Emergents et matières premières : une bulle (Albert Edwards - SG)

03/12/2010 - 18:05 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Dans le contexte actuel de turbulences dans la zone euro, le sentiment à l'égard des pays émergents et des matières premières reste solide. Une fois encore, les investisseurs considèrent la Chine comme le seul investissement qui vaille", note Albert Edwards de Société Générale Cross Asset Research. L'analyste affirme rester convaincu "que nous sommes en train d'assister à la formation d'une bulle d'une ampleur sans précédent qui, en éclatant, prendra les investisseurs de cours comme ce fut le cas en Asie dans le milieu des années 1990". "L'argumentaire d'investissement en faveur des marchés émergents (ME) et des matières premières est attrayant : faible croissance des pays occidentaux et du Japon qui plient sous le poids de la dette massive du secteur privé et, à présent, du secteur public. La plupart des observateurs, et notamment le FMI, reconnaissent désormais que les effets des politiques monétaires accommodantes appliquées en Occident se transmettent dans leur quasi totalité aux économies émergentes. L'accès facile au crédit et la solide croissance des pays émergents à forte intensité de matières premières soutiennent la dynamique de marché haussière des matières premières, des valeurs minières et autres titres du secteur." "La conjoncture actuelle me rappelle à plus d'un titre l'euphorie générale qui régnait au S1 2008. A cette époque aussi, les investisseurs axés sur les pays émergents et les matières premières ne tenaient pas compte de la détérioration des indicateurs avancés des économies émergentes. Face à l'ampleur et au caractère soudain de l'effondrement des matières premières qui a suivi au S2 2008, la chute du Nasdaq a semblé bien modeste." "Une fois encore, l'indicateur avancé pour la Chine laisse présager un ralentissement économique très important de la croissance économique. La dernière fois que l'indicateur avancé de l'OCDE pour la Chine a été si faible, les matières premières venaient juste d'atteindre leur plus-haut de mi-2008, les investisseurs ayant passé les six premiers de l'année à ne pas relever les signes annonciateurs d'un brusque ralentissement de l'économie. Les investisseurs haussiers sur les matières premières et les marchés émergents ignorent à leurs risques et périls la faiblesse de l'indicateur avancé pour la Chine. L'indicateur avancé de l'OCDE n'est pas le seul à afficher un niveau si faible. L'Office national des statistiques chinois, qui publie son propre indicateur avancé, confirme en tous points la version de l'avenir de l'OCDE." "L'indicateur avancé officiel chinois se révèle même plus faible que l'estimation de l'indicateur de l'OCDE ! Il ne peut tout simplement pas s'agir d'une coïncidence. Non seulement l'économie émergente préférée des marchés devrait, semble-t-il, ralentir fortement, mais l'OCDE est également arrivée à la conclusion que le Brésil est officiellement en phase de ralentissement. L'Inde se trouve même dans une situation plus critique, qualifiée de point de retournement, à l'instar des cinq grands pays asiatiques (Chine, Inde, Indonésie, Japon et Corée) lien. Il est étonnant que de telles nouvelles passent aussi inaperçues au milieu de l'euphorie générale des marchés émergents et des matières premières." "Comme nous l'avons souvent répété, d'importantes liquidités ne peuvent à elles seules suffire à soutenir la hausse des marchés émergents et des matières premières. Face à un ralentissement cyclique marqué, le cycle prédominera et les prix s'effondreront. La conjoncture actuelle est tout simplement identique à celle du premier semestre 2008." "Les marchés émergents et les matières premières ne sont pas les seuls à rouler sur la réserve. Le rally du marché actions américain semble être soutenu par des données économiques plus solides que prévu. Nous appelons donc de nouveau à la prudence et rappelons à nos lecteurs l'expérience du début des années 1990. Nous avons alors connu quelques années de désendettement du secteur privé après la crise des Savings and Loans. Et ce n'est qu'à partir du second semestre de 1993, bien après la fin de la récession, que l'appétit du secteur privé pour la dette est revenu et qu'un service normal a repris." "Pendant le processus de désendettement au début des années 1990, l'économie est restée extrêmement fragile. Il n'y a pas eu une seule dégradation des données économiques au lendemain de la première reprise qui a suivi la récession, mais trois, les chiffres enchaînant une succession de pics et de creux. Au cours de cette période, chaque alerte sur la croissance a tiré les rendements obligataires à des niveaux encore inférieurs. A l'identique cette année, après la première reprise, les investisseurs ont été frappés par la contraction des données économiques. Celles-ci semblent désormais se redresser. Si l'on tient compte de l'expérience du désendettement du début des années 1990, les investisseurs devraient s'attendre à davantage de rechutes dans le futur et à une réaction des marchés à mesure que nous nous rapprochons de la déflation." AUT/ALO