dans la sélection de fonds sont dédiées à la multigestion classique, tandis qu'une quinzaine de personnes principalement basées à Paris, certaines étant à Londres et à New York, s'occupent de multigestion alternative. Cette dernière a souffert de la crise. "On perçoit un regain d'intérêt pour la multigestion alternative, précise Jean-Louis Laurens. On enregistre de nouveaux appels d'offres et un retour des flux même si ceux-ci ne sont pas spectaculaires. Ils concernent principalement l'Europe du Nord, les Anglo-Saxons et la gestion privée suisse." La société de gestion croit beaucoup au renouveau de cette gestion. "Les opportunités d'arbitrage pour les hedge funds vont augmenter avec le retrait des banques d'investissement américaines qui vont arrêter le trading pour compte propre, indique Jean-Louis Laurens. Les spécialistes quittent les banques et l'on devrait assister à un retour de la performance et du talent au bénéfice de la gestion alternative." Pour cela, la société de gestion n'a pas pris le virage des fonds newucits. "Les déceptions qui ont accompagné la gestion alternative pendant la crise pourraient revenir dans le cadre des fonds newucits, avance Jean-Louis Laurens. Forcer un fonds à être liquide n'est jamais une bonne idée. La directive AIFM pourrait être l'occasion de créer un cadre plus favorable à la distribution de fonds alternatifs." Le gérant préfère ainsi rester dans l'univers classique de la gestion alternative (hors newucits). Avec comme objectif global de conserver comme pour l'ensemble de sa gestion un esprit boutique. Sandra Sebag AUT/ACT