Hausse de volatilité des matières premières en 2011 (Natixis)

07/01/2011 - 16:14 - Option Finance

(AOF / Funds) - "L'économie mondiale est désynchronisée. Alors que certains pays commencent seulement à sortir de la récente crise financière, d'autres sont déjà bien avancés dans la voie du redressement, et les pouvoirs publics s'inquiètent désormais davantage de l'inflation que de la croissance. Aux États-Unis, la Fed, s'inscrivant en fort contraste avec la situation économique mondiale, continue de mener une politique de détente monétaire ultra expansionniste, alors que d'autres banques centrales montrent la voie du durcissement monétaire", note Natixis. "Selon nous, cette situation pourrait se traduire par une hausse de la volatilité des prix des matières premières, alors que s'affronteront des politiques aux effets contradictoires sur les cours des matières premières." "Aux États-Unis, le Fed, renouant avec la détente quantitative, poursuit une politique de très forte stimulation monétaire, encourageant la croissance américaine et résultant également en une injection de liquidités à l'échelle mondiale qui s'investissent dans un large éventail de devises et d'actifs financiers. La politique de détente monétaire de la Fed s'accorderait parfaitement avec une consolidation fiscale, mais si des mécanismes restrictifs automatiques forcent les Etats et les municipalités à l'austérité fiscale, aucun signe de réduction des déficits n'apparaît encore au niveau fédéral." "Alors qu'à la Chambre des représentants, la majorité a récemment basculé du côté républicain (avec l'élection d'un certain nombre de représentants des Tea Parties), l'interaction entre le Congrès et le Président Obama sera cruciale pour déterminer de quelle manière les Etats-Unis mettront en oeuvre une politique de responsabilité fiscale. Un autre élément crucial du puzzle économique en 2011 sera la réaction éventuelle de la Fed à un redressement de l'économie américaine, c'est-à-dire quel serait le degré de faiblesse de l'économie qui exigerait une expansion de la détente quantitative au-delà de l'objectif initial de 600 milliards de dollars." "En Europe, la question principale reste celle de la soutenabilité de la situation budgétaire de certains Etats membres de l'Union européenne. Alors que 370 milliards d'euros de dette souveraine devraient être émis en 2011 par les Etats membres périphériques de l'Union européenne, il existe un risque que la crise de la dette grecque et irlandaise ne s'étendent à des pays dont le poids économique est plus significatif au sein de la zone euro, tels que l'Espagne. A ces difficultés déjà sérieuses, pourrait s'ajouter un dérapage de l'inflation : si l'inflation excède les 2%, la BCE pourrait devoir resserrer sa politique à un rythme que certains Etats pourraient avoir du mal à suivre." "En 2010, les craintes suscitées par la dette européenne ont fortement tiré les cours de l'or, certains investisseurs, particulièrement en Europe, y cherchant un placement refuge. Il est tout à fait possible que de nouveaux épisodes de la crise européenne de la dette ne résultent en une nouvelle hausse des cours de l'or, bien que le redressement général de la croissance en Europe et l'adoption par tous les pays membres de mesures d'austérité budgétaire suggèrent que cette dynamique du marché de l'or pourrait prendre fin." "Dans les pays en développement, la priorité de la politique économique bascule rapidement de la croissance à l'inflation, alors qu'elle atteint ses niveaux plus élevé depuis 2008, en grande partie en raison de la hausse récente des cours des matières premières. Au cours des premiers mois de l'année, l'inflation des prix alimentaires sera une importante préoccupation." "Soutenus par les fondamentaux d'une offre insuffisante, d'une demande mondiale soutenue et d'une production compromise par l'inversion des régimes climatiques, les cours des produits agricoles ont augmenté de plus de 60% au S2-2010. Alors qu'el Ni[-92]¿o a ravagé les cultures en Russie, en Asie et aux Etats-Unis à la mi-2010, la Ni[-92]¿a se fait maintenant sentir dans l'hémisphère Sud, menaçant les cultures de l'Argentine à l'Australie. Aucune amélioration du côté de l'offre n'est attendue au premier trimestre 2011, et les incertitudes devraient se traduire par une forte volatilité des prix agricoles au cours du premier semestre." "La demande des pays en développement restera forte, la Chine restant un acteur clé des marchés du maïs et du soja alors que son appétit augmente. Il existe des raisons de penser que les cours des céréales, des oléagineux et des produits agricoles en général pourraient encore augmenter au T1-2011, et si les fondamentaux se dégradent encore, les prix pourraient se rapprocher des records de 2008, qui avaient provoqué alors d'important troubles sociaux dans les pays en développement, en raison du niveau trop élevé des produits alimentaires." "On peut se demander ce qui se serait passé en 2008 si le monde occidental n'avait pas été frappé par une crise financière. L'année 2011 pourrait nous permettre de répondre à cette question. Les pays en développement disposent de deux options complémentaires pour maîtriser l'inflation, le resserrement de la politique monétaire et le contrôle administratif des prix. La politique monétaire permettra de contrôler les pressions inflationnistes en ralentissant l'activité économique, et impliquera une hausse des taux d'intérêt, une appréciation des devises concernées et le risque de mouvements sociaux, le resserrement monétaire affectant plus sévèrement les couches les plus vulnérables de la population." "Le contrôle monétaire peut sembler parvenir à limiter l'inflation, mais en l'absence de ralentissement économique, il