Inflation des pays en développement va peser sur les matières premières

29/11/2010 - 17:58 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Tandis que les décideurs sont surtout préoccupés du risque de déflation dans les pays occidentaux, le niveau élevé de l'inflation dans les pays en développement est bien plus lourd de conséquences pour les marchés de l'énergie et des autres matières premières. Les investisseurs fortement haussiers sur les prix de l'énergie doivent être conscients qu'ils vont affronter frontalement les autorités publiques des pays en développement", affirme Natixis dans sa revue hebdomadaire des matières premières. "Dans de nombreux pays en développement, les taux d'inflation pour 2010 se rapprochent des plus hauts atteints en 2008. Si la croissance des pays développés reste généralement plus faible que celle enregistrée en 2008, les pays en développement, au premier rang desquels la Chine, ont enregistré au cours des deux dernières années une forte croissance, qui suscite une accélération de l'inflation." "En Inde, l'inflation est supérieure à 10% depuis le début de l'année. En Chine, l'indice des prix à la consommation a atteint en octobre 4,4% en GA (le plus élevé depuis la fin 2008), et le marché redoute qu'il ne dépasse les 5% en novembre. Au Brésil, l'indice des prix à la consommation a dépassé les 5,5% en novembre, au plus haut depuis le début 2009, tandis que la Russie elle-même, qui avait enregistré début 2010 des plus bas de plusieurs années, connaît depuis les trois derniers mois une hausse de 2 points de pourcentage." "En 2008, les pays en développement étaient préoccupés du niveau de l'inflation, mais l'effondrement économique qui les avait guéris de l'inflation avait été provoqué pour l'essentiel par la dislocation des marchés financiers occidentaux ; rares sont les économistes qui imputent la récession mondiale de 2008/2009 aux politiques de lutte contre l'inflation. Mais alors que l'année 2011 commence bientôt, et que les pressions inflationnistes s'intensifient dans le monde en développement, il est sans doute nécessaire d'examiner de plus près ce qui s'était passé en 2008/2009 en matière de lutte contre l'inflation et quelles en avaient été les conséquences." "Tandis qu'en 2007/2008, les pays occidentaux se débattaient dans une crise financière, la Chine affrontait des problèmes très différents, avec un indice des prix à la consommation qui avait dépassé les 8% dans les mois précédant les jeux olympiques de Pékin. Après les jeux, la baisse d'activité de la sidérurgie et la réduction de la production d'énergie se sont accompagnées d'une forte baisse de la production automobile, rapidement suivie d'une chute de l'activité de l'industrie des métaux de base. Si au début de l'été 2008, les prix des matières premières avaient atteint un sommet, suivant de peu l'ascension de l'indice chinois des prix à la consommation, les uns comme les autres s'étaient effondrés avant la fin de l'année." "Il ne s'agit pas de suggérer que les autorités chinoises avaient délibérément cherché à faire baisser les prix des matières premières (la crise financière et le ralentissement économique suivant la fin des jeux olympiques étant plus que suffisants pour expliquer le déroulement des événements ) mais cette séquence illustre parfaitement ce lieu commun propre aux pays en développement : l'inflation y est avant tout inflation des matières premières. Pour nombre d'entre eux, il s'agit essentiellement de la hausse des prix des produits agricoles, tandis que pour d'autres, dont l'industrie est plus développée, les prix de l'énergie et des autres matières premières sont également des composantes très importantes de l'inflation domestique." "Si l'on se replace en Chine en 2008, les prix y étaient très fortement protégés des effets de la hausse considérable des prix de l'énergie enregistrée sur le marché international. Les prix des produits pétroliers étaient fixés à des niveaux qui ne tenaient guère compte de la rentabilité des raffineries, ce qui limitait les importations de brut. Les importations de charbon étaient faibles, la production minière domestique état suffisante pour couvrir à la quasi totalité des besoins du pays. Enfin, le gaz était pratiquement inexistant, représentant moins de 3,6% de la consommation d'énergie totale, son prix étant fixé à un niveau très bas en tout état de cause." "Aujourd'hui, le tableau est totalement différent. Avec l'introduction d'un nouveau système de fixation du prix des produits pétroliers, qui prend délibérément en compte les marges de raffinage, les importations de brut sont passées d'un niveau moyen de 3,5 Mb/j