Mat. prem. : rendement réel à long terme nul (SG Cross Asset Research)

23/12/2010 - 11:55 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Compte tenu de la pénurie qui se développe dans des secteurs clés de l'univers des matières premières (énergie, métaux industriels et produits agricoles), les raisons de s'exposer aux marchés des produits de base ne manquent pas. Mes lecteurs réguliers connaissent mon opinion particulièrement optimiste à l'égard des produits agricoles (et aussi de l'or, que je considère toutefois comme une devise). Toutefois, il existe un très bon argument pour ne pas investir dans les matières premières elles-mêmes : un rendement réel à long terme attendu nul", juge Dylan Grice de SG Cross Asset Research. "Depuis des siècles, les fluctuations des cours des matières premières fascinent les spéculateurs, mais pourquoi les investisseurs devraient-ils s'y intéresser ? Les matières premières ne sont pas des actifs productifs, aussi comment peuvent-elles créer de la richesse au fil du temps ? Pourquoi devraient-elles fournir aux investisseurs une prime de risque récupérable ? La performance des matières premières peut se décomposer en deux parties : le rendement spot (performance du cours au comptant) et le rendement issu du roulement des positions ou roll. Selon moi, il n'est pas évident que ces deux composantes constituent des sources fiables de profit cumulable." "Les précédents marchés haussiers des matières premières ont présenté nombre de similarités avec les dirigeants des équipes de football anglaises : ils ont beaucoup promis, se sont distingués un temps, puis se sont écroulés, brisant le coeur de ceux qui croyaient le plus en eux. (...) les prix réels des matières premières ont stagné sur longue période. Les marchés haussiers ont eu tendance à revenir à leur point de départ." "Ces considérations laissent entrevoir un avenir brillant et fructeux aux opérateurs habiles, capables d'identifier le point bas des marchés baissiers et le point haut des marchés haussiers. Les autres auront la chance de faire aussi bien que le supporter lambda de l'équipe de football anglaise. Il y aura des hauts et des bas, mais l'histoire suggère que les investisseurs passifs buy and hold dans les matières premières risquent d'obtenir des rendements réels nuls. Mieux vaut construire un portefeuille composés de sociétés qui fournissent des équipements/produisent des matières premières à faibles coûts ou confier la gestion de ses actifs à des spécialistes des marchés des matières premières, qu'il s'agisse de fonds CTA suiveurs de tendance ou de spéculateurs compétents (si vous pouvez en trouver à prix raisonnable)." "Pourquoi les matières premières devraient-elles conférer aux investisseurs une prime de risque ? Les prix réels des matières premières ne finissent-ils pas, au fil du temps, par baisser ? Un boisseau de blé, un morceau de minerai de fer ou un lingot d'argent présentent aujourd'hui toutes les caractéristiques d'un boisseau de blé, d'un morceau de minerai de fer ou d'un lingot d'argent d'il y a mille ans. La seule différence tient au fait qu'ils sont à présent généralement moins chers à produire dans la mesure où, avec le temps, les progrès technologiques ont diminué les coûts de production. Lorsque vous achetez des matières premières, vous allez à l'encontre de l'innovation." "A l'évidence, les performances réalisées par le passé ne garantissent en rien les résultats futurs mais la capacité à innover a, jusqu'à présent, permis aux hommes de dépasser les contraintes de la nature. Un marché des matières premières haussier n'est, par essence, rien d'autre qu'un goulet d'étranglement, mais les hommes sont toutefois toujours parvenus à outrepasser cet obstacle. Historiquement, les phases haussières se sont pour la plupart achevées au niveau même où elles avaient débuté." "Le gaz naturel est un parfait exemple. J'ai sur mon étagère un livre écrit en 2004 par Julian Darley qui, au moment où je l'ai lu, m'a profondement marqué. Dans cet ouvrage intitulé High Noon for Natural Gas, l'auteur déplore le manque de planification de la pénurie de gaz naturel qui se profile à l'horizon aux Etats-Unis. +Le pic d'extraction du gaz naturel a été atteint aux Etats-Unis, et par extension au Canada et au Mexique... Pour l'Amérique du Nord, qui se rapproche à grands pas d'une fracture énergétique dans le domaine des énergies fossiles (creusement de l'écart entre une demande élevée d'énergie et une contraction de l'offre), la question se résume à savoir s'il est opportun de construire des dizaines de nouveaux terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié.+ En augmentant leur dépendance aux importations, les Etats-Unis auraient renoncé tout simplement au peu de sécurité énergétique dont ils bénéficiaint encore à l'époque." "Quelques années plus tard, ces prophéties se matérialisaient. En juin 2008, le gaz naturel s'échangeait à environ 14 dollars/Mbtu. L'un de mes amis (un trader en matières premières très en vue) m'avait alors raconté qu'en raison de problèmes d'approvisionnement en Asie, les livraisons de gaz naturel liquéfié à destination des Etats-Unis seraient détournées et laisseraient le marché américain en situation de pénurie grave, sauf si le prix moyen de vente du gaz naturel venait à atteindre 20 dollars/Mbtu. Je l'ai cru." "Alors même qu'il parlait, les prix du gaz naturel se sont effondrés. De nouveaux gisements de gaz non conventionnel piégé dans des roches de schiste très peu perméables, considérés jusqu'ici inatteignables, ont pu être facilement exploités grâce aux dernières techniques de fracturation hydraulique et de forage horizontal. Ces techniques, autrefois chères et utilisées à titre expérimental, se sont généralisées et sont aujourd'hui souvent moins chères que des techniques plus établies. Le gaz non conventionnel pourrait même être abondant. Les roches de schiste seraient en effet présentes un peu partout dans le monde. