L'afflux de liquidités, défi majeur des monnaies latino-américaines

17/01/2011 - 11:19 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Dans un contexte de liquidité mondiale abondante, de marchés développés dépréciés et de bonnes perspectives domestiques, les économies d'Amérique latine connaissent, depuis le début de 2010, des entrées massives d'investissements étrangers. Le différentiel de taux d'intérêt, positif partout, élevé dans certains cas, favorise les investissements en rente fixe alors que les bonnes perspectives économiques et les performances actuelles des marchés boursiers attirent les investissements en rente variable", juge Natixis. "Ces afflux de capitaux étrangers provoquent une forte appréciation des monnaies qui sont revenues, contre le dollar, à des niveaux comparables à ceux de mi-2008, lorsque les devises latino-américaines avaient enregistré des niveaux d'appréciation historiques." "Face à cette conjoncture, les autorités publiques se montrent préoccupées. D'une part, l'appréciation des devises pénalise les secteurs exportateurs manufacturiers et pourrait peser sur la balance commerciale. D'autre part, même si toutes les catégories de flux entrants en Amérique latine sont reparties de manière dynamique dès fin-2009, ce sont les postes investissements de portefeuille et autres investissements (dépôts, emprunts, crédits commerciaux...) qui ont le plus progressé en 2010." "Au Chili, en Colombie et au Pérou, certes, les IDE restent dominant dans le total des flux mais au Brésil et au Mexique, la prévalence des investissements de portefeuille expose les économies à la volatilité de ces flux en cas de revirement brutal des anticipations. En particulier, la volatilité plus forte des entrées de capitaux au Brésil peut s'expliquer par la taille de son marché des capitaux : le premier de la région en termes de capitalisation et de liquidité. Son degré de sophistication plus élevé (notamment l'existence de produits dérivés plus complexes) en fait une destination privilégiée pour les investisseurs étrangers qui souhaitent s'exposer à la région." "La liquidité plus importante implique, en revanche, une réaction rapide des investisseurs aux retournements des anticipations, ce qui engendre plus de volatilité. Néanmoins, alors que la région est caractérisée par un taux d'épargne relativement faible (autour de 20%), un accès accru aux sources de financement externes pourrait constituer une opportunité pour le financement du développement en Amérique latine. En effet, l'appétit des investisseurs internationaux pour les marchés financiers latino-américains a permis de diminuer les coûts de financement, notamment les taux d'intérêt servis sur les obligations même pour des maturités relativement longues." "Au niveau des prêts bancaires, la région bénéficie d'une préférence accrue de la part des banques des pays industrialisés au détriment des pays d'Europe en crise et de certaines régions émergentes (Europe de l'est, MENA). Ainsi, selon le dernier rapport trimestriel de la BRI, les prêts à l'Amérique latine ont été en hausse pour le cinquième trimestre consécutif au T2. Le Brésil canalise l'essentiel de ces flux. Pour autant, on observe que, dans le même temps, le taux d'investissement n'a pas fortement progressé, ne revenant pas au niveau d'avant crise (il se situe entre 15% et 30% selon les pays)." "En particulier, au Mexique, on observe même une baisse du taux d'investissement depuis 2008 alors que le pays n'a pas été exclu des fortes entrées d'investissements de portefeuille dans la période récente. Il apparaît ainsi que les entrées d'investissements de portefeuille se sont surtout dirigées vers les marchés secondaires (à quelques rares exceptions près comme l'augmentation de capital de Petrobras au Brésil en septembre 2010) et n'ont eu qu'un impact limité sur le comportement des marchés primaires c'est-à-dire qu'ils n'ont pas eu une contribution forte directe au financement productif des économies." "Le gonflement des marchés secondaires s'explique alors par les anticipations positives et les perspectives de gain à court terme (rendements élevés et appréciation des monnaies). Outre les risques inhérents à la volatilité des mouvements de capitaux, la contrepartie de la hausse des investissements étrangers en obligations domestiques et la reprise des prêts étrangers est aussi une hausse de l'endettement extérieur. Si les ratios de dette externe/PIB restent faibles, le comportement des agents domestiques à cet égard est à surveiller compte tenu des déséquilibres qu'il peut générer." "D'une part, une correction des monnaies latino-américaines pourrait mettre les agents endettés en devise en difficulté. D'autre part, l'afflux de ressources extérieures dans les systèmes bancaires locaux, qui se traduit par une forte progression du crédit domestique pourrait contribuer à générer des bulles sur certains actifs (marché immobilier par exemple). Face à ces risques (volatilité, endettement extérieur accru, bulles, perte de compétitivité...), les autorités publiques latino-américaines ont multiplié les interventions de change visant à limiter l'appréciation des devises voire ont mis en place des mesures destinées à décourager certains investissements." "C'est le cas du Brésil par exemple qui taxe les investissements étrangers en rente variable (2%), en rente fixe (6%), les dérivés (6%) et qui vient de mettre en oeuvre un dépôt obligatoire non rémunéré sur les positions courtes en dollar des banques afin de freiner l'appréciation du réal sur les marchés de futurs. La multiplication des interventions de change des banques centrales pour tenter de limiter l'appréciation des monnaies a conduit les pays à accumuler d'importantes réserves de changes qui atteignent des maxima historiques." "Mais, alors que les pressions inflationnistes se sont accrues au cours des derniers mois, la difficulté de rendre compatible politique monétaire et politique de change va se faire plus visible. Dans ce cadre, la mise en place de nouvelles mesures de contrôles de capitaux de la part des autorités publiques est assez probable. Si les mesures déjà prises ont eu un impact à court terme sur l'évolution des devises (sur le réal, le peso chilien et le peso colombien par exemple), leur impact sur la tendance d'appréciation des monnaies latino-américaines est plus incertain et sera mis à l'épreuve de la sophistication des marchés financiers." "Ainsi, l'abondante liquidité qui prévaudra à l'échelle internationale et son impact sur les émergents sera un défi majeur pour les autorités publiques latino-américaines en 2011. La mise en place de contrôles visant à décourager les entrées de capitaux spéculatifs peut se justifier, dans le but de préserver la compétitivité des industries domestiques et d'éviter des déséquilibres macroéconomiques et financiers importants." "Pour autant, la disponibilité de ressources financières peut être une opportunité pour l'Amérique latine si elle canalise cette épargne vers l'investissement productif au regard des besoins de la région qui doit en effet augmenter sa productivité alors que les différentiels de croissance et d'inflation avec les économies développées pousseront nécessairement les taux de change réels à s'apprécier." "Enfin, en marge de ce mouvement régional, l'Argentine, dont la situation envers les marchés financiers internationaux tend à s'améliorer après la nouvelle restructuration de la dette en défaut envers les créanciers privés (2010) et la réouverture des négociations avec le Club de Paris a également enregistré une hausse des entrées de capitaux en 2010. La banque centrale gère néanmoins activement le taux de change qui connait une tendance de dépréciation nominale modérée." "En revanche le Venezuela, dont la situation économique est restée dégradée en 2010 a enregistré des sorties de capitaux. Le gouvernement a par ailleurs annoncé une nouvelle dévaluation du bolivar (en régime de change fixe) avec l'élimination du taux de change pour les biens prioritaires à 2,6 bolivars vénézuéliens contre 1 dollar et de ce fait la généralisation du taux de change de 4,3 bolivars contre 1 dollar pour l'ensemble des biens." AUT/ALO