en 2007/ 2008 à 4,8 Mb/j en 2010 (en moyenne depuis le début de l'année). Les raffineurs chinois produisent des produits pétroliers et les importations de gazole et d'autres produits ont fortement chuté. Depuis 2007/2008, les importations chinoises de charbon ont rapidement augmenté, passant d'environ 4 Mt/mois à 14 Mt/mois (en moyenne depuis le début de l'année)." "Le gaz naturel devient également une composante de plus en plus importante du système énergétique chinois, la consommation apparente passant d'environ 6,5 milliards de m3/mois en 2007/2008 à près de 9 milliards de m3 en 2010 (en moyenne depuis le début de l'année). Compte tenu de la dépendance accrue de la Chine vis-à-vis du marché international de l'énergie, une forte réduction de l'indice des prix à la consommation suppose de contrôler les prix des produits énergétiques." "De nombreux commentateurs considèrent que le meilleur moyen d'y parvenir pour la Chine serait de réévaluer sa monnaie. Un tel choix semble improbable, compte tenu de l'orientation actuelle de la politique économique chinoise, il sera donc important d'analyser quelles mesures la Chine, et les autres pays en développement, mettront en oeuvre pour maîtriser les prix." "Historiquement, les pays en développement ont cherché à stabiliser les prix autant par des mesures administratives de contrôle des prix que par le durcissement de la politique monétaire. Nous pensons donc que les autorités chinoises, au-delà des modestes relèvements des taux d'intérêt, devraient adopter un ensemble de mesures visant à contrôler directement les prix. S'agissant des produits pétroliers, si le NDRC ajuste actuellement les prix de ces produits en fonction de l'évolution des cours du brut, il lui serait tout à fait possible de limiter l'ajustement à la hausse des prix des produits pétroliers, ou de les baisser de manière plus agressive. Une telle politique réduirait progressivement la demande de brut des raffineurs, à mesure que leur rentabilité se réduirait." "Pour le gaz, les prix sont toujours fixés par les autorités nationales et devraient donc rester fermement contrôlés, malgré les mesures de libéralisation marginales. Le charbon, d'où la Chine produit l'essentiel de son électricité, a connu au cours des dernières semaines une forte augmentation de prix, passés de 110,7 dollars/t début août à 127,32/t à la mi-novembre. En raison de cette hausse des cours, qui s'accompagne d'une pénurie de charbon dans certaines régions, particulièrement dans le nord du pays, un nombre croissant de centrales thermiques fonctionne à perte. Il est inquiétant que cela se produise au moment même où l'hiver s'installe dans l'hémisphère Nord, aussi le NDRC a-t-il enjoint les entreprises publiques qui produisent du charbon de stabiliser les prix, et a interdit aux autorités locales de restreindre la fourniture de charbon à d'autres provinces." "Si la Chine prenait ses distances avec les mécanismes de marché qu'elle a mis en place pour encourager la production d'énergie, la rentabilité de nombreuses entreprises du secteur en serait fortement affectée, ce qui pourrait se répercuter sur le niveau de production. Le contrôle des prix va de pair avec le rationnement, et la mise en place de tels contrôles pourrait conduire à une situation où les consommateurs devraient encore faire face à une pénurie d'énergie. Jusqu'en 2008, de telles situations avaient généralement pour conséquence le recours aux générateurs diesel, de sorte que les importations chez de fioul avaient atteint en juillet 2008 le record historique de 0,97 millions de tonnes." "Aujourd'hui, dans un tel scénario, il est fort probable que la demande de fioul progresserait à nouveau au détriment des autres produits énergétiques. Un ralentissement, voire une baisse des importations chinoises de produits énergétiques aurait un fort impact sur les marchés mondiaux de l'énergie, voire sur l'économie mondiale. La Chine représente 47% de la consommation mondiale de charbon. Sur le marché du pétrole, l'augmentation de la demande chinoise depuis 2008 représente 180% de l'augmentation globale de la demande. Sur le marché du gaz naturel, la Chine est le principal acteur marginal, en raison des efforts qu'elle a entrepris pour porter la part du gaz naturel de moins de 4% actuellement à plus de 10% à l'horizon 2020." "La hausse continue de l'indice chinois des prix à la consommation doit donc être considérée comme une menace majeure pour le redressement en cours de la demande mondiale d'énergie, et risque d'affecter non seulement la demande globale d'énergie mais les performances relatives des différents produits énergétiques." AUT/ALO