correspondra à une simple forme de rationnement des volumes, qui pèsera encore plus lourdement sur les plus vulnérables, avec un risque élevé d'agitation sociale. Pour contenir les tensions inflationnistes persistantes, il sera probablement nécessaire de mettre en oeuvre ces deux types de politiques." "En Chine, les autorités monétaires ont relevé une seconde fois les taux d'intérêt le 26 décembre, semblant s'engager dans la voie d'un durcissement monétaire, et la hausse du taux repo à une semaine à un haut de 6,34% au cours des derniers jours de 2010 indique que les conditions de crédit sont sans doute déjà plus dures que beaucoup ne le pensaient après la hausse à 18,5% des réserves obligataires le 10 décembre dernier. Il n'est donc pas surprenant que le taux dollar/yuan soit tombé en dessous des 6,59 fin décembre ; à l'inverse, il ne sera pas davantage surprenant qu'un nouveau resserrement monétaire s'accompagne d'une poursuite de l'appréciation du yuan." "Cette année, deux questions clés seront le degré de resserrement de la politique monétaire dans les pays développés, et le délai dans lequel ce resserrement permettra de maîtriser l'inflation, qui affecteront les marchés de nombreuses matières premières. Nous serions surpris que les investisseurs chinois ou indiens conservent leur récent engouement pour l'or, si les taux d'intérêt domestique continuent à croître et que les autorités permettent une appréciation du yuan, et de la roupie contre le dollar." "L'essentiel de la récente hausse de la demande d'énergie et de métaux de base provenait des pays en développement. Alors que la mise en oeuvre de mesures de contrôle administratif des prix pourrait se traduire par un dysfonctionnement de ces marchés, tout ralentissement économique résulterait potentiellement en un tarissement d'une source additionnelle de demande de matières premières sur les marchés internationaux." "Au cours des dernières années, les cours des métaux précieux ont profité de la crainte que l'inflation ne soit alimentée par les mesures prises par les banques centrales pour combattre la déflation. Maintenant que l'inflation arrive et que les banques centrales remisent leurs politiques expansionnistes au profit de politiques restrictives, nous pensons que le cours spot de l'or pourrait baisser à mesure de la hausse des taux d'intérêt. Un autre angle d'analyse est le ratio cours de l'or/ cours du pétrole." "Généralement, ce ratio diminue pendant les périodes de croissance et d'inflation, et augmente symétriquement pendant les périodes de récession (voire de déflation). Alors que les cours du brut dépassent les 90 dollars le baril et que l'inflation augmente, ce ratio devrait donc baisser et tendre vers la zone basse de sa fourchette historique. Actuellement, le ratio est proche du milieu de cette fourchette, tandis que des indicateurs similaires, tels que le ratio cours de l'aluminium/cours de l'argent, s'établissent aujourd'hui à des extrêmes historiques, offrant des opportunités intéressantes." "La croissance rapide du marché automobile dans les pays en développement a constitué une source majeure de demande pour différentes métaux de base et produits énergétiques en 2010. Il existe un risque réel que cette croissance ne soit ralentie par la hausse des taux d'intérêts ou les autres mesures prises pour éviter une croissance excessive. En Chine, le marché automobile deviendra progressivement plus difficile en 2011, comme le montre la décision du ministère des finances de rétablir les taxes sur les véhicules de petite cylindrée à leur niveau de 2008 (soit 10%), tandis qu'à Pékin les autorités municipales ont décidé de limiter les nouvelles immatriculations à 240 000 véhicules seulement, soit le tiers des immatriculations enregistrées en 2010." "Les cours de l'énergie affectent à la fois l'inflation et le cycle économique. Des cours élevés de l'énergie suscitent une hausse de l'inflation, particulièrement dans les pays en développement, encourageant de ce fait les autorités monétaires à mettre en oeuvre des politiques anti-inflationnistes. Selon la conjoncture économique, des cours énergétiques élevés se traduisent également par une baisse de la demande, dont l'impact est ressenti d'autant plus fortement que le cycle économique bascule progressivement de la croissance à la récession." "Une hausse excessive des cours énergétiques porte donc en elle-même les germes de son extinction, les pics contribuant aux plus bas, le niveau élevé des cours participant au passage de la croissance à la récession. Compte tenu de la hausse récente des cours du brut aux alentours des 95 dollars le baril, le prix de l'essence est désormais supérieur au niveau qui avait vu la demande américaine s'effondrer en 2008. Si la vigueur actuelle de l'économie américaine suggère que l'impact sur la demande sera relativement modeste, l'épisode de 2008 nous incite à penser que la demande pourrait diminuer dans les économies les plus susceptibles d'entrer en récession." "D'un côté, la politique monétaire expansionniste conduite par les États-Unis contribue à l'inflation des actifs et donc à la hausse des cours du brut. De l'autre, cette hausse des cours du brut contribue à la hausse de l'inflation à un niveau inacceptable dans de nombreux pays développés, et aboutira au final à une baisse de la demande d'énergie. La situation est très différente de celle de 2010, où la dynamique du marché du pétrole avait eu pour conséquence un maintien des cours aux alentours des 80 dollars le baril, avec une volatilité exceptionnellement basse, et nous pensons que 2011 pourrait voir le schéma observé en 2008, la baisse succédant à la hausse, d'autant plus prononcée à long terme que la hausse avait été vive à court terme." AUT/ALO