Le QE n'aura que des effets néfastes (Lombard Odier)

19/11/2010 - 12:20 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Lorsque les banquiers centraux sont à court d'idées et que les responsables politiques rechignent à prendre les mesures strictes qui s'imposent pour traiter les causes et non les symptômes, la politique de dernier recours du prêteur de dernier ressort semble être l'assouplissement quantitatif. Alors qu'elle est présentée par Ben Bernanke comme une mesure ordinaire de politique monétaire, aucune donnée théorique ou empirique ne vient en corroborer le bien-fondé - ce qui est regrettable", juge Lombard Odier. "Dans un article publié par le Washington Post, le président de la Réserve fédérale (Fed) explique le succès de cette politique à travers une réduction des taux d'intérêt et une augmentation subséquente des dépenses d'investissement. Parallèlement, la hausse de la richesse liée aux cours grimpants des actions soutiendrait la consommation privée et l'emploi. Malheureusement, tout n'est pas aussi évident que dans ces modèles économiques un peu simplistes !" "Comme Milton Friedman l'a remarquablement démontré, la masse monétaire multipliée par la vitesse de circulation est égale au niveau du PIB nominal (M x V = P x Y). Dans un modèle simpliste, il suffit d'augmenter M pour provoquer une hausse directe du PIB nominal (P x Y). Or, s'il peut être démontré que la vitesse de circulation de la monnaie baisse fortement à mesure que les taux d'intérêt se rapprochent de zéro et que les hausses de la masse monétaire (M) s'accompagnent d'un déclin proportionnel de la vitesse de circulation de ladite masse monétaire (V), alors les liquidités injectées - peu importe leurs quantités - seront sans effet sur la production et l'emploi." Le gestionnaire pointe "l'existence d'un impact négatif et neutralisant d'une expansion de la base monétaire par la Fed sur sa vitesse de circulation (cette même relation existe depuis maintenant vingt ans au Japon, sous une forme plus claire et plus prononcée encore, et force est de constater que l'assouplissement quantitatif n'a pas fonctionné là-bas non plus)". S'intéressant ensuite aux performances totales réelles de l'indice S&P500 et à la croissance réelle à terme du PIB sur un an, il observe que la pente de la courbe est de 0,032. "En d'autres termes, une hausse de 10% de la performance du S&P se traduit par une hausse d'environ 40 milliards de dollars du PIB réel (0,32%). Historiquement, cette hausse irait de pair avec la création de 16.000 emplois supplémentaires par mois, or l'économie en demande 160.000 par mois pour absorber la croissance potentielle de l'offre de main d'oeuvre." "Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, précisons que, dans le rapport sur le PIB du 3e trimestre 2010, le résidu s'élevait à 40 milliards de dollars. Pour avoir un impact sensible sur le PIB et ramener simplement ce dernier à son potentiel de croissance, le marché des actions devrait faire un bond d'environ 40%, ce qui, sachant que nous partons du 13e centile de valorisation sur ces 140 dernières années, signifie que le marché devrait atteindre 35x les bénéfices à 10 ans, soit le 3e centile de valorisation." "La création d'une bulle sur les marchés des actions n'a pas eu d'effet bénéfique en 1999/2000 et laisse penser que le ministre allemand des Finances a probablement raison d'affirmer que la politique d'assouplissement quantitatif n'a pas de sens." "Enfin, pour ce qui est de l'amplitude des effets potentiels de richesse, il convient de relever qu'environ 50% des ménages américains ne détiennent pas d'actions, et que la valeur des actions détenues par l'autre moitié s'élève à environ 11.000 milliards de dollars. Les recherches menées par la Fed à ce sujet suggèrent que l'effet de richesse est de 2 à 3 cents, tout au mieux. Un rendement de 10% impliquerait ainsi une hausse de 1.100 milliards de dollars en termes de richesse et seulement 22 milliards de dollars de dépenses supplémentaires des consommateurs (dans une économie de 14.700 milliards de dollars)." "En définitive, l'assouplissement quantitatif est un outil efficace uniquement quand on n'en a pas besoin (lorsque les banques et les emprunteurs jouent chacun leur rôle). Alimenter des bulles n'a eu que des effets néfastes ces dernières années et cette politique en promet de nouveaux." AUT/ALO