Le métier de banquier central a bien changé (Natixis)

20/01/2011 - 12:18 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Pas facile la vie du banquier central aujourd'hui. Avant la crise, son job était tranquille : il se résumait à garantir la stabilité des prix. Or ces derniers étaient un peu partout assez stables, sans que le banquier central n'y soit pour grand-chose : l'environnement global, caractérisé par des surcapacités de production et une concurrence accrue empêchait l'inflation de s'envoler", juge René Defossez, de Natixis. "Tout au plus peut-on penser que le banquier central jouait (un peu) sur les anticipations inflationnistes en donnant des signaux avec les taux directeurs, qui constituaient très souvent le principal instrument de politique monétaire." "Dans les marchés, ce monde idéal se caractérisait, par exemple, par des courbes de points morts d'inflation très plates, et sur la courbe des taux nominaux par une volatilité des rendements courts nettement plus élevée que celle des rendements longs (les banques centrales jugées crédibles contribuaient à stabiliser les taux longs. Ces derniers ont aussi profité de liquidités en excès, qui ont boosté tous les actifs)." "Depuis la crise, beaucoup de choses ont changé. Les banques centrales ont été contraintes de mettre en place des politiques non conventionnelles, telles que le credit easing policy aux Etats-Unis ou les quantitative easings. La BCE a fait un peu de quantitative easing (covered bonds) et s'est engagée dans un programme d'achat d'obligations souveraines (SMP) qui agace plusieurs des membres du conseil des gouverneurs (dont Axel Weber), bien que ces achats soient stérilisés par des opérations d'absorption de liquidité." "Il fallait dans un premier temps parer au plus pressé : répondre à la crise de liquidité interbancaire, se substituer aux marchés financiers en panne et bien sûr limiter l'impact de la crise financière sur l'économie réelle. Dans ce cadre, la politique monétaire conventionnelle a été usée jusqu'à la corde (ZIRP), et de nombreux tabous ont été levés pour injecter des liquidités dans le marché." "Mais depuis quelques temps, un phénomène que l'on croyait disparu pour longtemps refait son apparition : l'inflation. A cause d'elle, ou pour prévenir son retour, de nombreux pays ont déjà durci leur politique monétaire (grands pays émergents, Australie, Nouvelle Zélande, Canada, Suède, etc...). En Europe, l'inflation dépasse son objectif officiel en zone euro et, surtout, au Royaume Uni." "Au cours de sa conférence de presse de la semaine dernière, Jean-Claude Trichet a lourdement insisté sur le risque inflationniste (au point qu'E. Nowotny et A. Weber ont dû rappeler, suite à son intervention, que pour l'instant, l'inflation restait sous contrôle). Au Royaume Uni, Mervyn King entretient depuis longtemps une relation épistolaire assidue avec le chancelier, pour expliquer pourquoi l'inflation est trop élevée et comment il compte répondre à cette situation." "La situation, en résumé, est la suivante : 1/les banques centrales des pays émergents sont confrontées à un conflit d'objectif, puisque d'un côté elles veulent lutter contre l'inflation (en augmentant les taux), et de l'autre elles veulent prévenir une hausse de leur devise. La solution, à court terme, passe par un contrôle des entrées de capitaux plus sévère." "2/la BCE veut à tout prix éviter un dérapage des anticipations inflationnistes, parce que c'est son mandat, mais aussi parce qu'en protégeant sa crédibilité anti-inflationniste elle contribue à maintenir les taux longs bas (ce qui est une bonne nouvelle quand les dettes publiques dérapent). Une hausse des taux courts aurait donc selon elle pour vertu de stabiliser les taux longs. Mais elle pourrait aussi être catastrophique pour une économie convalescente." "3/la politique anti-inflationniste de la BOE est en apparence un échec (en apparence, car elle n'est pas pour grand-chose dans le fait que l'inflation est à 3,7%), mais même si le marché l'anticipe, il est peu probable qu'elle augmente ses taux prochainement, pour préserver la nature du policy mix (politique monétaire accommodante/politique budgétaire restrictive), parce que l'inflation est surtout importée (les salaires restent sages), enfin parce qu'un peu d'inflation, si elle reste contrôlée, ne fait pas forcément du mal à un pays endetté (cette position, radicalement opposée à celle de la BCE, n'est évidemment pas officiellement exprimée)." AUT/ALO