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les réserves mondiales de gaz de schiste seraient plus de cinq fois supérieures aux réserves actuelles de gaz conventionnel." "Ces estimations sont-elles correctes ? Je n'en ai aucune idée et seul l'avancement des forages permettra d'en savoir plus. Comme en atteste la récente évolution du marché du gaz naturel, le cycle incessant de spéculations, de R&D et d'adaptation, inhérent à la nature humaine, a fait fortement chuter les prix élevés des matières premières. Les techniques qui ont été si favorables aux producteurs de gaz naturel et si néfastes pour les investisseurs en gaz naturel semblent également s'avérer payantes dans l'industrie pétrolière. Selon un récent article du Financial Times, un bail d'exploitation minière dans la formation de Niobrara coûtait il y a quelques années 10 dollars l'acre contre environ 6.000 dollars l'acre aujourd'hui." "Grâce à ces techniques, la production de pétrole dans le Dakota du Nord a progressé de 160% au cours des trois dernières années. Les techniques de fracturation hydrauliques pourraient-elles produire les mêmes effets sur le marché du pétrole que sur celui du gaz ? J'en doute, pour un certain nombre de raisons, mais qui peut vraiment savoir ? Je sais, en revanche, que je préférerais plutôt investir dans les groupes pétroliers intégrés à faibles coûts, les sociétés d'exploration et de production et les entreprises de forage qui tentent de trouver une solution aux problèmes énergétiques mondiaux que dans les matières premières elles-mêmes." "A ce stade, vous êtes probablement en train de vous dire : les investisseurs en matières premières interviennent sur les marchés de futures, pas sur les marchés spot, et c'est sur ces marchés, en reconduisant leurs contrats, qu'ils profitent d'une prime de risque. Keynes affirmait en effet que les prix des contrats à terme devaient être inférieurs aux prix attendus des contrats au comptant pour que les vendeurs de contrats à terme puissent payer une assurance aux spéculateurs qui supportent le risque de la volatilité des prix. Par conséquent, sur un marché des matières premières normal, les contrats futures à plus longue échéance doivent être moins chers que les contrats spot. Un tel marché est alors en situation de backwardation." "Les investisseurs long-only profitent de cette prime d'assurance en modifiant les échéances des contrats futures dans des marchés en situation de backwardation. Prenons le cas d'un prix spot du pétrole à 80 dollars le baril. Si la plupart des investisseurs ne peuvent pas acheter le pétrole au comptant, ils peuvent en revanche acheter le contrat à terme d'échéance la plus courte qui à l'heure actuellle arriverait à échéance en décembre 2010. Et plutôt que de prendre livraison physique du pétrole en décembre à expiration du contrat, ils revendent le contrat et achètent le contrat de l'échéance suivante, mars 2011. Lorsque le contrat à échéance mars 2011 expire, ils achètent le contrat à échance juin 2011, et ainsi de suite." "Supposons que le contrat à échéance décembre 2010 s'échange à 80 dollars et le contrat à échéance mars 2011 à 78 dollars. Lorsque l'investisseur décide de reconduire son contrat à l'échéance suivante, il vend son contrat à échéance décembre 2010, 80 dollars et achète le contrat à échéance mars 2011, 78 dollars. Si les prix spot restent inchangés à 80 $, le contrat à échance mars 2011 augmentera de 2 dollars lors de son expiration. S'il reconduit son contrat d'un trimestre sur l'autre et que les prix spot restent stables à 80 dollars, l'investisseur aura réussi à dégager 8 dollars d'ici à la fin de l'année, soit un rendement de 10%." "Pour profiter de la prime de risque, les prix des contrats à terme d'échéance la plus courte doivent toutefois être systématiquement plus élevés que ceux des contrats à terme d'échéance plus éloignée. Actuellement, les prix des contrats à terme sur l'aluminium, l'argent, le blé, le soja, le pétrole et le gaz naturel augmentent avec la maturité. En d'autres termes, le prix du nouveau contrat est plus élevé que le prix de l'ancien contrat. Il s'agit d'une situation de contango. Les chercheurs universitaires ont constaté le même phénomène. D.E. Allen et al ont analysé les prix des contrats à terme sur les marchés LIFFE, SFE et SIMEX et sont arrivés à la conclusion qu'une backwardation normale n'est pas normale... une prime de risque positive ne semble pas exister sur la majorité des marchés analysés." "(...) au cours des vingt dernières années, le contango (pente ascendante des futures, soit l'opposé de la backwardation) a été la situation normale et le prix du nouveau contrat acheté a été plus élevé que celui du précédent : les investisseurs ont donc payé une prime de risque au lieu d'en recevoir une !" "Si les investisseurs avaient bénéficié d'une prime en reconduisant systématiquement les indices de futures, leur rendement total serait supérieur à celui du marché spot. Par conséquent, le ratio Indice Total return/Indice Spot devrait croître progressivement dans le temps. Pourtant, le ratio est resté nul ces vingt dernières années." "(...) sur les vingt dernières années, le rendement annualisé du GSCI Total return a été de 4,3% en dépit d'un taux spot de 5,2%. En d'autres termes, le rendement du sous-jacent (roll yield) a été de -0,9%. Depuis le début de l'année 2000, il s'est même encore détérioré. Le rendement de l'indice GSCI Spot affiche en annualisé un impressionnant 9,9%, mais le Total return n'a engrangé que 3,9%. Le roll yield a été de -6% !" "Si la forme du strip de futures détermine le rendement probable qu'obtiendront les investisseurs, vous penserez peut-être que les investisseurs devraient se restreindre à acheter des marchés de matières premières en backwardation et de vendre à découvert des marchés qui sont en contango. Outre la complexité de mise en oeuvre d'une telle stratégie qui va à l'encontre de la notion d'investissement indiciel passif, elle aurait probablement été assez difficile à réaliser cet